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Juillet 1963 à septembre 1963

 

Juillet 1963

 

[Il y a un gouffre entre l’amour divin et l’amour humain - assimiler la substance de la compassion - purification de l’amour - l’amour est la plus puissante des forces - apprendre à voir le Soi dans l’ami et l’ennemi - collaborateurs et compagnons, amis d’une qualité particulière - l’amour est compassion, affinité et dévotion - dans la condition du chéla - apprendre l’amour à "sens unique".]

 

Les gens s’imaginent qu’ils s’aiment mutuellement alors qu’ils s’aiment eux-mêmes et veulent recevoir de l’amour de leur fils ou de leur mari, etc... Entre l’aveugle Cupidon et l’Erôs qui voit tout, il y a la même différence qu’entre Kâma et Buddhi. Le gouffre à franchir entre l’amour divin et l’amour humain est plus large - et plus profond - qu’entre l’amour humain et l’amour animal.

 

         Nos émotions humaines d’amour, et toutes les autres, sont différentes des émotions animales (il y a un volume de Charles Darwin sur le sujet des émotions animales). L’amour d’une vache pour son veau est d’une espèce différente de l’amour d’une mère humaine pour son bébé. De certaines façons, cet amour animal instinctif est supérieur à l’amour erratique, incertain, de la mère humaine ; quoiqu’en réalité la raison, la rationalité, devraient servir à améliorer l’amour intelligent de l’être humain. Quoi qu’il en soit, l’Amour Divin - la Compassion - est aussi différent en espèce de l’amour humain. Les ingrédients de dévotion, de gratitude, de sacrifice, etc... que Manas  illumine, contribuent à former les émotions divines. Devenir Compassion est un stade supérieur et vient après posséder la Compassion. Nous pouvons développer de bonnes émotions, et devenir vraiment humains, mais, pour devenir divins, nous devons acquérir, absorber, assimiler la substance de la Compassion. L’aspect supérieur de Prajñâ [la Toute-Sagesse, la 7ème Pâramitâ de la Voix du Silence] est Compassion, et son aspect le plus haut est Compassion Absolue.

 

         Nous aimons tous, de façons différentes. La purification de l’amour signifie, en fin de compte, l’impersonnalisation de l’amour. Reconnaissez que la Fraternité est plus une question de sentiment que de pensée, et plus une question de pensée que de mots. Si les gens pratiquaient la Fraternité dont ils parlent, ils pratiqueraient la vertu de Shîla [2ème Pâramitâ de la Voix du Silence].On doit faire un effort délibéré pour être fraternel, envers une personne ou une autre. Nous espérons être fraternels et nous restons dans le vague, nous manquons d’agir quand l’occasion se présente. C’est donc très important, de planifier, disons chaque matin, la façon de se montrer fraternels envers untel et untel, durant la journée, et de se souvenir d’avoir à réaliser le projet. Cela a un air un peu mécanique mais je ne pense pas que ce le soit. Il y a volonté, pensée et sentiment derrière un tel acte délibéré.

 

Bien sûr,  aucun d’entre nous n’est sans failles ni faiblesses ; mais aussi, y a-t-il quelqu’un qui soit sans amour, sans capacité de sacrifice et sans considération pour les amis ? Comme le dit Judge, lors du grand bilan, nos fautes sans conséquences et même nos mesquineries, compteront peu. L’amour est la plus puissante des forces - il est immortel et unifiant. Ainsi, dis-je - laissez grandir vos amitiés, de plus en plus, ayez plus d’amis, avec une qualité toujours approfondie d’amour pour les anciens amis. Le sens de l’exclusivité et de la possession gâche la force et la beauté de l’amour. Je ne suis pas d’avis que « deux forment une compagnie, et non pas trois ». Le Soi qui se manifeste dans différents amis le fait de façon différente ; chaque visage révèle une nouvelle couleur, un nouveau nombre, un nouveau ton et un nouveau mot. Apprendre à voir le Soi dans l’ami nous permet d’apprendre à voir le Soi dans l’ennemi.

 

La joie créée par le lien unissant de réels bons compagnons touche tous ceux qui sont prêts à faire l’expérience de ce genre de joie. Les effets invisibles de l’amour et de la joie sont incalculables, ils sont nombreux et vastes. N’est-ce pas un commentaire attristant sur la nature présente de l’homme que de dire que l’amour et la joie sont devenus étroits, restreints et même pollués ? Les ombres de désir charnel, qui ressemblent à de l’amour, produisent de la douleur. Ainsi donc, dans la retraite intérieure de votre cœur, jouissez, en secret et en silence, de l’amour, et de la joie, créés par le lien de compagnonnage, et renforcés par la vraie connaissance et le pur service des âmes humaines. Vous devez apprendre à rayonner votre silencieux pouvoir d’amour et de joie, d’une façon tranquille, discrète. A mesure que nous nous efforçons de vivre et d’expérimenter l’amour du cœur, et la joie du cœur, non seulement nos propres pensées et idées arrivent à de grandes élévations, mais elles portent aussi d’autres personnes à s’élever aux hauteurs gagnées par notre propre coeur. C’est à partir du Cœur que le Sentier qui mène à Eux - les Maîtres - commence à l’intérieur et, finalement, profondeurs et altitudes en viennent à se confondre.        

        

L’amour personnel n’est pas seulement un point de départ mais c’est aussi un tremplin très nécessaire, dont on a terriblement besoin. L’Amour, pur et impersonnel, est une force ou un pouvoir qui se focalise à différents niveaux - depuis le corps jusqu'à Âtma. La plupart d’entre nous, à cette heure, le trouvent concentré dans notre nature Kâma-Manasique. Les étudiants de la Théosophie, avec l’aide de notre Philosophie, devraient tenter de l’élever d’un degré. Manas doit être dégagé des griffes de Kâma. Quand cela est réalisé, nous sommes des êtres Antahkaraniques et l’amour, à partir de ce degré, est plus pur, plus impersonnel, quand il se focalise dans le corps et le cerveau. Le désir de jouissance est du Kâma tamasique ; l’amour personnel, égoïste, est rajasique ; mais quand nous sommes centrés dans l’Antahkarana, et agissons en tant qu’êtres Antahkaraniques, nous commençons à exprimer de l’amour sattvique.

 

En ce qui concerne l’affection et l’amour personnels, qui sont si nécessaires pour être bons afin de devenir spirituels, - à notre niveau, nous devons apprendre à purifier notre amour de façon à l’élever. Krishna appelle Arjuna son « fidèle dévoué et son ami », et cette sorte d’amour est peut-être le dernier degré précédant l’impersonnalisation de l’amour. L’amour, pour un ami tel que vous, me semble nécessaire pour moi, à mon stade d’évolution, et cela non seulement pour donner et rayonner de l’amour mais aussi pour en recevoir. Le degré suivant, me semble-t-il, est l’approfondissement de celui-ci au moyen de l’amour et de la dévotion pour le Guru.

 

L’amour entre condisciples - (Guru-bhâîs) - s’approfondit à  mesure que s’accroît la dévotion envers notre propre Guru et ses Compagnons Bénis. Tout comme la personnalité n’a pas à être détruite, mais transformée et transmutée en celle d’un Nirmânakâya, de même un amour bon et pur entre compagnons doit s’élever, s’ennoblir de plus en plus, en les amenant plus près du trône de l’amour impersonnel. Par le moyen d’un amour familial élargi, nous en venons à aimer ceux qui ne sont pas des parents de sang, et agrandissons ainsi  progressivement notre cercle d’amour. En faisant cela, nous entrons dans le processus d’approfondissement.  Nous en venons à aimer notre ami mieux que nos parents et nos frères et soeurs. À cause de ces liens unissant des âmes entre elles, des collaborateurs et compagnons deviennent des amis d’une espèce particulière.

 

Confiance et amour nouent le nœud de l’amitié, mais il y a aussi de la confiance et de l’amour dans les liens du sang. Il y a moins de force personnelle dans l’amitié et plus de la sorte égoïque. L’amour est l’amour - difficile à analyser, mais l’émotion doit être ressentie. L’amour porte en lui-même compassion, affinité et dévotion ; il me semble que ces trois ingrédients doivent exister dans une proportion convenable pour surmonter les égarements et d’autres obstacles malencontreux qui doivent venir mettre à l’épreuve ce que nous avons de compassion, d’affinité et de dévotion. L’amour est le pouvoir qui lie en  Tanha et est propre à ce  Tanha - la volonté de vivre avec les autres, dans les autres.  La haine est la volonté de vivre pour soi, avec et dans les autres, pourvu que le soi soit satisfait. Un sonnet de Shakespeare a une réelle signification. Il évoque l’amour qui « peut tout supporter jusqu’au seuil de la mort ». Vivre avec et dans les autres, répandre l’un de ces trois aspects - ou tous trois - dans une autre personne, dans d’autres, ou en toutes - cela se traduit par « expansion », alors que la haine est contraction.

 

C’est chose non seulement naturelle mais aussi essentielle qu’il y ait un échange mutuel d’amour, de confiance et de foi entre amis. Mais on ne doit pas avoir un esprit de marchandage : « Il est froid, par conséquent, je serai froid », « Il est chaud, donc je serai chaud ». Vous dites bien que cela doit fonctionner à double sens, mais dans la condition du chéla, nous apprenons quelque chose de plus. Pour commencer, prenons un exemple, non dans la vie de l’individu mais dans celle de la collectivité : les Maîtres aiment l’humanité ; c’est un mouvement à sens unique. Ils travaillent, veillent et besognent, et les civilisations se déploient et déclinent, et se développent à nouveau, mais Eux continuent leur tâche sans désemparer. Maintenant, d’une façon similaire, prenons notre propre Guru, notre réel et grand Guru. Il nous connaît depuis le passé. Le Kali Yuga et d’autres conditions karmiques effacent de notre mémoire personnelle la relation intérieure que nous avons avec lui. Que fait le Maître ? Toujours prêt, quant à Lui, il attend que le chéla soit prêt à son tour. Ensuite, même quand s’engage la vie de chéla, avec quelle bonne volonté, quelle patience et quelle compassion, ne veille-t-il pas sur son chéla, tantôt en l’encourageant gentiment, tantôt en l’admonestant, mais, le plus souvent, dans le silence, pour l’amener à s’éveiller ! Cela, d’une certaine façon, est une circulation à sens unique. Maintenant, il nous faut apprendre tranquillement, et en silence, à copier cet exemple presque inapprochable. Supposez que vous trouviez votre ami en train de s’écarter de la bonne voie, puis faire fausse route, vous arrêterez-vous de l’aimer, de le conseiller, de le mettre en garde ? Si vous l’abandonniez, serait-ce pour vous une décision prise dans la bonne voie ? Ainsi donc, vous découvrirez bientôt que vous êtes en train de développer le pouvoir de soutien qui s’efforce d’établir l’échange à double sens, tout en cheminant individuellement sur le sentier unique. Ce que j’essaie de vous faire comprendre se trouve dans l’un des sonnets de Shakespeare :

 

« L’amour n’est pas le Fou du temps (...)

   L’amour ne change pas au fil de ses brèves heures et semaines,

   Mais peut tout supporter jusqu’au seuil de la mort »

 

Lisez tout ce sonnet. Il commence par ces mots : « Au mariage d’esprits sincères, je ne saurais admettre d’obstacles ».

 

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Août 1963

 

[La sorte d’amour où le mental participe avec le cœur - aimer, servir et s’aider mutuellement - phases supérieures de la vie du chéla - l’amour pur demande aussi la connaissance - l'amour est un réel pouvoir - purifier et élever l’amour humain - amour et dévotion sont précieux - confiance mutuelle, confiance en les Maîtres et en leur philosophie - silence et secret - enrichir d’amour la connaissance]

 

C’est un processus qui va en s’approfondissant - cette sorte d’amour où le mental participe avec le cœur. Notre Théosophie est Amour Divin, et sa pratique, de cette façon particulière, entraîne une élévation qui lui est propre. Combien de gens modernes peuvent l’évaluer, ou même l’apprécier, ou sont capables de l’accepter comme une possibilité ? Aimer, servir et s’aider mutuellement - sans désir charnel ou attachements personnels qui entraînent des querelles personnelles - et, d’une manière constructive, acquérir la technique permettant de tenir étroitement unis mental et cœur, en détruisant les effets mondains de l’espace et du temps, voilà ce dont nous avons besoin. Ce type de communion intérieure est utile également dans la mesure où elle est l’extension de la technique qui sert  précisément dans les phases supérieures de la vie du chéla. La même chose peut être accomplie par chacun avec les autres. Quelle place y a-t-il pour la jalousie ? Pour l’envie ? Et pour toute l’anxiété, le souci et la dépression ? Tout n’est que douceur et lumière, tout au long de la ligne.

 

L’amour, par l’effet même de son pouvoir et de sa pureté, est très souvent à même d’exciter la jalousie chez les autres. Le Germe même de cette jalousie est dangereux, et Judge parle ainsi de germes qui agissent d’une façon métamorphosée. La jalousie est comparable à une mauvaise herbe grimpante ; elle monte et enserre toute notre nature.  Il devient presque impossible de détruire la plante grimpante une fois qu’elle s’est introduite dans notre constitution et l’a entourée de ses spires. Mais il importe de veiller à repérer la présence des germes eux-mêmes. Ceux qui n’ont jamais entendu parler de l’idée d’autodiscipline,  et ne savent rien des ses méthodes et procédés, en éprouvent de la souffrance. Ils attrapent la maladie et n’en savent rien. Bienheureux en cela sont ceux qui savent où appliquer la discipline, qui connaissent son but et sa valeur, et qui essaient de contrôler le mental et d’élever le cœur.

 

L’électricité et le magnétisme de l’amour, lorsqu’ils sont purs, rayonnent alentour des bienfaits, parce que l’amour permanent du cœur devient viable et brise la dure coque de l’élément personnel. Une croûte de matière personnelle nous entoure et nous enferme en elle. L’amour - et l’amour seul - peut briser cette coque. Les fissures ainsi pratiquées dans la coque nous permettent de voir au delà. Et, dès lors, la connaissance est très nécessaire, car voir sans comprendre amène un égoïsme subtil, qui remplace l’égoïsme de l’espèce brutale et grossière. L’amour aveugle est la racine de l’égoïsme et du conflit. La variété spirituelle de l’amour est altruiste. Si nous essayons d’analyser sa manifestation, nous découvrons que cet amour central s’exprime comme compassion, charité et sympathie pour les êtres moins évolués ; disposition amicale, compagnonnage et camaraderie avec nos égaux ; et dévotion, respect et culte rendu à ceux qui sont plus puissants que nous. Ainsi, de notre « sphère de douleur », du sentiment se met à rayonner jusqu'à la Déité elle-même, envisagée comme abstraite et comme concrète - Brahman  et Krishna, l’Absolu et le Logos. Vient alors l’étape suivante : voir la Divin Krishna dans tous les hommes et toutes les femmes.

 

Il est bon que vous découvriez que l’Amour est un réel pouvoir - ou shakti. Le pouvoir primordial de Krishna est appelé Daiviprakriti ; quand il devient actif, c’est la compassion manifestée, et il crée les âmes humaines. Les Dieux vivent et se multiplient, à ce que l’on dit. Comment font-ils pour créer ? Par la Volonté et le Yoga, dit la Doctrine Secrète. C’est la Compassion en action. C’est Kriya Shakti (c’est-à-dire cette  Shakti primordiale) qui agit, qui crée dans l’action et par l’action.  H.P.B.  déclare que Daiviprakriti ou Para Prakriti est Fohat.  Pour parler de Fohat, le pronom « Il » est employé dans la Doctrine secrète (vol. I) et Il crée la Sagesse. Nous autres, à notre stade humain, sommes en train de purifier et d’élever l’amour humain, pour qu’il devienne Amour Divin, créateur et régénérateur. Dans les premiers stades, l’amour ne crée pas seulement par des corps et avec des corps, mais les ésotéristes apprennent à créer par les pensées et les sentiments. Il ne s’agit pas ici de Kriya Shakti, mais cela conduira à Kriya Shakti dans le cours du temps.

Sentir est une expérience. Les sentiments inférieurs amènent les expériences du monde. Les sentiments ou aspirations de nature supérieure créent les expériences célestes. Amour et dévotion sont des pouvoirs puissants.

Amour et dévotion sont précieux -  la meilleure sorte de richesse. Les qualités du cœur changent pour le mieux notre mental et nos pensées. Un nouveau style de pensée, sous l’angle du motif et de la méthode et, par conséquent, une attitude de transformation intérieure : voilà qui est d’une très grande valeur. Fixez-vous de plus en plus dans le Supérieur, ou l’Intérieur, et faites que votre amour pour tous ceux que vous contactez et que votre dévotion pour les Grands Maîtres Bénis croissent de plus en plus. Croissent comme croît la fleur, en répandant beauté et parfum partout autour d’elle.

 

Le pouvoir qui soutient le rapport qui existe entre amis vient de la confiance mutuelle. Ce ne sont pas même l’affection et l’amour qui opèrent dans les derniers tests [subis par le chéla], c’est la confiance. Le monde occulte des Maîtres est maintenu en cohésion par le Pur Prâna - la Confiance. L’amour personnel s’évanouit, mais la confiance dans les personnes et les personnages demeure. Ainsi donc, veuillez apprendre à faire confiance - non pas aveuglément mais intelligemment. Ne jugez jamais en hâte. Il se peut que vous ne compreniez pas beaucoup de choses et d’enseignements, mais essayez d’utiliser la clef de la confiance pour ouvrir la connaissance verrouillée. Nul d’entre nous n’est parfait ; le plus grand d’entre nous par sa taille a ses limites et ses défauts. Une seule chose importe pour le test réel qui éprouve l’être : qu’on dise du bien ou du mal de lui, qu’il soit respecté ou non, suspecté, aimé ou repoussé, poursuit-il sans faiblir la tâche des Maîtres ? La confiance vient du cœur. Il y a, dans l’Occultisme, beaucoup, beaucoup d’éléments qui sont incompréhensibles, qui rendent perplexe. Voyez l’histoire de Hume, Sinnett et d’autres. Qui a fait confiance jusqu'à la fin dernière ? H.P.B. l’a fait, ainsi que Judge, Damodar et Crosbie, et quelques autres, connus et inconnus.

 

Ainsi donc, étudiez en confiance, et avec confiance ; appliquez plein de confiance et, par dessus tout, servez en faisant confiance aux Maîtres et à Leur philosophie. Mais préparez-vous à rencontrer doute et suspicion, non pas de la part de tout le monde mais, précisément, de ceux en qui vous avez confiance. Une attitude de silence et de secret vous aidera. Eh bien ! je pourrais en dire bien plus sur la confiance et le silence, mais notez une seule pensée : voyez comment Karma opère - il fait confiance à celui qui souffre et qui agit mal, en lui donnant l’opportunité de corriger l’erreur et de s’assurer un véritable bonheur. Également, combien profonde est l’activité silencieuse et secrète de la Bonne Loi qui « ne connaît ni colère ni pardon » !

 

 

Puisse le Grand Dieu d’Amour vous aider à voir la lumière dans les Ténèbres, le grand dans le petit, le bien dans le mal et la Totalité dans la partie ! Enrichissez d’amour la connaissance, et votre vie deviendra de plus en plus une sainte vie de service pour tous.

 

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Septembre 1963

 

 

[Dieu et la prière - la nature émotionnelle doit être purifiée et élevée - l’examen de conscience - la mémoire - l’Unité doit être maintenue - la maîtrise du mental vagabond - la concentration sur un seul point - comprendre la nature du Soi supérieur - comment arriver au succès dans la méditation]

 

 

         Considérons maintenant vos questions concernant Dieu et la prière. C’est là un point que beaucoup d’amis évoquent. En lisant une phrase comme celle de La Clef  [cf.pp.87-90] : « La prière tue la confiance en soi », ils sont déroutés.

         Comme on la comprend d’habitude, la prière comme une demande de faveurs adressée à un Dieu personnel est une chose, et la prière comme une communion intime avec sa propre Divinité dans le cœur en est une autre. HPB a rendu la chose claire et un récent article de mai 1953 du Theosophical Movement : « Comment allons-nous prier ? » devrait satisfaire tout chercheur honnête. Nous ne sommes pas contre la prière adressée à la Divinité Intérieure de l’être, afin d’en être guidé et aidé. Il faut faire ici une distinction entre la personne qui prie, c’est-à-dire la personnalité, et l’intelligence à laquelle est offerte la prière, c’est-à-dire l’individualité. A moins qu’il y ait consubstantialité entre les deux intelligences, la personnalité et l’individualité, il ne peut y avoir de réelle communion. Cela implique nécessairement que la personnalité se purifie et se rende plus proche et plus intimement liée à l’individualité si les prières de la personnalité doivent recevoir une réponse. Cette idée importante n’est pas comprise.

         Cela m’amène à votre autre problème : il n’y aurait en Théosophie ni place ni débouché pour la nature émotionnelle de l’homme comme on en trouve dans la prière ou le culte d’une Divinité. Cela également n’est pas tout à fait exact, car la nature émotionnelle doit être purifiée et élevée. Les désirs sont de deux sortes et sont la base même de toute activité émotionnelle. Il y a les désirs supérieurs qu’on peut appeler aspirations, et ces aspirations mettent en jeu la bonne sorte d’émotions. Le sentiment de dévotion, de foi éclairée, le désir intense de faire le bien, de marcher sur le sentier, de venir en contact avec les Maîtres, constituent tous des canaux convenables pour l’expression des émotions ou aspirations supérieures. Toutefois, il est bon, en vérité, de savoir que même si les gens parlent de l’absence d’expression émotionnelle, à vos réunions, il y a une grande ferveur et un grand enthousiasme. Ce qui en soi montre que la Théosophie n’est pas privée de la sorte convenable d’expression des aspirations.

         Nous devons évaluer nos mauvaises actions en pratiquant l’examen de conscience et ensuite recourir au véritable repentir, qui comprend l’idée suivante : « Ne te retourne pas ou tu es perdu » (La Voix du Silence, p.32).

         L’examen de conscience est tout à fait nécessaire. Il est de deux sortes : journalier et périodique. Deux sources fournissent le moyen correct de contrôle : 1°) notre propre Soi Supérieur et Ego Intérieur et 2°) la Divine Philosophie et particulièrement les Divines Pâramitâ. C’est là une partie de notre discipline. Incidemment, elle développe la très nécessaire vertu d’honnêteté intellectuelle.

         Toujours à propos de l’examen de conscience : il y a, bien sûr, une tendance instinctive à se justifier. « Ne regrette rien » déclare Judge, « Ne te retourne pas » dit la Voix (p. 32). Cet ingrédient dans notre attitude équilibre et aussi illumine le côté pénible de cette affaire. Rien, y compris l’examen de conscience, n’est parfait. Toutes les actions humaines sont enveloppées d’imperfection, déclare la Gîtâ. Ainsi donc, il nous faut aller de l’avant calmement et patiemment. Détachement et renoncement se mettent en place graduellement et nous devons être prudents et veiller à agir de façon délibérée.

         La mémoire et la perte de la mémoire, tel est le problème psychologique central pour tout aspirant. Adopter des périodes fixes pour la méditation et l’examen de conscience aide tous les processus de la journée et ceux-ci donnent de la profondeur aux actes spéciaux. L’unité doit être maintenue à tout moment et partout. Renoncement et activité vont aussi de pair, comme frustrations et réussites. De là doit s’instaurer le « calme toujours présent ».

         Les paroles de saint Paul sur la maîtrise du mental visent une expérience que doit traverser tout aspirant au Sentier du Chéla. Elles vont dans le même sens que la partie terminale du 3ème chapitre de la Gîtâ.

         La Théosophie a des instructions pratiques à donner sur le sujet de ce qu’on appelle ordinairement et vaguement « méditation ». L’idée générale est bien mise en lumière dans une brochure (Cahier Théosophique, n° 95), qui reproduit les articles de Damodar et de Judge. Nos frères hindous s’embrouillent avec les mots sans faire une distinction convenable entre les termes qu’ils emploient. Celui qui est utilisé généralement est « yoga », comme dans le 6ème chapitre de la Bhagavad-Gîtâ et là, il se rapporte au sujet de la méditation. L’idée importante qui est mise en avant [chap.VI, v.35] est la nécessité de deux qualités : Abhyâsa, qui implique pratique assidue en accord avec la connaissance, et Vairâgya  qui signifie « état sans passion ». Ce couple est considéré comme essentiel pour la pratique de la méditation mais il ne faut pas passer sous silence le point important : Krishna recommande que chaque fois que le mental vagabond s’écarte du sujet considéré, il doit être ressaisi et placé sur l’Esprit, mais les gens ne comprennent pas cela. Si je suis occupé, disons, à une affaire de ce monde, liée à ma vie ordinaire, je suis censé me concentrer dessus. Mais voilà que mon mental part à l’aventure : il me faut le ramener, non pas au travail dont il s’est écarté, mais à l’Esprit. Si ce que cela signifie réellement n’est pas compris, la confusion en résulte. Il y a une base ou une perspective spirituelle pour chaque activité liée à ce monde, et le sens général implique que vous trouviez cet aspect spirituel car c’est sur la base de cet aspect que l’on peut pratiquer la concentration, ou méditation, ou contemplation. Les gens aspirent à une expérience spirituelle qu’ils auraient dans une méditation spéciale d’une demi-heure ou d’une heure, et ils échouent simplement parce que n’est pas utilisé le véritable pouvoir de leur méditation périodique. Je n’arriverai jamais à mettre mon mental vagabond sous mon contrôle si je ne consacre qu’une heure à l’empêcher de vagabonder, alors que le reste du temps il erre à l’aventure.

         Mais la Gîtâ ne va pas plus loin dans les détails sur cet exercice. L’autre livre qu’utilisent les gens est « Les Yoga-sûtra de Patañjali» et ici encore ils se mettent à employer des termes sans comprendre ce qu’ils sous-entendent et signifient réellement. On y trouve 4 termes : Pratyâhâra, Dhâranâ, Dhyâna et Samâdhi, sans se rendre compte qu’en l’absence des 1er stades de Pratyâhâra et  Dhâranâ, Dhyâna n’est pas possible et encore moins Samâdhi. Il est donc nécessaire de comprendre les principes contenus dans ces termes.

            Pratyâhâra [1] a à faire avec le pouvoir du mental qui doit essayer d’arriver à être concentré sur un seul point en rapport avec tout ce qu’il est en train de faire, et c’est là un exercice qui se pratique dans la vie du monde.

 

         Il n’est pas nécessairement recommandé de prendre des objets spéciaux de méditation. Mais, dans chaque aspect, il faut rechercher le plus élevé. C’est la même chose que ce qui est dit  dans la 6ème chapitre  de la Gîtâ.

 

         Puis vient le sujet de la concentration ; ensuite c’est la contemplation, et puis la réalisation. Prenez l’analogie avec un corps d’armée. Un régiment se trouve concentré, amené en un seul point ; tous les soldats s’y rassemblent. Alors le général examine l’objet à attaquer : une ville, un fort, une colline - que  sais-je encore? Ensuite, il donne des ordres au régiment de faire son attaque et finalement c’est la prise d’assaut de la cité, du fort ou de la colline. C’est là une bonne image. Nous devons nous rassembler sur un point central, nous concentrer. Le mot même indique le rassemblement sur un centre. Considérez maintenant la racine du mot «contemplation » - c’est la prise en considération de ce qui a été rassemblé. Vient ensuite Samâdhi qui est la possession de l’objet contemplé, le fait de devenir un avec celui-ci. En fait, tout mental vagabond, sans le vouloir, passe par tous ces trois stades. C’est ce que Judge essaie d’expliquer dans ses Notes sur la Bhagavad-Gîtâ. Ainsi donc, comme vous voyez, c’est un sujet complexe, et nous devons bien saisir le principe essentiel.

 

         L’autre difficulté que vous rencontrerez tient à ce qu’aucune concentration n’est possible à moins de comprendre la nature du Soi supérieur ou Spirituel - au moins dans une certaine mesure. À un 1er stade, c’est le soi inférieur qui, dans sa position concentrée, exerce sa contemplation sur le Soi Supérieur et s’unifie à lui ; la démarche suivante consiste, après s’être unifié au Soi Supérieur, à redescendre dans sa nature inférieure - comme un maître supérieur à ce qu’il était en quittant le niveau où il se trouvait au départ.

 

         Vous découvrirez que si nos étudiants indiens veulent bien se tourner vers La Voix du Silence pour y retenir certains versets, ils auront plus de succès dans leur méditation qu'en passant par les points difficiles exposés par écrit dans le style sûtra du livre de Patañjali. En soi-même, un sûtra demande à être déchiffré. Un aphorisme n’est pas chose facile à saisir. Aussi, les phrases de La Voix du Silence qui ont trait au sujet du mental se révéleront bénéfiques. Prenez comme exemple : « Le mental est le grand meurtrier  du Réel » (p. 16), ou les versets concernant la nécessité d’extraire le mental des objets extérieurs et des images intérieures, ou celui qui évoque le mental comme un miroir, avec la poussière dont il faut le nettoyer (p. 42) ; prenez aussi ce verset : « Ton soi et ton mental, comme des jumeaux sur une même ligne, l’étoile qui est ton but rayonnant au-dessus de ta tête » (p. 35). Et il y a encore d’autres versets. Si un étudiant est réellement intéressé, il peut cueillir dans La Voix du Silence de tels versets et les disposer dans un ordre particulier de son choix. C’est ce que j’ai fait, il y a bien des années, et cela a opéré admirablement, en plus d’un sens.

 

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[1]    [Pratyâhâra, selon Patañjali, précède et conditionne Dhâranâ : c’est le retrait des sens, il faut les détacher de leurs objets pour libérer le mental de leur emprise et le concentrer sur l’objet de la méditation (N.d.T.)]

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Programme et activités du Groupe d'Etude Théosophique en Tarentaise

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