Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
/ / /

Novembre 1962 à janvier 1963

 

 

Novembre 1962

 

[Un gouffre sépare la reconnaissance intellectuelle de la vérité et sa réalisation par assimilation ‑ l'étude chronologique des préfaces des 4 livres de H.P.B. révèle le plan de son œuvre ‑ La Doctrine Secrète, métaphysique et philosophique, et La Voix du Silence, éthiquement pratique, appartiennent à la même série d'instructions que les Stances de Dzyan.]

 

 

         Comme vous avez à assurer toute l'organisation de votre bureau, vous allez avoir les mains très pleines. C'est dans des périodes comme celles-ci que l'étude théosophique se révèle d'une réelle valeur pour l'aspirant. Philosophie et étude métaphysique calment le mental et élèvent le cœur et cela, en même temps que la lecture de nos livres dévotionnels va vous aider à faire face à toutes vos activités extérieures, avec un calme toujours présent.

         Sans aucun doute, il y a un gouffre qui sépare l'appréhension et la reconnaissance intellectuelles de la vérité de la réalisation qui résulte de l'assimilation des enseignements. Cette assimilation est rendue possible par l'examen de conscience et une tranquille réflexion sur ce qui est étudié et entendu de la Théosophie.

         Pour ce qui est de la question concernant la distance entre la compréhension et l'application dans la vie, et la place occupée par la compréhension quand on vit la vraie vie, il est malheureusement vrai que l'étude et l'application, ou la compréhension intellectuelle et la mise en pratique par l'exemple de ce qui est compris, ne vont pas toujours de pair. On ne reconnaît pas toujours que, sans l'étude et la compréhension, il est impossible de mener la vie supérieure. Beaucoup de nos combats et de nos souffrances arrivent parce que nous ne reconnaissons pas la nécessité de connaître et de comprendre la Science de la Vie, si nous souhaitons pratiquer l'Art de Vivre. Sans une compréhension convenable, nous ne pouvons être sûrs de faire le bon choix entre deux lignes d'action, ni de juger ce qui est bien ou mal. "Il faut étudier pour savoir, savoir pour comprendre, comprendre pour juger". Par ailleurs, une compréhension purement intellectuelle, sans essai d'application, ne sert à rien. En fait, nous ne pouvons réellement pas comprendre à moins d'essayer aussi, pas à pas, de pratiquer ‑ d'où les trois fameux points sur lesquels insiste notre Déclaration [de la Loge Unie des Théosophes] ‑ étude, application, promulgation.

Les livres ne sont pas la source finale de la Soi-connaissance. Elle se trouve dans le Soi. Mais comment atteindre cette source finale ? La philosophie, même ésotérique, est tirée des livres, en tant que point de départ. L'essence même du travail au niveau du Shravaka [disciple qui "écoute"] dans ce cycle, est tributaire des livres, et du manuel de ce siècle ‑ La Doctrine Secrète.

Quant à cette Doctrine Secrète, c'est un livre difficile mais, tôt ou tard, l'étudiant doit en faire son ami, et le premier pas vers cette amitié consiste à faire connaissance. Je vous conseillerais de jeter un coup d'œil au contenu des deux volumes et d'en étudier la dédicace. Si vous vous penchez sur les dédicaces des quatre livres de H.P.B. : Isis Dévoilée, La Doctrine Secrète, La Clef de la Théosophie, La Voix du Silence, vous découvrirez que cette étude, par elle-même, révèle tout le plan que H.P.B. avait en vue. Le Mouvement Théosophique fut inauguré pour l'étude des propositions contenues dans Isis Dévoilée, et comme le nombre des gens qui étudiaient l'Ancienne Religion-Sagesse augmentait, elle fut amenée à écrire La Doctrine Secrète. Parmi ses étudiants, certains devinrent ses élèves, prêts à enseigner ce qu'ils avaient appris. C'est pourquoi La Clef de la Théosophie fut publiée. Finalement vint La Voix du Silence, dédiée au petit nombre des âmes vaillantes disposées à tout donner à la Théosophie sans rien retenir pour elles. Dans ces dédicaces, vous trouverez la place qu'occupe La Doctrine Secrète, et sa valeur pour tous les étudiants.

         Un coup d'œil à la table des matières ne vous prendra pas beaucoup de temps. Cela vous donnera une idée de la profondeur du mental de H.P.B. ; non seulement vous y trouverez sa largeur de vue mais aussi sa profondeur de perception et sa claire vision. Quand vous aurez étudié dédicace et table des matières, vous pourrez prendre la Préface du 1er Volume. Là se trouvent beaucoup de points importants qui susciteront des questions.

         Je suis heureux que vous lisiez La Doctrine Secrète d'un bout à l'autre. Cela vous donnera une idée du merveilleux mental qui était celui de H.P.B., capable de traiter tous les sujets avec une telle perfection et maîtrise. Mais pour aller au cœur de cette Doctrine Secrète, il faut absorber ce que procure une réflexion tranquille et continue.

         Vous n'avez pas lieu d'être effrayé par La Doctrine Secrète. Sans aucun doute, son style est difficile et la méthode suivie pour présenter les enseignements semble complexe, mais H.P.B. l'a utilisée dans un but très sérieux. Il ne faut pas lire l'ouvrage seulement avec le mental inférieur qui analyse et comprend. C'est un livre qui met en action la faculté d'intuition, et même si un étudiant ne comprend pas tout ce qui y est contenu, il n'en est pas moins aidé. Nous pourrions, à l'aide d'une image, en parler de la façon suivante : pour beaucoup d'entre nous, la valeur des différentes sortes d'aliments nutritifs n'est pas connue. Nous consommons ces aliments et, sans même que nous en soyons conscients, leur caractère nutritif produit sa saine réaction dans le corps humain. C'est exactement ce que fait La Doctrine Secrète.Vous pouvez bien ignorer quelle est la partie de votre corps qui tire nourriture d'un aliment particulier ‑ certains de ces aliments nourrissent les nerfs, d'autres la structure osseuse, d'autres le cerveau, etc... La Doctrine Secrète, quant à elle, nourrit l'aspect de l'âme qui est au-dessus du mental logique, analytique. Ce dernier compare, fait des oppositions et se déploie entre de nombreuses paires d'opposés. Mais, d'ordinaire, le mental supérieur n'est pas mis à contribution ‑ c'est pourquoi nous ne savons pas ce que sont les effets de son opération sur le cerveau, ni la manière dont les sillons dans le cerveau sont remplis, c'est pourquoi une étude de La Doctrine Secrète est d'une valeur immense, bien que nous ne croyions pas qu'elle ait cette valeur. Encore une idée à propos de La Doctrine Secrète : ne la considérez pas seulement comme un livre métaphysique ; si vous lisez avec attention, la Préface de La Voix du Silence, vous trouverez l'affirmation de H.P.B. que les Stances de Dzyan et La Voix du Silence appartiennent à la même série d'instructions. Les Stances représentent l'aspect métaphysique et philosophique et La Voix du Silence l'aspect éthiquement pratique, et les deux ailes de l'âme humaine sont essentielles si cette âme doit s'élever comme l'oiseau géant qui s'efforce d'aller toucher l'atmosphère même d'Âkâsha.

 

____________________

 

 

Décembre 1962

 

[La dévotion, le talisman pour l'étudiant-aspirant ‑ s'efforcer de contacter le mental des auteurs fondateurs pendant l'étude de leurs livres ‑ la multiplication des "centres" ‑ donner l'exemple dans son foyer ‑ la métaphysique entraîne le mental au détachement, facilitant ainsi le règlement des problèmes concrets d'une façon spirituelle ‑ "la Théosophie est pour ceux qui en veulent et pour nul autre" ‑ "notre connaissance nouvelle n'est qu'une extension de notre connaissance ancienne.]

 

 

         Lumière et obscurité vont toujours ensemble et, comme l'a souligné R. Crosbie, dans une grande ville, il y a beaucoup d'âmes qui sont avidement à la recherche de quelque lumière ; mais vous et d'autres amis, situés comme vous l'êtes dans une petite ville, avez une opportunité toute spéciale. Un groupe fort, tirant son énergie et son soutien de lui-même, aura une grande signification pour la Cause, comme pour l'Inde. Beaucoup, sinon tout, dépendra des quelques âmes sincères qui y mèneront ce travail d'amour. Le sentiment dévoué pour la Grande Cause, c'est ce qui nourrit l'étudiant-aspirant. Si vous aimez la Cause, vous travaillerez pour elle sans vous arrêter, et , ce faisant, vous découvrirez ce qu'elle a de caché comme beautés et pouvoirs ; ainsi, vous l'aimerez d'autant plus. La dévotion est le talisman qui opère son miracle pour chaque étudiant ; non pour le progrès de celui-ci mais pour l'avancement de la Cause pour laquelle son progrès est nécessaire. L'étude de nos grands enseignements est une chose très nécessaire et votre connaissance s'étendra à mesure que vous étudierez, mais, à moins que la qualité du coeur soit développée et que le sentiment ressenti pour la Cause de la Fraternité Universelle soit soutenu, l'étude produira un cercle "on ne passe pas", et surviendront alors problèmes et perplexités. C'est pourquoi, en poursuivant l'étude, songez à l'humanité qui doit être aidée par l'étudiant et cela, naturellement, tournera votre pensée vers les véritables auteurs de la Philosophie. Ce corps parfait de connaissance n'est pas venu à exister avec H.P.B., même si elle a été le point focal où se sont concentrées assistance, directions et instruction pour la conduire. En étudiant ces livres, il vous faut essayer de contacter son mental et, de même, en étudiant les ouvrages de W.Q. Judge, vous devez contacter son mental qui, comme l'a souligné H.P.B., était le lien entre les mondes spirituel et matériel. Quand un étudiant-aspirant comme vous a commencé à contacter le mental des auteurs et fondateurs, il s'ensuit naturellement que leur pouvoir mental se met à opérer son miracle sur le mental de cet étudiant. C'est pourquoi H.P.B. a dit, dans le premier de ses Cinq Messages :

La multiplication des centres locaux devrait être une question prédominante dans votre esprit, et chacun devrait s'efforcer d'être en lui-même un centre de travail. Dès que son développement intérieur aura atteint un certain point, il attirera naturellement sous la même influence ceux qui sont en contact avec lui ; un noyau se formera, autour duquel d'autres personnes se regrouperont, créant ainsi un centre d'où rayonneront information et influence spirituelle, et vers lequel convergeront des forces supérieures.

         Le devoir du Théosophe, à ce qu'il me semble, est d'abord, et avant tout, de vivre sa vie et de donner l'exemple dans son propre foyer ; il peut lutter, dans une large mesure, contre la malhonnêteté du marché noir ; également, dans son métier et la routine du bureau, il peut donner l'exemple de l'efficacité et de l'honnêteté, qui aura ses répercussions bénéfiques sur tous ceux qui viendront à son contact. À cet effet, l'étude quotidienne est tout à fait excellente. La métaphysique donne au mental un détachement, et ce mental, après avoir fait l'expérience de ce détachement, devient capable, en étant amené au contact des problèmes concrets du monde, de les régler d'une façon vraiment spirituelle. L'étude et l'application, toutefois, ne suffisent pas ; il faut nécessairement la promulgation de ces idées. Il est vrai que cela est pratiqué dans votre groupe d'étude et, indirectement, beaucoup de travail peut être accompli à la faveur du contact avec des amis, pendant la conversation et dans la classe d'étude, aussi bien que par des visites à des organisations sociales et politiques où l'influence théosophique peut pénétrer par votre intermédiaire. Nous ne pouvons pas être indifférents et fermer les yeux au mal qui nous entoure ; ce serait aussi futile et impraticable que de ne pas avoir de lumière dans nos maisons, et simplement de fermer les yeux en raison de l'obscurité, ou de ne pas aller dormir parce que le chaos nous environne. Nous devons allumer nos lumières et chaque petite lumière permettra à des personnes autour de nous de disperser les ténèbres qui les entourent, elles aussi bien que d'autres. Il ne servirait à rien non plus de se tracasser et de s'infliger une insomnie ; nous devons utiliser les heures d'obscurité à seule fin d'avoir le sommeil qui apporte le délassement nécessaire pour le travail à accomplir le lendemain.

         Il n'est pas surprenant que beaucoup de nos collègues et amis ne soient pas intéressés par le travail de H.P.B.. Ce n'est pas chose facile de s'intéresser aux aspects supérieurs de l'existence, particulièrement quand ces aspects supérieurs exigent une application telle qu'il faille changer son propre mode de vie journalière.   Nous savons bien ce que nous faisons ‑ essayer d'influencer le mental de la race humaine pendant les décennies qui viennent avant 1975. Faites-en sorte que, dans votre mental et votre cœur, il soit bien clair que vous ne pourrez rien accomplir dans ce sens tant que vous ne vous serez pas familiarisé entièrement avec les enseignements de la Philosophie Ésotérique.

         Nous ne pouvons pas faire grand ‘chose pour le Frère "X"‑ le fait qu'il se plaigne que la Théosophie ne l'aide pas, nous rappelle la plainte de deux membres américains adressée à H.P.B.. Ils lui dirent la même chose, en ajoutant que, comme leur appel aux Maîtres n'avait suscité aucune réponse, ils s'en retournaient au "doux et humble Jésus". La réponse de H.P.B. fut : "Avez-vous frappé à la bonne porte ?" et "Avez-vous frappé de la bonne façon ?" Ainsi donc, nous pouvons souhaiter au Frère "X" de trouver le mieux dans le monde ‑ et qu'il le découvre par lui-même. Si vous pouvez l'aider à se réorienter, vous lui rendrez probablement un grand service.

W.Q. Judge a écrit, à juste titre, que "la Théosophie est pour ceux qui en veulent, et pour nul autre".

         Quant à l'idée que la Théosophie est pour ceux qui ont faim de sagesse de l'âme : c'est tout à fait correct. Mais, vraiment, y a-t-il, dans le processus de l'évolution humaine qui passe par l'existence incarnée, quelqu'un qui ne serait pas affamé d'une sagesse de l'âme, de façon directe ou indirecte ? Nous aimerions attirer votre attention sur deux articles : "La Théosophie est-elle pour tous ?" et "Esclavage inutile", dans le Volume 13 de la Revue Theosophy. Bien qu'il soit juste de dire que "la Théosophie est pour ceux qui en veulent", il ne faudrait pas en conclure que ceux qui n'en veulent pas n'en auraient pas besoin, parce que la Théosophie fournit l'étape suivante du progrès pour toute conscience humaine, aussi obstrue et prosaïque soit-elle.

         Ce que nous devons rechercher, c'est un noyau stable de vrais étudiants dévoués à H.P.B. et à ses grands Maîtres. Les gens vont et viennent, comme l'a souligné W.Q. Judge, mais le vrai noyau doit demeurer, et c'est ce vrai noyau qu'il faut en tout temps rechercher en vue du réel progrès de la Théosophie en tout lieu.

         Je suis pleinement convaincu que les étudiants de la Théosophie peuvent épargner, à eux-mêmes et à leurs associés, une grande mesure de difficulté et de souffrance s'ils vivent avec le pouvoir de la Théosophie. S'ils peuvent conserver un centre intérieur sans qu'aucune agitation de les atteigne, ils deviendront capables de comprendre nos enseignements d'une façon plus profonde, et aussi de trouver de l'aide, pour eux-mêmes et ceux qui les entourent, étudiants ou non, d'une façon plus efficace et consciencieuse. Si quelques personnes connaissent la valeur et le pouvoir de la Théosophie ne veulent pas tenter cela, tant pis pour nous et pour le pays. Il ne nous faut pas seulement promulguer les grandes idées dans des classes d'étude et les réunions, mais, plus que jamais, promulguer en devenant "Théosophiques" de cœur et de mental, tout comme en paroles et en actes.

         The Heart Doctrine [1] [= La Doctrine du Cœur] est un petit livre, certes, mais plein de bonnes choses, et il faut lire les articles de W.Q. Judge plusieurs fois, et les méditer, pour pouvoir faire l'application nécessaire. À moins d'appliquer les enseignements qui y sont contenus, le caractère profond et accompli des écrits de Judge ne nous apparaîtra pas clairement. Comme il le fait remarquer dans une de ses lettres, notre connaissance nouvelle n'est qu'une extension de notre connaissance ancienne ; et ses livres nous permettront d'accroître notre réserve de connaissance exactement dans les termes de l'application que nous en ferons. C'est cette mise en pratique de la Théosophie, dans notre vie journalière, qui est si essentielle ; et en fait, l'une des choses qui font obstacle à beaucoup d'Hindous qui, par ailleurs, apprécient intellectuellement la Théosophie. C'est l'inertie et la tiédeur dans le sens de l'application des enseignements reçus. Cela est vrai non seulement en ce qui concerne les enseignements de la Théosophie mais aussi bien ceux de la Bhagavad-Gîtâ. Si les Hindous se mettaient à appliquer ces enseignements de la Gîtâ, ils ne tarderaient pas à devenir des étudiants de la Théosophie.

 

____________________

 

 

Janvier 1963

 

[Aide pour "sortir" du devachan ‑ ne pas "entrer" en devachan ‑ analyse des motifs ‑ amour du Maître et de l'Humanité ‑ développement de la faculté d'adaptabilité et de service.]

 

            À propos du devachan : voyez dans Vernal Blooms, p.162 [2] les mots de H.P.B. qui sont cités par Judge : "Tous ceux qui sont des travailleurs pour la Loge, peu importe leur degré, sont aidés à sortir du devachan, si eux-mêmes le permettent". En appliquant ces mots à vous-même, du fait que vous travaillez pour la Grande Loge des Maîtres, peu importe à quel degré vous appartenez actuellement, vous serez aidé à sortir du devachan, si vous-même le permettez. Du côté des Maîtres la condition est que vous soyez un travailleur ‑ encore faut-il qu'Ils aient votre accord. Il faut comprendre ici ce qu'est un travailleur dans son propre contexte et dans ce qui fait sa vie. Il faut qu'il y ait la qualité d'une dévotion concentrée qui, non seulement qualifie, mais oblige l'aspirant de l'intérieur à servir la Cause de la Fraternité, c'est-à-dire la Fraternité de l'Humanité, dont l'exemple est donné, focalisé, dans la Loge des Frères, qui tous pensent, ressentent, enseignent et agissent sous l'impulsion d'une seule Volonté Unie, ou d'Un seul Esprit Uni de Vie. La Loge transcendante œuvre pour établir des rapports fraternels humains. Un aspect de la Loge devient immanent dans le règne humain sur la terre, par incarnation directe, comme dans le cas de H.P.B., ou par l'influence indirecte de disciples qui vivent et travaillent sur la terre. Ainsi donc, être un "travailleur pour la Loge" a une implication bien définie. Cela signifie vivre et travailler pour et en accord avec la Grande et Sacrée Connaissance de la Loge. Cela implique donc, pour le travailleur, d'être une personne qui œuvre avec énergie, et la conviction de l'existence de la Loge et des Maîtres, et de posséder une foi faite de cette essence-substance particulière. J'insiste sur ce point car les paroles de H.P. B. pourraient bien être prises à la légère par quiconque. Ensuite, l'aspiration-désir doit être formulée quand on est dans l'existence incarnée. Il faut que naisse le sentiment suivant : "Je veux servir" ‑ ce qui implique de multiples sortes de sacrifices ‑ entre autres, de renoncer au repos, à la joie et l'assimilation du devachan. À son tour, cela implique une clarification intérieure de l'aspiration en termes de la connaissance de ce que détermine le devachan, de ce qu'il est et du moyen permettant de faciliter le renoncement à cette expérience. La faculté-vertu d'adaptabilité est nécessaire. Une réincarnation accélérée implique nécessairement que l'on devienne progressivement prêt à opérer avec n'importe quel type de corps et d'environnement. Ce pouvoir (l'adaptation, en science moderne) doit être développé par l'étude et l'exercice. Notez bien : c'est un processus intérieur. Nous n'avons pas à verbaliser les choses, avec quelque désinvolture, en disant : "Je suis en train de développer l'adaptabilité car je vais renoncer au devachan". Le Centre intérieur doit être formé et il faut alors qu'il se répète cette résolution et ce processus. Cela réalisé, on peut se préparer à la tâche très difficile de ne pas aller du tout en devachan : dans ce cas, nous n'avons pas besoin d'en être retirés. Voyez la lettre de Judge n°XI [3], à propos de "l'aide extraordinaire", etc... J'espère que vous y trouverez au moins quelque chose de satisfaisant au sujet de ce qui précède.

         Venons-en à la question philosophique du devachan : qui peut être appelé un travailleur pour la Grande Loge ? Quelqu'un qui reconnaisse l'existence et le pouvoir de cette Loge, le type d'influence qu'elle exerce, la nature de son œuvre cyclique. La façon dont nous servons subit une modification radicale avec cette connaissance et cette reconnaissance. Que veulent les Maîtres ? Voyez les brochures U.L.T. Pamphlets, n°22 [4], 29 [5], et 33 [6]. Vous y trouverez Leurs paroles, qui expriment non seulement Leurs Motifs, mais aussi Leur Méthode. Si quelqu'un œuvre pour Eux, il est amené nécessairement à Les aimer ; si la nature dévotionnelle d'un individu commence à aspirer à Les aimer, il ne tardera pas à Les servir. Il y a aussi l'article important qui traite de ce sujet : "Que chacun donne les preuves de son travail" [de H.P.B., Cahier Théosophique n°90]. Là se trouve à coup sûr la distinction à faire entre un réformateur dans le domaine politique ou social, d'une part, et l'étudiant ‑ serviteur de la Religion-Sagesse.

         Autre point que vous évoquez ‑ concernant la permission d'être aidé à sortir du devachan. Le principe fondamental de parenté occulte est le respect pour le libre-arbitre humain. Les Maîtres n'influencent jamais ce dernier : toujours, et en toute circonstance, Ils répondent à l'auto-détermination ; la bonne sorte d'auto-détermination de l'âme apporte toujours une réponse. Par l'effet de son étude sincère et altruiste de la Philosophie Ésotérique, l'étudiant apprend comment la vie après la mort affecte (par l'effet de Karma), ses existences futures. Ainsi, sa dévotion et sa connaissance l'amènent à percevoir les faits concernant le devachan, ce qu'est son état de rêve, etc... Ainsi donc, c'est de ce côté de la mort que celui qui sert ici-même la Théosophie doit déterminer qu'il aimerait être aidé à sortir du devachan, et s'y résoudre intelligemment. La condition posthume est subjective. La résolution et l'action qui la soutient doivent intervenir dans la vie incarnée et la conscience de veille.

         Il ne faut pas confondre "être tiré du devachan" et "ne pas tomber dans son sommeil". Réfléchissez bien à ce qu'implique le fait de ne pas entrer dans le devachan pendant le processus de la mort du corps. Ce processus est, par analogie et correspondance dans l'aspect inférieur, ce qu'est le Grand Renoncement dans le supérieur. Pour bien pénétrer ce sujet, il vous faut examiner de novo tout le processus de la mort corporelle et des états posthumes. Les "aspirations non assouvies" le deviennent dans la vie de veille par les modes et moyens auto-déterminés de la discipline et du service. Il faut ensuite considérer le facteur de l'épuisement, de la rénovation  et du renouvellement des énergies spirituelles. Finalement, le corps astral subit un changement ; voyez l'article de Judge "La Culture de la Concentration" [Cahier Théosophique, n°70]. Ce qu'il faudrait faire et comment s'y prendre, voilà un sujet vaste et profond.

         Renoncer au devachan ne concerne pas seulement les chélas. H.P.B. déclare que chaque serviteur honnête et sincère de la Loge en est tiré. Par contre, se passer du devachan est une chose beaucoup plus difficile. Il faut pouvoir demeurer éveillé dans sa soi-conscience jusqu'à ce que les Maîtres exploitent notre Karma pour arranger le milieu convenable. Le fait de demeurer dans la condition de veille objective, sans tomber dans le sommeil du devachan, n'est pas seulement difficile à réaliser mais comporte aussi ses périls. Il faut avoir une authentique aspiration à servir toutes les âmes humaines, et cette aspiration doit trouver son expression dans le service de la Grande Loge des Adeptes. Telle est la condition première et fondamentale requise. Ensuite, nous devons avoir de l'adaptabilité, ce qui implique Vairâgya, l'acceptation de se trouver là où c'est nécessaire et la capacité de faire face au nouveau milieu, où il faut non seulement vivre la vie mais rendre service aux âmes humaines.

        Vous ne devriez pas attendre mais, plutôt, commencer à travailler sur cette idée, ici et maintenant. Le développement de la faculté d'adaptabilité est une bonne chose pour d'autres raisons également que la préparation au devachan. Vous êtes en train de poursuivre votre effort dans le sens de l'étude théosophique, de l'application et du service ; aussi êtes-vous appelé nécessairement à vous adapter de plus en plus à cet effort. "Le temps ne signifie rien pour moi," a dit un Maître. Nous n'avons pas à nous préoccuper de savoir quand commencer mais bien à commencer dès maintenant. Comment cela ? De la meilleure façon que nous puissions le concevoir. L'accroissement de la connaissance révèle de nouvelles façons et de nouveaux modes d'action. N'ayez pas d'angoisse sur le fait de vous trouver à bout de forces. Si vous poursuivez de la bonne façon, une qualité supérieure de Prâna viendra couler en vous. Sur ce point, on trouve des indications valables dans la brochure ULT Pamphlets n°29 [7]. Le motif, l'idéation, l'imagination ont le pouvoir de modifier la qualité du Prâna. Ceux qui sont capables de nous éveiller et de nous tirer du devachan savent à quel moment le faire. Si notre dévotion envers le Guru est profonde et complète, nous dirons : "Faites ce que vous voulez de moi". N'est-ce pas ce que sous-entend Krishna[8] dans le XVIIIème chapitre de la Gîtâ ?  Continuer de renouveler, d'accroître et d'élever vos énergies spirituelles par une juste démarche entreprise au fil des jours. Qu'est-ce qui permet de le faire ? c'est la Dévotion.

         N'est-ce pas que Karma nous enseigne et épanouit en nous la qualité d'adaptabilité ‑ et cela très graduellement ? Nous ne faisons que hâter le processus de prise en main de notre environnement. La vie humaine ordinaire a sa propre vitesse de croisière, dirait-on : pour les candidats, néophytes et chélas, cette vitesse s'accroît. Il peut arriver ‑ et cela se produit souvent ‑ qu'un milieu physique nouveau suscite des obstacles et, sans la vertu d'adaptabilité, échecs et frustrations en résultent. Une renaissance rapide implique d'avoir le même corps astral, lequel avait été accoutumé à certaines conditions : une nécessité pour lui ; mais, dans un milieu nouveau, il vient non seulement à se trouver mal à l'aise mais aussi à être incapable de servir. C'est pourquoi l'adaptabilité est une valeur cardinale et devient indispensable.

         La formation du Centre Intérieur est la chose la plus importante. Et nous pouvons développer cette adaptabilité en nous surveillant et en nous accommodant convenablement à notre environnement. Aller de l'intérieur vers l'extérieur est un premier facteur. La nécessité en est un autre et, par-dessus tout, la manière d'opérer dans ce sens requiert la connaissance. La Patience intérieure implique que l'on obtienne avec notre propre impatience des conditions convenables. Œuvrer avec la Loi, c'est autre chose que travailler avec les autres ; cela implique bien de travailler avec les autres mais en se conforment aux principes de la Science Sacrée. En développant l'adaptabilité, nous acquérons une certaine connaissance de l'Occultisme Pratique.

         Ce n'est pas du tout une tâche aisée de nous adapter aux personnes et à l'environnement. Pour les personnes, il nous faut l'amour qui comprend et, pour l'environnement, une application personnelle des Aphorismes sur Karma [9]. L'amour qui comprend n'est pas l'amour aveugle, qui se transforme en cupidité ; il s'épand en s'épanouissant en compassion. Encore une fois, pour nous adapter, il nous faut l'indifférence supérieure, ou Virâga, dont parlent Judge et La Voix du Silence. Pour développer l'adaptabilité, notre attitude intérieure envers la vie doit être prise en considération. La plupart des gens n'adoptent aucune attitude définie. Comme le dit la Lumière sur le Sentier [10], chaque homme est un philosophe et cela résulte de son attitude, mais celle-ci n'est pas prise par lui en considération : son existence-même n'est pas reconnue ni respectée. Un changement d'attitude implique adaptabilité mentale, ce qui s'applique aussi à notre caractère.

____________________

 

 

[1]     {Recueil d'une trentaine d'articles de W.Q. Judge, publié en 1951 (par The Theosophy Company, Los Angeles, The Theosophy Company (India), Ltd, Londres et Bombay), pour le centenaire de la naissance de l'auteur. Cet ouvrage faisait suite à un précédent volume, Vernal Blooms, publié (en 1946) en vue de faire mieux connaître, les écrits du principal disciple de Mme Blavatsky, demeuré trop longtemps ignoré des étudiants de la Théosophie, et du public en général. (N.d.T.).]

[2]     [Il s'agit d'un premier recueil d'articles de Judge publié en 1946, sous ce titre, par The Theosophy Company, Los Angeles, The Theosophy Company (India) Ltd, Londres et Bombay. Voir Cahier Théosophique n°79.]

[3]     [Lettres qui m'ont aidé, édition française, p.51.]

[4]     [Voir Cahier Théosophique n°4 ‑ "Quelques mots sur la vie journalière".]

[5]     [Lettre du Maître K.H. adressée à  Hume, le 1er novembre 1880, voir Le Monde Occulte de A.P. Sinnett (Adyar, Paris, 4ème édition, 1966) chapitre "Phénomènes occultes", pp.112-125.]

[6]     [Voir Cahier Théosophique n°4"La Lettre du Grand Maître".]

[7]     [Voir note 21.]

[8]     [Référence à la réponse d'Arjuna à Krishna (fin du XVIIIème chapitre)]

[9]     [publiés en français dans le Cahier Théosophique n°157.]

[10]     [Voir le Prologue du livre Par les Portes d'Or.]

Partager cette page
Repost0
Published by theosophie-tarentaise.over-blog.com

theosophie-tarentaise

Programme et activités du Groupe d'Etude Théosophique en Tarentaise

Recherche

Pages

Catégories