Novembre 1961 à janvier 1962
Novembre 1961
[À propos de la santé ‑ de la médecine moderne ‑ de la constitution septuple ‑ de l'effet de l'ascèse ‑ les bienfaits de la vie intérieure spirituelle.]
Vous posez une question très délicate et brûlante ‑ la santé du corps. Ce n'est pas aussi simple et évident qu'il paraîtrait. La santé est l'intégrité, non seulement du corps mais de tout l'être. La science médicale a effectivement fait des progrès mais sur une fausse base ‑ le corps considéré comme la totalité ; la conscience humaine [considérée comme] née du corps, n'est alors que secondaire. En commençant de cette façon, on a poursuivi dans ce sens jusqu'à ce que les professionnels se trouvent pris dans un labyrinthe. Est-ce que le traitement d'une maladie donnée engendre d'autres maladies ? Même la médecine psychosomatique part de fausses prémisses ‑ la psyché affecte le soma ‑ le corps. De quelle façon ? On le comprend un peu, bien qu'il y ait une confusion. Mais pourquoi ? Pourquoi le corps n'affecte-t-il pas son enfant, la psyché ? Vous avez tout à fait raison : chaque nouvelle génération souffre dans sa santé physique plus que la précédente. On le perçoit dans sa propre expérience. J'ai bien peur que les corps ne se détériorent avec les progrès du Kali Yuga. Le remède ? Sortez du Kali Yuga. C'est possible et il faudrait le faire. C'est ici qu'entre en scène notre application théosophique. Il nous faut nous débarrasser de ce qu'il y a d'erroné dans nos coutumes, habitudes, conventions. C'est ici qu'intervient l' "ascèse". Il faudrait changer nourriture, exercice, habillement, sommeil. Il faut pratiquer des règles de propreté magnétique.
Ce que j'apprends au sujet de la mauvaise santé de X me peine beaucoup. La médecine moderne n'est pas un bienfait sans mélange et si cette femme est bourrée d'injections et de potions, il se pourrait qu'elle trouve la vie plus difficile. La philosophie de la science médicale est fausse ; quant à la psychologie moderne, non seulement elle n'apporte pas d'aide mais elle égare positivement. Quand on réfléchit aux raisons qui ont poussé les Maîtres ‑ en donnant leur message ‑ à commencer avec insistance par la constitution septuple de l'Homme, on ne peut manquer de déduire que c'était, entre autres raisons, pour attirer l'attention du monde des étudiants dans sa totalité sur l'importance du corps astral, comme le véhicule de prâna et la base même de l'Homme Personnel. La matière électrique et magnétique, sa nature et ses propriétés, ainsi que la fonction du magnétisme animal et la sphère où il s'exerce, devraient être au cœur même de la science médicale. C'est tout le contraire.
L'état supérieur de la conscience intérieure influence effectivement la santé du corps ; mais notre Karma et le Karma de l'humanité actuelle, ainsi que le Kali Yuga, produisent un déséquilibre dans le corps. Si vous considérez les sept qualifications énoncées dans l'article "Chélas et Chélas laïques", vous découvririez que la première condition nécessaire est une parfaite santé physique. Mais que signifie "parfaite santé" ? C'est là la grande question. Les troubles physiques produits par une mauvaise santé intérieure et ceux qui le sont par les circonstances extérieures constituent un premier facteur. Puis il y a le facteur racial ; le service altruiste de la race humaine conduit à absorber le karma de l'humanité. La plupart des gens sont des élémentaux en voie de devenir des Dieux humains. Quand nous sommes les premiers, nous sommes des êtres composés et donc divisibles. En devenant les seconds, nous sommes unitaires et indivisibles. À partir des deux, un troisième se lève ‑ l'Homme Supérieur. Veuillez, je vous prie, lire le 15e chapitre de la Gîtâ ‑ il y a là une classification importante. [v.16, 17].
L'acceptation aveugle de la science médicale s'enracine dans l'ignorance. Les gens sont si préoccupés de gagner de l'argent, ou de poursuivre d'autres ombres, qu'ils ne se soucient pas d'accorder du temps et de l'attention à leur corps et d'apprendre quelque chose à son sujet. Dans la Théosophie, nous avons maintes allusions et beaucoup de connaissance indirectement applicables au bien-être physique, mais nos étudiants ne prennent pas le soin de comprendre et, quand ils le font, ils ne se soucient pas d'appliquer parce qu'ils sont portés à remettre à plus tard ! Le magnétisme, les élémentaux, etc... mais, par-dessus tout, les implications de la Réincarnation et de Karma, devraient leur procurer non seulement consolation et réconfort mais un certain élan pour vivre la pratique d'où naissent dévotion, silence et secret.
De plus en plus, il apparaît clairement aux docteurs que les effets de la pensée et des sentiments sur le corps constituent la cause réelle de centaines d'affections physiques. Il nous faut œuvrer pour rendre clair à tous ceux qui veulent bien entendre que la mauvaise santé ‑ sauf dans les cas karmiques ‑ peut se traiter convenablement par un équilibre et un calme intérieurs. Lorsque la volonté opère harmonieusement, comme l'a fait remarquer W.Q. Judge (dans l'article cité plus bas), le corps lui répond d'une manière très correcte. Même maintenant, le corps peut répondre aux impulsions spirituelles plus vite et mieux qu'aux impulsions kâmiques [des passions et désirs]. Même maintenant, cela coûte à une personne un certain effort de vivre une vie sensuelle et elle ne sait pas qu'à la longue, elle perdra plus qu'elle ne tirerait de profit en empruntant la voie convenable. Même du point de vue égoïste et personnel, il y a une croyance et un enthousiasme plus grands qu'on tire dans la jouissance des choses spirituelles ‑ sans obtenir en même temps une mauvaise santé corporelle ‑ que dans la jouissance des choses sensuelles, sur les plans kâmique et naturel. Lisez dans ce sens l'article de W.Q. Judge "Avantages et Handicaps dans la Vie" [Cahier Théosophique n°100].
Certaines expériences, comme celles que vous éprouvez en ce moment, liées à la souffrance et l'inquiétude, sont purificatrices de l'âme. Dans son œuvre, The Secret Doctrine (II, p.475), H.P.B. a écrit : "Malheur à ceux qui vivent sans souffrance", et on le voit aussi dans le 7e chapitre de la Gîtâ [v.16]: les "affligés" sont chers à Shri Krishna. Permettez-moi de vous assurer qu'un soutien spirituel bien plus grand peut être tiré de la maladie corporelle qu'on ne le conçoit ordinairement. Tout dépend de notre Centre dans le sanctuaire du corps. Ainsi donc, soyez calme, autant que vous le pouvez, et essayez autant qu'il est possible dans les circonstances où vous vous trouvez, de vous rappeler qu'au-dessus des paires d'opposés se trouvent Paix et Béatitude.
Quant à prâna et à la santé, le magnétisme animal (voyez le Glossaire théosophique) détient toute la clef. Judge parle d'une transpiration invisible. Voyez l'article intitulé "La Fraternité Universelle est un Fait dans la Nature" [Cahier Théosophique n°92]. Il y a un aspect plus profond à découvrir dans les règles concernant la santé et l'hygiène physique ‑ en rapport avec la nourriture, le bain, les vêtements, etc. C'est un vaste sujet.
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Décembre 1961
[À propos de la maladie - de la souffrance et de la douleur - acceptation de Karma ‑- rôle des élémentaux et des éléments tanhaïques - remède : concentration sur le Centre intérieur ‑ la réceptivité du chéla - les 2 lignes unifiantes sur 3 plans.]
Je sais que votre santé n'a pas été bonne et que vous êtes souffrant. C'est un froid réconfort de dire : "Vous êtes en train de payer une dette karmique". Mais c'est ainsi. Et j'aimerais vous expliquer comment. Vous qui avez prouvé votre ardent désir d'être capable d'immortalité devez gagner le privilège d'un corps sain, si nécessaire pour l'état de chéla. Voyez l'article "Chélas et Chélas laïques" [en français, dans le livre : Râja Yoga ou Occultisme] et notez bien que c'est la première condition à remplir. À moins que, dans ce corps qui vous a si bien servi, vous soyez aidé à disperser des élémentaux de mauvaise santé, en les abattant et les rejetant dehors, comment pourriez-vous en être libéré ? Le Karma et les skandhas sont intimement liés. Les élémentaux tanhaïques sont constructeurs et destructeurs, et leur état doit être amélioré car ce sont les supports de l'énergie spirituelle. Ainsi, d'une certaine façon, il est naturel que vous ayez des difficultés avec un corps qui souffre et vieillit. Le remède : maintenir un Centre unifié de pensée, de volonté et de sentiment et, pour cette tâche, la seule et unique force qui soit essentielle c'est celle de l'Altruisme (Paramârtha [1] ). Le pouvoir qui soutient l'Univers, appelé Vishnou, vit d'Altruisme, en le communiquant à toutes les personnes. La régénération apporte Vérité, Connaissance, Satya. Brahmâ, le Pouvoir Créateur, est Compassion. Cela peut vous paraître de la métaphysique, ce qui encore n'est qu'un froid réconfort.
Ainsi, avec un centre bien focalisé dans un calme délibéré, vous deviendrez capable d'en finir avec la douleur et vous comprendrez ce qui est dit dans The Secret Doctrine, (II, 475), à propos de la souffrance et des êtres qui souffrent. J'aimerais pouvoir être avec vous pour vous réconforter et vous soutenir. Chaque jour, mes pensées vont vers vous, avec ma meilleure affection.
Au cours de l'année passée, vous avez traversé beaucoup de souffrances corporelles mais vous vous êtes nettoyé de beaucoup de choses. Permettez-moi de vous citer un passage d'une lettre moins connue de W.Q. Judge où vous verrez qu'il établit un principe qui s'applique aux gens comme vous qui ont été de fidèles étudiants serviteurs de la Grande Loge :
"Peut-être vous demandez-vous pourquoi Mme Blavatsky ne se guérit pas elle-même si, comme je le pense, elle en a le pouvoir, (je sais qu'elle le possède). Vous devez vous souvenir que guérir des maladies du corps et rétablir la santé physique n'est pas "la fin de tout". La philosophie, tout comme la religion, a toujours enseigné que l'Àme se purifie et se renforce par la souffrance, et qu'il est parfois bon de souffrir. Si nous pouvions connaître l'action et l'opération de Karma, nous verrions qu'en supportant de la souffrance dans une maladie, du mauvais Karma s'épuise dont on ne pourrait se débarrasser par une guérison soudaine comme dans la "cure mentale". Ceux qui savent et reconnaissent ce fait se trouvent guéris par là-même de la détresse mentale qui est une si grande part du mal de la souffrance corporelle, et pour eux, c'est une "cure mentale", effectuée sur un plan supérieur au physique, car alors ils peuvent supporter leurs souffrances avec calme et résignation."
Voilà pour le passé. Je dois vous envoyer mes souhaits affectueux de paix et d'illumination intérieure, les aspects positif et négatif du monde de l'esprit. Puisse la Bonne Loi vous prouver sa bienfaisance dans le monde visible et dans le cerveau ! J'espère que vous avez fait un progrès considérable avec votre mauvaise condition physique.
Je suis très heureux de votre remarque m'assurant que le repos forcé vous fait du bien dans des sens autres que le physique. Vous devez voir là l'aspect miséricordieux de la loi de Karma. La mauvaise santé corporelle peut être aussi exploitée, dans le sens psychique et spirituel, du point de vue de l'épanouissement spirituel. Percevoir nos souffrances et douleurs du corps comme distinctes et séparées de notre vrai Soi nous entraîne dans la direction de l'Ego. Mais vous découvrirez cela par vous-même, et avec les expériences qui suivront. Il y a un autre aspect : la maladie physique nous permet de rejeter les poisons et de purifier l'organisme. Aucune maladie n'est entièrement physique, et il y a propreté physique et pureté psychique ‑ toutes deux étant des aspects d'un même phénomène. Ainsi donc, reposez-vous non seulement dans votre corps mais aussi mentalement et psychiquement. Ce quaternaire inférieur ainsi changé se révélera mieux adapté à la Triade Spirituelle.
J'ai été grandement affligé en étant informé de votre mauvaise santé et des nombreuses difficultés que vous avez dû traverser. J'espère que vous êtes un peu mieux maintenant ‑ non seulement dans votre santé corporelle mais aussi dans votre condition psychique et mentale. Vous avez traversé bien des difficultés, mais la souffrance "est l'insigne distinctif de toute notre tribu" ; et si nous essayons d'absorber et d'assimiler les expériences qu'apporte la souffrance, nous nous purifions en même temps que nous nous acquittons d'autant de notre dette karmique. Mais vous savez tout cela et, si je l'écris, ce n'est que pour vous le rappeler et vous conjurer de vous en tenir étroitement à nos livres et nos grandes idées, car vous y trouverez un réel réconfort ; et, toujours, le souvenir de nos Grands Théosophes nous donne de l'énergie et nous inspire pour nous rétablir.
Pourquoi la Gîtâ [XVII,14] présente-t-elle le fait d' "honorer les dieux, les brâhmanes, les instructeurs et les sages" comme une mortification [discipline ascétique] du corps ? Tapas, ou son aspect mortifiant, doit être contraire à l'objet à mortifier. En fait, les tendances matérialistes, séparatives et inférieures, sont les facteurs du corps grossier. Les Dieux (Ego humains ou Monades-Devas), les Saints Hommes en général, nos Instructeurs qui nous ont communiqué la connaissance, d'une sorte ou d'une autre, et ceux qui sont instruits dans la bonne conduite ‑ tous, par le précepte et l'exemple, affaiblissent les tendances grossières du corps.
L'expression "corps agité" (La Voix du Silence, p.46) signifie vitalité éveillée ‑ À quoi ? À l'âme-mental calmée et complètement enveloppée par l'influence de l'esprit. Ce n'est pas la passivité qu'il faut comprendre par le terme mais la réceptivité du corps. Un médium est passif ; un disciple devient de plus en plus réceptif.
La réceptivité du corps est ou devrait être un processus ordonné, devenant successivement réceptif : (1) à Manas libéré de kâma, c'est-à-dire Antahkarana, (2) à Manas, ce qui implique que la condition (1) devient réceptive à (2), ensuite (3) à Manas-taijasa et (4) à la Monade. Ceci constitue une ligne. Pour la seconde, on doit noter, pour les degrés de cette réceptivité à rechercher : (1) le guru terrestre ou petit guru ; (2) le Grand Guru en tant que Mânasa-Putra ‑ celui qui a éclairé notre Manas ; (3) le Dhyâni-Buddha. Le lien commun entre ces deux lignes réside dans la propre nature divine intérieure de l'être directement reliée au Logos, Îśhvara, Krishna ou Christos. C'est là l'évolution humaine à considérer d'un point de vue différent.
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Janvier 1962
[Nature du dharma - sa juste appréciation - accomplissement de l'action qui se présente.]
Dharma est la loi de la nature propre de l'être ‑ non de celle du soi inférieur mais de la nature propre de l'ego incarné. Le rayon incarné de l'ego humain est une chose, ce rayon devenant impliqué avec kâma est une autre chose. Il nous faut faire une distinction entre Kâma-Manas et l'être antahkaranique qui se sépare de kâma et va dans la direction de son parent, placé sous la lumière d'Âtma-Buddhi. Le Dharma individuel de l'ego est réellement de la nature de la Monade Âtma-Buddhi-Manasique, en rapport avec son Étoile Parente, son Dhyâni-Buddha originel.
Les sentiments et pensées de nature étroite et limitante ‑ que les conventions prennent pour de bonnes choses ‑ demeurent de nature étroite et restrictive pour l'âme. C'est là le véritable test de l'étudiant sincère de la Théosophie. Comme W.Q. Judge le souligne, nous avons souvent les défauts de nos qualités. N'arrive-t-il pas souvent que nous nous fassions une conviction erronée de ce que nous appelons notre devoir, ou que nous le surestimions ? Si nous appliquons le mot Dharma ‑ comme ce qui revient en propre à l'âme ‑ il doit se manifester dans l'action comme le fait de brûler est manifesté par le feu. Dans ces conditions, nous ne nous soucierions pas des devoirs bons ou mauvais. Le feu donne de la chaleur mais, également, il consume et détruit : nos devoirs ou actes devraient être tels qu'ils donnent de la chaleur et du réconfort aux autres mais qu'en même temps ils consument et détruisent les liens et possessions personnels de notre nature inférieure. Telle est l'idée que vous devriez garder en mémoire en cette période où les choses doivent vous paraître très menaçantes et sinistres.
Il nous faut accomplir les devoirs et rester détachés. C'est là le Buddhi-yoga du 2ème chapitre de la Gîtâ. Nous devons devenir pleins de dévotion et penser aux Maîtres tout le temps, mais cela ne signifie aucunement de négliger nos devoirs tels que gagner notre vie, vaquer aux tâches domestiques ‑ ce qui, également, peut et doit être fait dans le sens théosophique.
Les besognes quotidiennes peuvent paraître ennuyeuses mais elles enseignent 1) la patience, 2) la fermeté et 3) l'art de tirer de la joie en nous tournant vers leurs archétypes. "Accrochez votre char à une étoile" et la lenteur et la fatigue du voyage, avec ses cahots, commencent à disparaître. C'est là ce qu'il nous faut faire. Nous pouvons et devrions apprendre, et nous le faisons en fait. "Une calme confiance en la Loi", dites-vous, voilà vraiment ce qu'il nous faut. Si nous la possédions vraiment, nous ne nous ferions jamais du mauvais sang ni du tracas, et angoisse et soucis disparaîtraient. Quant à la patience, si vous essayez de la développer dans des petites choses, non seulement vous vous rendrez compte que c'est possible mais vous en hâterez aussi l'épanouissement.
Vous trouverez au fil de vos efforts que chacun d'eux conduit au succès ‑ aussi lent soit-il à se manifester. Bien sûr, il n'est que naturel que les devoirs familiaux ordinaires qui vous incombent vous "pèsent", mais, n'en faites pas un cauchemar, mon ami. Vous êtes en train d'acquérir une nouvelle attitude, et les réajustements causent toujours du souci. Continuez d'aimer tous les êtres et de travailler pour eux. Les liens du Foyer sont parents des liens du Ciel.
Quant au devoir d'un autre qui est présenté comme dangereux [Gîtâ, III,35] : les "Aphorismes" de Judge clarifient plusieurs points. Il me semble toujours que les choses se simplifient beaucoup par l'application essentielle de l'enseignement ‑ "Ce qu'il n'est pas nécessaire pour toi de faire n'est pas ton devoir". Une grande masse de choses se trouve ainsi écartées, entre autres : "le devoir d'un autre". Prêter une main secourable, c'est notre devoir : l'Aphorisme de Judge est très clair. Ici, la difficulté est naturellement que l'aide dépend de notre connaissance et de notre capacité à comprendre pour pouvoir aider. Bien sûr, c'est effectivement un problème très difficile ; mais Vairagya ‑ l'un des 7 aspects de la Compassion absolue ‑ nous donne la clef et très souvent découvre ce qui devrait être fait, et comment. Notez une chose importante : en aidant un autre, nous ne devons pas faire son travail mais bien l'aider à l'accomplir lui-même.
Notre devoir envers notre Soi Supérieur peut produire ce qui peut sembler un conflit de devoirs dans la vie personnelle ; mais si nous appliquons à nos myriades de devoirs la Loi de Nécessité, la lumière du jour nous apparaît et nous devenons capables de résoudre le conflit. Seul ce qui est nécessaire est considéré comme devoir. Cela nous éloigne parfois de la famille et des amis, mais si nous vivons vraiment en accord avec les Principes Ésotériques, les liens de Karma et la servitude qu'il impose disparaissent. Il ne convient pas de les briser nous-mêmes. La Bonne Loi et ses Gardiens écartent les afflictions du Karma personnel. Il est dit que Karma ouvre toujours la porte.
Bien sûr, la Loi de Nécessité est difficile à appliquer, mais elle nous aide certainement à éliminer beaucoup des soi-disant devoirs. Alors, naturellement, survient le conflit de devoirs sur une spirale supérieure. À ce point, le besoin doit être ressenti pour l'âme. Aider les autres ‑ parents, amis ou étrangers ‑ est le besoin de notre âme, tout comme il est ressenti par les autres. Mais, en cela, l'article intitulé "Que chacun donne les preuves de son travail" [Cahier Théosophique n°90] devient notre guide. Entre le devoir et l'inclination, le choix doit être fait ; de même est-il nécessaire d'éviter les mots et actes impulsifs et d'être délibéré en paroles et en actions. C'est un Grand Jeu ‑ le côté récréation de l'École d'Occultisme.
La Loi de Nécessité offre des situations embarrassantes et des obstacles. Les inclinations élèvent la voix au nom de la Nécessité. Un aspect particulier du Sva-dharma se trouve dans les devoirs liés à notre naissance ; mais celui qui perçoit et détermine chaque Dharma c'est le soi inférieur des préférences et inclinations. Puis vient le stade suivant : le conflit de devoirs. C'est là où vous en êtes actuellement. Immédiatement après, viennent motifs et inclinations de nature supérieure, et le conflit oppose l'inférieur et le supérieur, comme vous en faites l'expérience à l'heure présente. C'est à ce stade que nous disposons de l'indication fournie par H.P.B. : la justice envers notre propre Soi-Âme. Le travail théosophique n'est pas une question de simple choix. N'en n'avons-nous pas besoin ? Ne ressentons-nous pas la profonde nécessité d'accomplir le travail choisi ? Le corps a besoin de nourriture, tout le monde le reconnaît. Certains d'entre nous reconnaissent de même le besoin d'une nourriture pour le mental et pour l'âme : cette nourriture est apportée par le travail et le service théosophiques. À mesure que nous développons le discernement, nous devenons capables de percevoir à quel devoir il faut donner la préférence, et ici le renoncement (intérieur) apporte l'aide. La préservation du temps et de l'énergie contribue largement à notre succès.
Une fois encore, je suis excessivement affligé de vous faire remarquer qu'en essayant de faire beaucoup de choses, l'exécution de vos propres devoirs devient plus médiocre. Pourquoi vous mêler de choses qui ne vous regardent pas ? Bien sûr, je sais que vous n'avez pas été en bonne santé ; alors pourquoi ne pas vous en tenir strictement à votre propre Dharma et ne pas essayer d'aider ici et là ? Tout ce qui est nécessaire pour vous, dans vos rapports avec les autres, c'est de vous montrer amical et non d'accomplir pour eux des choses qui mobilisent temps et énergie. À moins que vous appreniez à exploiter votre temps de loisir pour récupérer votre force et magnétisme, vous n'allez pas tarder à vous détériorer en faisant votre propre travail. Ceci n'est pas une menace mais un avertissement. Je suppose que je ne pourrai jamais vous faire rattraper le travail de façon à avoir un répit. Chaque fois que vous avez du temps, il est dépensé en travail qui n'est pas nécessaire. Vous pourriez faire plus si vous vous souciiez seulement de vos propres devoirs, sans inventer quoi que ce soit au nom des devoirs.
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[Extraits des Lettres qui m'ont aidé (Livre III, pp.212-215, passim)]
Quand on se met à penser, à réfléchir, à considérer ce qu'est le devoir d'un être ou parmi les nombreux devoirs lequel devrait être accompli en premier, il s'avère vraiment complexe et difficile de savoir quoi faire. Mais si vous voulez bien faire juste ce qui se présente à vous sans vous préoccuper de toutes les autres choses, et sans soucier votre mental de tout ce que vous ne pouvez pas faire, alors ce sera tout différent et chaque chose deviendra plus claire pour vous. Faites ce que vous avez à faire maintenant et ne vous souciez pas du reste. Ces choses seront scrutées en temps utile, mais ce qui va vous aider dans toutes ces questions, c'est d'être satisfait de faire ce que vous pouvez et de laisser le reste. Agissez avec un motif élevé : ayez d'aimables sentiments envers tous, faites chaque jour quelques petits actes de gentillesse et essayez de comprendre que la fin de tout sera le bonheur et la paix pour toute l'humanité. Alors, un avant-goût de cette paix pénétrera votre cœur. Il y a un côté lumineux à la vie et ce qui fait cette lumière, c'est l'amour que chacun de nous peut avoir pour l'humanité.
Je suis sûr que vous allez continuer sans défaillance. Ne vous laissez pas déprimer par quoi que ce soit. Cela ne sert à rien. En outre, cela peut être évité si vous voulez bien éviter de fixer en vue de leur accomplissement certains résultats définis en rapport avec personnes, nombres, temps, etc.
Nous devons être satisfaits de ce que nous apporte le temps et karma une fois que nous avons accompli notre devoir le mieux possible.
W.Q. Judge
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[1] [Sans doute, au sens de la plus haute richesse (artha) que l'on puisse détenir.]