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ÉVOLUTION[1]

« Évolution » ; c'est le meilleur terme à employer d'un point de vue théosophique lorsque l'on traite de la genèse de l'homme et des êtres, car le processus qu'il désigne a toujours été exposé dans les livres anciens, dont la lecture attentive permet de recueillir les principes de la Religion-Sagesse.

Dans la Bhagavad-Gîtâ, Krishna dit ; « au commencement du jour de Brahma, tous les êtres émanent du principe non développé, et à la venue de la nuit de Brahma, ils y sont réabsorbés », et ce processus se poursuit d'âge en âge. Ceci exprime exactement l'évolution comme on la définit dans nos dictionnaires, où elle est décrite comme un processus d'émanation ou de développement. « Les jours et les nuits de Brahma » sont des périodes immenses au cours desquelles l'évolution se poursuit, la manifestation étant le « jour » et la, réabsorption périodique dans l'Absolu étant la « nuit ».

D'ailleurs, si tout évolue, le terme création au sens propre ne peut s'appliquer qu'à des combinaisons de choses déjà existantes, puisque la matière ou l'origine primordiale ne peut être créée.

Le principe fondamental du système théosophique est l'évolution, car il est établi en théosophie que toutes les choses sont déjà in esse, étant donné qu'elles émanent ou évoluent cycliquement conformément à la loi inhérente de l'Absolu. La question qui vient immédiatement à l'esprit est celle-ci ; « qu'est cette loi inhérente de l'Absolu ? » pour autant qu'on puisse l'exprimer. Bien que nous ne connaissions pas l'Absolu et ne puissions le connaître, nous avons suffisamment de données pour conclure que sa propre loi inhérente est de passer de la subjectivité à l'objectivité pour retourner ensuite à la première et cela, sans aucune interruption. Dans le monde objectif, nous trouvons une image illustrant ce fait, dans le lever et le coucher du soleil qui, de tous les phénomènes naturels, montrent le mieux l'influence de la loi. Il se lève, comme H.P. Blavatsky l'exprime, de la subjectivité (pour nous) et y retourne à nouveau le soir, restant dans le monde objectif pendant le jour. Comme nous devons le faire lorsque nous cherchons à dégager des correspondances entre les mondes si nous substituons le mot « état » à celui de monde ou de lieu, et celui « d'Absolu » à « soleil », nous obtenons un symbole parfait ; nous verrons l'Absolu se lever au-dessus de l'horizon de la conscience venant de l'état subjectif et se recoucher, du point de vue de cette conscience, lorsque vient la nuit c'est-à-dire la nuit de Brahma. Cette loi de périodicité est la même que celle des cycles que l'on voit à l'œuvre dans tous les domaines de la nature.

Efforçons nous d'adopter un point de départ qui donnera une vue générale de l'évolution selon la Théosophie. Supposons qu'il se situe au moment où la manifestation commença. Ce qui a été projeté dans le monde objectif à ce moment-là devait être la vie elle-même, qui, sous l'action de la loi de différenciation, se scinde en un nombre incommensurable de vies que nous pouvons appeler individuelles et qu'il nous est impossible d'évaluer à l'aide de notre mental limité. Dans le système hindou, on les appelle Jivas et Jivatman. Dans ces vies se trouve contenu le plan complet qui se réalisera au cours de toute la période de manifestation, chaque vie étant la représentation en réduction du grand Tout dont elle vient. Ici surgit une difficulté pour ceux qui étudient sérieusement, difficulté qui mérite une certaine attention car ils sont susceptibles de demander ; « que faites-vous alors de ce que nous appelons la « matière » par laquelle, en tant que base et moyen, se manifestent les vies ? ».

Nous répondrons que ce qu'on appelle la matière est une illusion et n'est pas la vraie matière mais que cette dernière — connue parfois en Europe sous le nom de matière primordiale est invisible à nos yeux. La vraie matière n'est en elle-même qu'une autre forme de la vie émanée, mais se trouve dans un état de différenciation moins parfait. C'est sur un écran de cette vraie matière que ses énergies intérieures projettent les images que nous appelons la matière et que nous croyons être la vraie matière. On pourrait aussi demander ; « n'avons-nous pas été amenés à supposer que ce que nous croyions être de la matière mais que maintenant nous affirmons n'être qu'une illusion est une nécessité indispensable pour l'âme afin qu'elle acquière l'expérience de la nature ? ». Je répondrais qu'il n'en est rien car la matière nécessaire à l'âme pour acquérir de l'expérience est la vraie matière invisible. C'est de celle-ci que les corps psychiques sont composés, de même que tous les autres aspects « matériels » jusqu'au plan de l'esprit. La Bhagavad-Gîtâ y fait allusion lorsqu'elle dit que l'esprit (Purusha) et la matière (Prakriti) sont co-éternels et inséparables. Ce que la science et nous-mêmes avons pris l'habitude d'appeler matière n'est rien d'autre que notre perception partielle et limitée des phénomènes de la matière primordiale ou vraie. Cette assertion n'est pas démentie par le fait que généralement tous les hommes perçoivent de la même manière les mêmes objets ; les objets carrés sont toujours carrés, les ombres sont projetées dans la même direction pour toute personne normale, d'ailleurs nous savons par expérience qu'il existe un phénomène tel qu'un changement collectif de perception et qu'il est donc fort possible pour tous les gens normaux d'être simplement sur un seul plan de conscience où ils ne sont pas encore capables de percevoir quoi que ce soit d'autre. Dans les cas d'hypnotisme, le sujet perçoit différemment les objets selon la volonté de l'opérateur, ce qui serait impossible si ces objets avaient une réalité innée propre indépendante de notre conscience.

Pour se permettre d'avoir une discussion intelligente sur le concept théosophique de l'évolution, il faut voir s'il existe une différence radicale entre celui-ci et celui qui est généralement accepté dans les milieux scientifiques ou par les théologiens. Qu'une différence existe est un fait évident. Pour commencer, envisageons d'abord celle que l'on constate entre la Théosophie et la Théologie. Bien entendu, elle a plus particulièrement trait à la genèse de l'homme intérieur bien que la Théologie prétende connaître quelque chose sur l'origine des races. L'Église dit que l'âme de chaque homme est une création spéciale, ou bien elle garde le silence sur le sujet, nous laissant, comme il était si courant de le dire jadis ; « entre les mains de la Providence compatissante » — qui, tout compte fait, ne révèle rien en la matière. Lorsqu'on soulève la question concernant la race humaine, le prêtre nous renvoie à la Bible et nous dit que nous descendons tous d'un couple unique ; Adam et Ève. A ce propos, la Théologie est plus affirmative que la science qui ne nous présente encore aucune théorie et ne sait pas vraiment si nous devons notre origine à un seul couple mâle et femelle ou à plusieurs. D'autre part, la Théosophie diffère de l'enseignement de l'Église en affirmant que Paramatma seul est soi-existant, qu'il est unique, éternel, immuable et commun à toutes les créatures, inférieures et supérieures également ; il n'a donc jamais été créé et ne le sera jamais ; la Théosophie enseigne encore que l'âme de l'homme évolue, qu'elle est la conscience elle-même, et n'est pas créée spécialement pour chaque homme né sur terre, mais qu'elle revêt durant d'innombrables incarnations des corps différents à des époques diverses. Cette proposition implique l'existence d'un nombre limité d'âmes ou d'ego au cours de chaque Manvantara, ou période de manifestation, entrant dans le courant de l'évolution qui prévaudra pendant cette période ou manvantara. Naturellement, ce sujet est inépuisable et la plupart de ceux qui l'étudient se sentent pris de vertige lorsqu'ils, pensent au nombre incalculable ou prodigieux de systèmes et de mondes dans lesquels ce même processus se poursuit comprenant chacun un nombre limité d'ego. Je ne veux pas dire pour autant qu'il y a une quantité limitée d'ego dans le vaste ensemble des systèmes où l'on peut imaginer l'action de l'évolution. On ne peut appliquer cette idée à l'ensemble pour la bonne raison que ce serait une façon de tenter de mesurer l'Absolu. Par contre, si nous ne considérons qu'une fraction de la manifestation de l'Absolu, il est permis de dire qu'un nombre limité d'ego existe dans un système particulier ; c'est là une des nécessités de notre conscience limitée. Continuant cette argumentation dans la même voie, on arrive à la conclusion que, dans la grande vague d'évolution propre à notre système et dont notre terre est une fraction, se trouve inclus un nombre limité d'ego, soit complètement développés, soit à l'état latent. Ceux-ci ont parcouru mainte et mainte fois la ronde des renaissances, ils continueront à le faire jusqu'à ce que la vague évolutive se mêle à une autre et subisse sa transmutation. Par conséquent, il ne peut y avoir de création spéciale d'âmes pour les êtres humains naissant sur terre, d'autant plus que, s'il en était ainsi, l'esprit serait soumis à l'illusion, aux simples corps humains. De sorte que nous dénions les trois propositions suivantes de la théologie ; primo, l'existence d'une création spéciale pour les âmes; secundo, la possibilité passée ou future de création de notre monde ou de tout autre, et tertio, la descente de la race humaine provenant d'un couple unique.

La tâche est facile pour ce qui est de la différence entre notre théorie et celle de la science. Par exemple, au sujet du progrès ; nous prétendons qu'aucun progrès ne serait possible pour l'homme, même d'un point de vue matériel, si les théories, scientifiques étaient exactes et si la loi d'évolution enseignée par ses écoles était réelle. Nous sommes en complète contradiction avec la science sur ce point. Elle prétend que notre race terrestre actuelle peut être considérée comme appartenant à une souche commune qui, dans ses débuts, était rude et barbare, ne sachant rien de plus que l'animal, vivant comme lui, et ayant acquis tout ce qu'elle sait maintenant par la simple expérience de sa lutte avec la nature au cours de son développement. C'est à cause de cela que la science présente les différents âges ; paléolithique, néolithique, etc... Dans ce système, nous ne trouvons aucune explication quant à l'origine des idées innées de l'homme. Certains, toutefois, sentant la nécessité d'une explication de ce phénomène tentent de donner diverses réponses, et pourtant, c'est un phénomène de la plus haute importance. La Théosophie l'explique et d'une façon très spéciale. Ce sujet sera traité plus longuement ultérieurement.

 

[1] Traduction d'un article de W.Q. Judge publié dans Le Path d'août 1890

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