Avril 1962 à juin 1962
Avril 1962
[Qui était vraiment H.P.B. ? ‑ la compassion de H.P.B. ‑ que valent les biographies de H.P.B.? ‑ éveil de la dévotion en allant de l'instruction à l'instructeur ‑ le martyre volontaire de H.P.B. ‑ le Karma des grands martyrs, foyers concentrant sur eux les forces opposées du mal.]
Qui était vraiment H.P.B. ? ‑ "connue différemment de nous", a dit un Maître. Quelle sorte d'incarnation divine était la sienne ? Certains ont parlé d'elle comme étant même moins qu'un chéla. Un peu à l'image des servantes dans un poème de Kipling : "elles disent tout plein de choses aimables, mais que comprennent-elles ?" Le Message que Mme Blavatsky a laissé par écrit rayonne sa connaissance pour notre mental inférieur ; il est capable de la rayonner pour notre Mental Supérieur et peut en outre rendre notre Buddhi active, etc... Plus j'apprends, plus grand est mon étonnement en découvrant ce qu'elle savait. Et pensez donc : qui, ou quoi, nous maintient en marche, quand nous connaissons nos faiblesses et fragilités, nos erreurs d'omission et de commission ! Quand on se sent attaqué, on est tout tenté d'abandonner. Qu'est-ce qui nous maintient en marche ? Je suis, quant à moi, convaincu que c'est sa compassion. La connaissance de H.P.B., sa mémoire, sa profondeur, sa magnanimité et son amour, protègent et guident à l'heure la plus sombre. Considérez ce point de vue calmement et sans passion. Si je n'avais pas ce qu'elle a laissé par écrit des Enseignements et des Maîtres, je me sentirais bien seul.
Comprendre la véritable H.P.B. est difficile, et cela prend du temps. Son "avatâra", l'aspect qu'elle a revêtu, ou sa personnalité, tout cela était, et est encore, de nature à égarer. Les Maîtres Eux-mêmes ont écrit sur elle, et Elle, et il faut une certaine mesure de Viveka [discernement] pour apprécier la valeur de Leurs Paroles et leur accorder la place qui convient. Qu'est-ce qui se cachait derrière les "curieux comportements" de sa personnalité ? Chaque fois, elle avait un propos bien défini ‑ aider, instruire, guider, protéger ‑ toujours une intention altruiste, fondée sur la Compassion Abstraite (voir les différents aspects de sa définition dans La Voix [p.92]. Il arrivait rarement qu'elle teste la fidélité des gens. Elle voulait qu'ils s'en tiennent avec foi aux enseignements et aux Réels Pitris et Maîtres. Quant à moi, je pense que, comme Occultiste, elle agissait avec un propos délibéré à chaque heure et dans chaque événement. Elle était Dharmapravîn [1], elle savait non seulement ce qu'il fallait dire mais aussi comment agir. Ses actions étaient des petits et des grands yajňa, sacrifices. La sainteté était dans son cœur. Selon mon opinion, elle n'a commis aucune erreur. La sûre démarche à suivre, c'est d'aller des Instructions à l'Instructeur. Sans doute, H.P.B. déconcerte, mais, dans chaque cas, une calme considération la fait apparaître comme un Être de Lumière et de Sacrifice, révèle la Justice qui est Miséricorde, et Miséricorde toujours juste.
Elle n'appartenait pas à notre Kali Yuga ni même à l'évolution de notre 5ème Race, bien qu'elle ait été affectée par l'un et l'autre. Une incarnation comme la sienne ne peut s'évaluer avec nos règles, nos cycles, etc. Il y a là une indication pour tenter de la comprendre. Ses motifs et méthodes lui appartenaient, délibérés en sagesse et en compassion.
H.P.B. représente notre ancre quand nous sommes au port ; notre boussole quand nous voyageons au large, vers un ciel élevé ou un sombre enfer. Il nous faut trouver notre dharma comme une force intérieure pour donner forme à notre Karma extérieur. Vous êtes sage si vous décidez, chaque jour, et de toutes les façons que vous pourrez, de renforcer la perception que vous avez concernant H.P.B.. Plus vous étudierez, plus vous découvrirez quel Personnage elle était.
La dévotion envers H.P.B., si elle est du genre convenable, et par conséquent durable pour longtemps, doit être enracinée dans le message qu'elle a laissé par écrit. C'est à mesure que nous assimilons ses écrits que nous découvrons la largeur et la profondeur de son mental, et le pouvoir magique de son cœur.
Entre nous, qui considérons H.P.B. comme notre Guru, il devrait y avoir un lien d'amour et de dévotion. Il me semble que, parmi nos étudiants, s'ils considèrent vraiment H.P.B. dans leur conscience comme un Instructeur, il devrait y avoir le signe ou l'heureux présage d'une affection et d'une confiance mutuelles. En l'absence de cela, un réel attachement à H.P.B. reste à naître.
En ce qui concerne la dévotion envers H.P.B. : vous n'allez pas manquer de développer cette vertu à mesure que vous étudierez et servirez. Elle n'a pas aimé l'Humanité pour la raison qu'elle enseignait la race humaine : elle aimait toute l'humanité et c'est pourquoi elle est venue enseigner, car l'ignorance est la grande ennemie. Il vous faudra progressivement approfondir et élargir votre sphère de service. Cela aussi viendra.
En ce qui concerne un intermédiaire sur la voie conduisant à l'État de Chéla, ou même de Chéla Laïque, c'est H.P.B., pour ce cycle, et elle le demeure encore. Elle a une certaine parenté avec notre Manas Supérieur, jointe à Âtma-Buddhi. Elle est vivante dans ses instructions. Par ailleurs, elle a déclaré que Judge était l'Antakharana, le Pont ‑ ce qui implique que notre propre Antakharana est le principe de la juste action personnelle.
La condition de Chéla dans ce cycle, particulièrement au début, lorsqu'on s'engage dans une telle voie, est réellement différente, grâce aux sacrifices de H.P.B.. Elle a fait un bien extraordinaire à tous les êtres de dévotion et d'aspiration, en ouvrant pour eux une véritable porte conduisant aux Maîtres. Il devient alors nécessaire de frapper à la porte.
Le fait que H.P.B. soit le Guru n'est pas une vérité à énoncer de la plate-forme, comme on le fait si souvent. Ce que je veux dire ici, c'est que, trop souvent, les étudiants parlent sans vraiment savoir ou comprendre la portée de leurs mots. Relisez l'article intitulé ": "Blavatskisme à tout propos" [Cahier Théosophique n°141]. Que H.P.B. fût une Âme-Adepte, qui peut en douter s'il est un étudiant de la Doctrine Secrète ? Mais combien de ceux qui répètent "notre Guru H.P.B.", de la plate-forme, ont une réelle dévotion intelligente ?
Concernant les biographies de H.P.B., il existe diverses attaques émanant de l'Église Catholique Romaine, ou écrits sous son inspiration. Il n'y a pas une seule biographie d'elle qui, à mon avis, soit très fiable ; même celles qui lui sont favorables, rédigées par des amis, sont naturellement partiales, et ne rendent pas justice à son mental colossal, ni à son cœur de lion. Il faudra les lire pour ce qu'elles valent, car c'est une chose d'être informé des événements et incidents qui ont marqué la vie d'une personne et une tout autre chose de comprendre ce qu'ils signifient réellement, et de les interpréter correctement. Si je dis cela, c'est parce que j'ai approché H.P.B. par la voie de ses œuvres. Sa Doctrine Secrète a été pour moi une constante compagne, pendant plus d'un demi-siècle ; et, connaissant son mental, non seulement universel mais profond, j'en suis venu à la conclusion que sa personnalité était seulement un masque, et qu'une intelligence réellement puissante y était à l'œuvre.
Bien sûr, tous les étudiants désirent être informés de la véritable H.P.B., mais il n'y a pratiquement rien d'imprimé qui vous en donnerait une image absolument claire. Vous pouvez lire plusieurs ouvrages, mais, entre les faits et l'interprétation, il y a un hiatus, et il nous faudra construire un pont pour franchir ce gouffre. Il me semble que ce qui est vraiment la meilleure chose à faire pour nous, à l'heure actuelle, c'est d'étudier ses écrits, parce que, invariablement, la loi de la vie spirituelle est celle-ci : passer des instructions à l'instructeur. C'est seulement avec un mental élevé que nous pouvons comprendre le Grand Mental de H.P.B. Ainsi donc, il est très nécessaire d'étudier la Doctrine Secrète, et de répandre ses doctrines, si l'on veut lire les ouvrages concernant H.P.B. afin de pouvoir faire vraiment la part des choses.
Cependant, dans le cas du martyre d'une grande âme comme Jésus, ou Gandhiji, ou des chagrins et persécutions imposés à H.P.B., il faut prendre en considération un autre aspect de Karma : le Karma du groupe, de la nation ou de la race humaine, qu'ils ont tenté d'aider, et pour lequel ils sont devenus, pour ainsi dire, un foyer concentrant sur eux-mêmes l'opposition de toutes les forces réactionnaires. Y a-t-il eu jamais un prophète qui n'ait eu, ligués contre lui, les prêtres de toutes les croyances ?
Ce fut l'orthodoxie juive qui a imposé le martyre à Jésus, comme l'a fait l'orthodoxie agressive hindoue pour Gandhiji. Son martyre, comme la crucifixion de Jésus, a résulté de son action délibérée. L'un et l'autre avaient clairement prévu ce qui les attendait ; l'un et l'autre ont agi avec la connaissance des forces qu'ils mettaient au défi et, par là même, ils ont été tous deux des martyrs consentants. On peut supporter volontairement la souffrance, non seulement pour s'auto-purifier et s'auto-développer, mais aussi pour faire le bien des autres ‑ dans le cas de H.P.B. et de Gandhiji, pour le bien du monde entier.
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Mai 1962
[À propos des Pâramitâ ‑ comment les étudier par paires métaphysiques ‑ comment les mettre en application, par paires, dans la vie intérieure.]
Vous avez raison : la Compassion est la mère des Pâramitâ et nous avons dans notre nature supérieure le Pouvoir Créateur qui, partout, produit la puissante magie de Prakriti. Vous l'avez dans votre âme, et, avec son aide, vous devez faire de Vairâgya votre enfant premier-né, dans la présente personnalité. Également en vous se trouve la Sagesse, l'autre aspect de la Compassion. Chacun de nous est Purusha, la Sagesse ; et, également, chacun est le Pouvoir Féminin, la Nature, la Shakti ; ces deux aspects, comme parents, donnent naissance au premier-né, qui nous apporte la Vie nouvelle enracinée en Vairâgya. Réfléchissez dans cette perspective et les Grands Vairâgi, les Saints Êtres Bénis, vous béniront avec un don qui est plus que simple vision : le toucher de Vairâgya dans votre conscience.
Considérons maintenant votre remarque sur la compassion : veuillez donc étudier avec soin la définition et la description de la compassion donnée pp.92 de La Voix du Silence. Notez qu'elle y est décrite en termes très précis. Nous ne pouvons la développer par la seule étude intellectuelle. Il nous faut prendre en compte l'étude de ce que sont les Vertus Divines ou Pâramitâ. Ce que le Logos, le Verbe ou la Parole, est à la connaissance métaphysique, la compassion l'est à la science éthique. Elle possède sept grands aspects qui sont appelés les 7 Pâramitâ. Ces Pâramitâ, comme les paires métaphysiques de Simon le Magicien, vont deux par deux. Veuillez consulter ici La Voix du Silence et disposer vos Pâramitâ comme le sont les 7 globes de la chaîne planétaire [2]. Vous découvrirez ainsi que Dâna et Prajňâ forment une paire, que Shîla et Dhyâna en forment une autre et Kshânti et Vîrya une troisième. Reste la Paramitâ médiane ‑ Vairâgya, l'absence de désir, de passion, le détachement qui est cependant aussi le plus haut désir et l'attachement spirituel au parent, et la source de toutes les 7 Pâramitâ, à savoir la Compassion Absolue. Cela encore est une question de pratique. Nous ne serons pas capables de développer ces divines qualités, ou vertus, si nous n'essayons pas de vivre au diapason de ces vertus, non dans leur aspect inférieur, mais dans leurs aspect supérieur et divin.
Oui, Vairâgya est effectivement la Pâramitâ de départ. La Gîtâ parle de Dâna, Tapas, et Yajňa, dans la suite [chapitre XVII], mais, dès le second chapitre sur Buddhi yoga, le détachement est exigé ‑ le fait de ne pas se soucier des résultats ou des fruits de l'action. Nous devons agir ; nous ne devons pas rester inactifs mais être détachés de toute préoccupation pour les fruits de nos actions. Tous les hommes possèdent Buddhi, mais, dans la plupart des cas, elle est tamasique ou rajasique. La vie spirituelle intérieure ne peut vraiment commencer sans une base ou un fondement de Vairâgya.
La lumière du courage indomptable de Vîrya, vient après Vairâgya ‑ la maîtrise des passions. Si nous devenons sans peur, c'est parce que nous développons l'état sans désir. En faisant croître simultanément la patience, cette audace devient sattvique ‑ l'ordre des Pâramitâ est donc : Vairâgya, en premier lieu, suivi de Kshânti et de Vîrya qui forment une paire. C'est cela qu'il faudrait comprendre et pratiquer d'une façon délibérée. Commencez par le courage et la patience, comme qualités morales mentales. L'action sur le plan extérieur suivra à coup sûr naturellement. C'est là toujours le principe de l'application intérieure : le sentiment et le mental étant la cause, l'action et la parole l'effet. L'inverse est ce que l'on appelle ordinairement Hatha-Yoga. La paire qui vient après est Shîla et Dhyâna, et, pour terminer, Dâna et Prajňâ. La disposition ordinaire à l'amabilité, à la charité etc. qui est celle des gens de bien doit être maniée d'une façon délibérée, selon un plan, pour devenir spirituelle.
Souvenez-vous que le réel détachement, ou Vairâgya, vient par les attachements et procède de ceux-ci, et nous devons utiliser nos attachements pour dénouer les liens du Karma personnel par le juste accomplissement des devoirs. Considérez les circonstances de votre vie actuelle comme les voies très convenables pour développer une compréhension réelle et universelle, une sympathie et une affection véritables et impersonnelles.
Avoir des buts élevés est une protection contre l'égotisme. Nous croissons, c'est nécessaire, en considérant humblement ce qui reste à accomplir. Pour les étudiants sérieux qui ont des aspirations élevées, et qui appliquent aussi sincèrement les principes, il s'avère vite nécessaire d'acquérir quelque chose de la Pâramitâ de départ, Vairâgya. Mais pour l'homme bon, qui est préoccupé du monde, la Pâramitâ initiale doit être Dâna. C'est la connaissance qui fait toute la différence dans la formulation même de notre but et idéal ‑ qu'il soit élevé ou non. Dans l'un de ses écrits, un Maître a déclaré que la bonté négative ne convient pas pour la condition de Chéla. Ainsi donc, sans la connaissance, hommes et femmes ne peuvent devenir bons.
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Juin 1962
[Les effets de la pratique des Pâramitâ et leur interdépendance.]
La patience [Kshânti] est une sublime vertu. Cette Pâramitâ, placée sur l'arc descendant, est la plus haute vertu pour les hommes et les femmes qui n'ont encore aucune notion de la vie supérieure. Mais la patience qui cultive en même temps Vîrya ‑ car Kshânti et Vîrya forment une paire ‑ est la plus haute patience, et ces deux Pâramitâ sont la "progéniture" (on en parle comme de la fille et du fils) du détachement Vairâgya.
La patience en elle-même est un pouvoir guérisseur et, en vérité, on peut gagner beaucoup, tant spirituellement que psychiquement, par la patience. Un bienfait actif, et positif, résulte de la pratique de cette vertu si, pendant qu'on l'exprime et l'observe, le mental est maintenu fécondé par des vérités et idées spirituelles. La Gîtâ, La Voix, La Lumière sur le Sentier et La Lumière de l'Asie ne sont pas des livres pour tuer le temps, comme tant d'autres ; ils servent à purifier, construire, renforcer et polir la nature humaine ; ce sont des agents puissants dans leurs effets, si on les utilise convenablement, sur le sang et, par lui, sur les nerfs et les muscles. Bien que cela soit difficile et ardu à percevoir pour vous, vous tirerez un grand secours d'une réflexion tranquille sur le fait que nous recevons non seulement ce que nous méritons mais aussi ce que nous désirons, et ce qui est précisément le meilleur pour nous ‑ cela vous aidera. Pour chacun de nous, il y a des moments particuliers où les enseignements appris peuvent être pratiqués avec plus d'énergie.
Shîla, la seconde vertu dans l'arc descendant, doit être étudiée et comprise ; l'avez-vous examinée du point de vue d'une explication personnelle à vous-même ? Remarquez la parenté entre parole et acte [dans la définition de Shîla], et notez aussi l'expression "action karmique". Qu'est-ce que l'action karmique ? Est-ce l'action accomplie sous la force de votre propre destinée ? Et que penser de l'Action intelligente de la Grande Loi qui rétablit l'harmonie que nous brisons ? Que voulons-nous dire quand nous déclarons que nous faisons face à notre propre Karma ? Nos étudiants ne prennent pas en considération l'Omniscience de la Loi qui n'est pas seulement Exacte Justice mais aussi Infinie Miséricorde.
La Pâramitâ Dhyâna ne devrait pas être confondue avec les exercices de la méditation. Cette vertu est Incessante Contemplation de Mitrâ ‑ Compassion-Miséricorde, elle résulte de Vairâgya et de Kshânti-Vîrya. Dhyâna est l'un des termes de la paix ; l'autre étant Shîla. Ėtudiez Dhyâna et Shîla comme formant une paire, l'une soutenant et perfectionnant l'autre en nous.
L'harmonie-Shîla se développe comme Dhyâna, la contemplation attentive, et progresse tandis que Dhyâna croît en intensité, à mesure que Shîla s'établit et révèle son pouvoir de relier parole et action sur le plan des effets, comme pensée et sentiment sur le plan des causes. C'est vrai que "l'harmonie en parole et en acte" donne l'impression d'être plus facile ; notez aussi que Shîla se trouve également sur l'arc descendant. La Pâramitâ Dhyâna signifie "incessante contemplation" en tant que vertu-sentiment. C'est l'état du Naljor, c'est-à-dire d'un saint Adepte. En fait, cette contemplation est le résultat de Dhyâna et de Samâdhi. Pour donner sa place à Dhyâna, il vous faut étudier Pataňjali. Dans ses sûtras sont énumérés Pratyâhâra, Dharanâ, Dhyâna et Samâdhi. Comparez également les 4 états du quadruple Dhyâna Marga.
Parlons maintenant de Dâna et Prajňâ : tous les êtres humains possèdent un germe d'amour et de charité, mais combien peu nombreux sont ceux qui rendent ce germe utile de la bonne façon ! La pensée, accordée à la charité et à l'amour, purifie et éclaire : à ce moment se trouve conçue Dâna ‑ Prajňâ ‑ le fait de voir avec l'Œil de Dâna. Cette conception a sa période subjective ‑ une existence embryonnaire, pré-natale. Puis elle vient à naître, et des actes de charité et d'amour sont accomplis. Mais, pendant tout ce temps, le processus intellectuel doit être maintenu en éveil. Ainsi, c'est comprendre tout et pardonner tout ce qui n'est pas aimable. Mais il y a aussi le yoga avec des expressions d'amour qui sont pures et tellement aimables. Devenir aimable, c'est une étape dans le développement de Dâna ‑ Prajňâ.
La réelle Prajňâ est Compassion Absolue. Il y a 7 états de Prajňâ et, de façon correspondante, 7 degrés de Compassion Absolue. Reliez le passage de La Voix, p.92, et notez bien ce que crée la Compassion Absolue. Elle se tient au Portail du Sentier Intérieur du Renoncement. Dâna correspond au Globe A de l'évolution. C'est là qu'est le départ, mais le vrai lieu important de la mise en route est le Globe D. C'est au milieu de la 4ème Ronde et sur le 4ème Globe que commence la véritable évolution humaine.
Prajňâ est le pouvoir ou la capacité qui donne lieu à la perception. Le Parabrahman des métaphysiciens védantins est l'Inconscient des Advaitis, qui l'appellent Chidâkâsham et Chinmâtrâ. Cela contient en soi-même la potentialité de toute condition de Prajňâ, et se manifeste finalement comme conscience, d'une part, et comme univers objectif, d'autre part, (ce qui renvoie à ce qui est appelé Mouvement et Espace, Esprit et Matière, dans la 1ère Proposition Fondamentale) par l'opération de sa Shakti latente, le pouvoir qui engendre la pensée (appelé Fohat dans la Doctrine Secrète). Il y a 7 états de Prâjňa ; la conscience perçoit la matière à 7 niveaux différents, le plus élevé de ces états étant l'Inconscient mentionné plus haut, c'est-à-dire la Conscience Universelle, qui n'est pas soi-consciente. Ces réalités cosmiques fondamentales sont bonnes à garder en mémoire quand Vairâgya doit être développé.
À notre niveau, la pratique de Prajňâ signifie, n'est-ce pas, l'effort d'améliorer et élever notre présent pouvoir de perception. La plus haute perception, c'est le développement de la 7ème Pâramitâ, qui implique la vision de Paramârthasatya ‑ la Vérité Altruiste ou la Sagesse Compatissante. Rendez pure et claire votre vision, nous dit-on, c'est là l'exercice ordinaire, quelle que soit notre perception. Nous avons une certaine vision de la connaissance et une autre de l'amour. Parvenir à les fondre ensemble, c'est être capable de voir avec un œil unifié. Nos sentiments sont personnels et égoïstes, et nos pensées les suivent : en conséquence, nous agissons comme des animaux humains. Il y a une rencontre qui se fait dans l'ignorance, ou par une fausse connaissance. Le développement de Prajňâ commence avec l'épanouissement de Dâna ; et aussi, le développement de Dhyâna se manifeste dans notre harmonie en paroles et en actes : Shîla. Vairâgya fournit la clé, sommes-nous sans passion et sans désir ? Cela implique l'observation de nous-mêmes, heure par heure, mais la nature inférieure est pressante dans ses exigences, et impérieuse, par-dessus le marché !
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