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Le pouvoir bienfaisant de la parole[1] (Cahier Théosophique 137)

    L'esprit de l'Occultisme ne consiste pas à rechercher le bizarre et l'anormal, mais plutôt à voir, dans ce qui est bien connu et normal, la signification et les énergies intérieures et cachées. Si l'on ne peut pas percevoir les potentialités occultes des facultés et des pouvoirs que l'homme possède déjà, on ne comprendra jamais les lois ni les mécanismes qui sont à l'œuvre derrière ces pouvoirs et ces facultés plus exceptionnels qui sont maintenant en possession des hommes les plus engagés sur le chemin de l'évolution spirituelle, et constituent l'héritage de tous ceux qui se trouvent sur le véritable sentier. Tout ce qui touche la Nature et l'Homme est du ressort de la Théosophie, et ce tout inclut les aspects métaphysiques et invisibles qui ne sont pas moins réels que les autres. Il y a des lois et des facteurs d'une nature profonde qui sont cachés derrière nos facultés et nos sens actuels, et, s'ils étaient compris, ils nous donneraient la clef de la compréhension des lois qui régissent nos sens et nos pouvoirs encore latents, car la Vie est une Vérité, et la loi de correspondance et d'analogie s'applique dans toutes les directions.

    L'un des plus puissants de nos pouvoirs usuels et bien connus est celui de la parole. La Doctrine Secrète est remplie d'enseignements sur la nature et le pouvoir du son et de la parole, considérés à la fois sous leurs aspects ordinaires, et plus particulièrement sous leurs aspects inconnus et occultes. Ces derniers sont à peine connus de la science, cependant ils ont un rapport des plus vitaux avec presque chaque phase de la vie humaine, et c'est peut-être à cause de cela que, selon la loi des cycles, leur révélation était nécessaire à l'époque actuelle.

    Les sept stades successifs de chaque cycle d'évolution, depuis son aube jusqu'à son crépuscule, et jusqu'à la nuit, peuvent s'exprimer en termes de son et de parole, comme le fait apparaître, par exemple, un mot tel que « Logos ». Des termes comme « Logos non-manifesté » et «manifesté » ou « Logos Créateur » désignent des stades spirituels dans le processus de l'évolution, ainsi que les pouvoirs créateurs, conservateurs et régénérateurs du Son. Non seulement la Doctrine Secrète, mais toutes les écritures sacrées du monde, y compris la Bible, la plus récente de ces écritures, contiennent de telles expressions. Ainsi, dans Jean I, 1, nous lisons : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. » Et, dans Jean I, 14, on trouve un écho de l'enseignement archaïque sur l'apparition cyclique d'avatars divins, se rapportant réellement à tous les avatars, non pas seulement à Jésus : « Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous... plein de grâce et de vérité. » L'enseignement sur l'apparition périodique des avatars divins est donné dans la Doctrine Secrète, (Vol. Il, p. 358-9)[2] :

    « Quand les mortels seront devenus suffisamment spirituels, il n'y aura plus besoin de  leur communiquer une compréhension correcte de l'ancienne sagesse. Les hommes sauront qu'il n'y eut jamais de grand réformateur du monde, dont le nom est arrivé jusqu'à notre génération, a) qui n'ait été une émanation directe du LOGOS (quel que soit le nom sous lequel il fut connu), c'est-à-dire une incarnation de l'essence de l'un des « sept » aspects de « l'Esprit divin qui est septuple » ; et b) qui n'ait apparu auparavant, durant les Cycles passés. »

    Tout homme a en lui le principe avatarique, mais, pour la plupart, les humains, en s'incarnant, oublient qui ils sont, et tombent ainsi en proie à la séduction des plans inférieurs de la matière. L'acquisition de la parole et le développement du langage eurent lieu en même temps que l'illumination par Manas de l'Homme privé de mental. Ainsi qu'il est dit dans une note dans la Doctrine Secrète, Vol. Il, p. 199 (note) :

    « Le langage apparut sans aucun doute en même temps que la raison, et il n'aurait jamais pu se développer avant que les hommes ne soient devenus un avec les principes qui les pénètrent et qui les constituent intérieurement — ceux qui firent fructifier et éveillèrent à la vie l'élément manasique endormi dans l'homme primitif. Car, comme le Professeur Max Müller nous le dit dans son livre Science of Thought (La Science de la Pensée) la pensée et le langage sont identiques...Logos signifie à la fois raison et parole. »

    Manas, comme nous le savons, fait intégralement partie de la Triade Immortelle, Atma-Buddhi-Manas ; par conséquent, la parole, étant apparue en même temps que se produisit l'éveil de Manas, est un pouvoir et un apanage inhérents à l'EGO Immortel. Quand cet Ego s'incarne, Manas devient double. La distinction entre ces deux aspects du mental est clairement tracée dans la Clef de la Théosophie, p. 177 :

    « Mais une fois emprisonnée, ou incarnée, leur essence se dédouble : c'est-à-dire que les rayons du Mental divin et éternel, en tant qu'entités individuelles, revêtent un double attribut : a) leur mental essentiel, inhérent et caractéristique, qui aspire au ciel (le Manas supérieur), et b) la faculté humaine de penser, ou cogitation animale, devenue rationnelle à cause de la supériorité du cerveau humain, le Manas qui tend vers Kâma, ou Manas inférieur. L'un gravite vers Buddhi, l'autre tend en bas vers le siège des passions et désirs animaux. »

    On peut déduire logiquement, du fait de la dualité de Manas, que la parole doit aussi présenter un double caractère. Si la conscience d'un être est centrée dans le Manas supérieur, ses paroles doivent refléter la nature et le plan du pur principe qui aspire au ciel, et elles doivent être en synchronisme harmonieux avec lui ; mais, si la conscience est centrée dans le soi personnel, la parole va refléter la qualité et le plan du Manas inférieur qui tend vers Kâma et participer de sa nature. Dans son article « Action psychique et noétique », H.P. B. fait remarquer que non seulement il existe un abîme entre le Manas supérieur et le Manas inférieur, mais qu'ils fonctionnent sur des plans qui sont presque diamétralement opposés. Voici ce qu'elle dit à ce sujet :

 

   Car si, comme l'Occultisme l'enseigne, l'Entité Mental Supérieur, permanente et immortelle, est de l'essence divine homogène « d'Alaya-Akâsha » ou Mahat, sa réflexion, le Mental personnel, est — en tant que « Principe » temporaire — pétri de la substance de la lumière astrale. En tant qu'un pur Rayon du « Fils du Mental Universel », cette Entité ne pourrait accomplir aucune fonction dans le corps et resterait impuissante à agir sur les turbulents organes de matière. C'est pourquoi, tandis que sa conscience intérieure est manasique, son « corps », ou plutôt son essence active, est hétérogène, et pénétrée de lumière astrale, l'élément le plus inférieur de l'Éther. Et c'est un aspect de la mission du Rayon Manasique de se débarrasser de l'élément aveugle et trompeur qui, bien qu'il fasse de lui une entité spirituelle active sur notre plan, le met en contact si étroit avec la matière que sa nature divine s'en trouve complètement obscurcie et ses intuitions paralysées.(Râja Yoga ou Occultisme, art. "L'Action Pshychique et Noëtique").

    Il y a dans cette citation une idée implicite, et H. P. B. la fait précisément ressortir dans la dernière phrase de son article, c'est qu'il y a un pouvoir double — bon et mauvais — dans la Lumière Astrale elle-même. « Béni est celui qui a acquis la connaissance des pouvoirs doubles qui sont à l'œuvre dans la Lumière ASTRALE : trois fois béni est celui qui a appris à distinguer l'action noétique de l'action psychique du « Dieu aux deux visages », qui est en lui et qui connaît la puissance de son propre Esprit, c'est-à-dire la « Dynamique de l'Âme ». C'est cet aspect supérieur du Manas inférieur, ainsi que celui de la Lumière Astrale, qui est sensible à l'influence régénératrice et ennoblissante qui émane du Mental-Entité supérieur et du pur plan Akashique. Cet aspect supérieur du Manas inférieur est en rapport étroit, et est, pour ainsi dire, un avec l'Antaskarana, défini dans la Voix du Silence (p.69, note 11) comme « le Sentier qui fait communiquer ou communier la personnalité avec le Manas supérieur, ou Âme humaine. »

    À la lumière de ce qui précède, nous pouvons poser la question : Y a-t-il un moyen pratique, à la portée immédiate de tout aspirant, grâce auquel il puisse mériter les bénédictions dont il est question dans la dernière phrase de « l'Action psychique et noétique », et par lequel il puisse, en raison de sa propre conquête, devenir plus apte à aider et à instruire les autres ? Tout le contenu du présent exposé suggère qu'il existe un tel moyen et qu'il se trouve dans la parole. Nous avons vu que, suivant la correspondance avec la dualité de Manas, il y a deux types principaux de langage. Nous pouvons parler soit selon l'aspect impersonnel et altruiste du Mental Divin supérieur, soit selon le point de vue personnel égotique du Mana inférieur. Dans ces conditions, le processus d'harmonisation de notre nature avec le plan Supérieur, ou le plan inférieur, peut presque s'exprimer de façon tangible par une formule de langage. Si notre parole reflète le Manas Supérieur, elle ouvrira une communication avec le plan Akashique correspondant ; si elle reflète le Manas inférieur non éclairé par le Manas Supérieur, la communication qui sera établie se trouvera sur le plan de la Lumière Astrale chaotique et trompeuse. Les influences et les forces magnétiques qui se manifestent en empruntant ce canal Akashique apportent une illumination spirituelle ; elles sont constructives sur le plan de l'intellect et ont un pouvoir de guérison sur le plan physique ; les émanations de la Lumière Astrale sont d'une nature basse, grossière, psychique et elles sont physiquement affaiblissantes.

    Bien entendu, il faut aussi se pénétrer de l'idée que l'affinité magnétique de la parole, que ce soit pour le plan supérieur et spirituel, ou pour le plan inférieur et psychique, ne dépend pas d'une prononciation mécanique ou formelle des mots, aussi sublime que puisse être leur signification, mais plutôt de l'esprit qui anime cette parole, c'est-à-dire de la qualité réelle et du sentiment profond qui sont contenus dans l'expression extérieure. La simulation à cet égard est impossible. Notre harmonisation avec les plans qui sont invisibles, bien que très réels et substantiels, est pratiquement instantanée, car le pouvoir d'attraction mutuelle est gouverné par l'affinité vibratoire correspondante, cette dernière étant inhérente à la qualité et au ton de la parole et ne résidant pas dans les mots eux-mêmes. Ce n'est que lorsque notre parole exprime et reflète vraiment un amour sincère et durable pour nos semblables qu'elle possède le pouvoir magique d'élever vers la vie régénératrice des plans spirituels. La première condition à remplir est contenue dans ces Préceptes d'Or de la Voix du Silence, p. 69 :

    « As-tu accordé ton cœur et ton mental au grand mental et au grand cœur de tout le genre humain ? Car, de même que la voix mugissante du fleuve sacré fait écho à tous les sons de la Nature, ainsi le cœur de celui qui voudrait " entrer dans le courant " doit vibrer en réponse à chaque soupir et à chaque pensée de tout ce qui vit et respire. ....As-tu accordé ton être avec la grande douleur de l'Humanité, ô Candidat à la Lumière ? »

    Dans la Lumière sur le Sentier, la première réalisation à atteindre est contenue dans l'aphorisme suivant : « Avant que la voix puisse parler en la présence des Maîtres, elle doit avoir perdu le pouvoir de blesser ». La voix ne perd ce pouvoir que lorsque la personnalité a été réduite à rien.

    Une condition indispensable de l'harmonisation de la parole avec le Manas Supérieur est la défense des Instructeurs, des compagnons-disciples et de tous les autres êtres contre les attaques calomnieuses. Dans son article « La dénonciation est-elle un devoir ? », H. P. B. dit :

    « En fait, le devoir de défendre un semblable attaqué par une langue de vipère, pendant son absence, et celui de s'abstenir, en général de « condamner les autres », constituent en vérité la vie et l'âme de la Théosophie pratique, car une telle action est la servante qui fait entrer l'homme sur l'étroit Sentier de la « vie supérieure », cette vie qui mène au but que nous désirons tous atteindre. La Miséricorde, la Charité et l'Espérance sont les trois déesses qui président à cette « vie ». « S'abstenir » de condamner nos semblables est un témoignage tacite de la présence en nous de ces trois sœurs divines, condamner sur « ouï-dire » est une preuve de leur absence ». (Revue Théosophie, Vol. IV, p. 251.)

    Ces trois Sœurs divines, dont parle H. P. B. (Miséricorde, Charité et Espérance) rappellent les mots presque identiques de Paul dans le treizième Chapitre de la Première Épître aux Corinthiens : « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas la charité, je suis semblable à un airain qui retentit ou à une cymbale qui résonne. » Cette phrase de Paul comparant la parole non charitable à « un airain qui retentit » est vraie aussi bien au sens littéral qu'au sens figuré — puisque la loi des correspondances s'étend dans toutes les directions et inclut la qualité et la valeur des métaux. Les Quatre Âges portent des noms de métaux, l'Âge d'Or étant le plus pur et le plus spirituel, tandis que le Quatrième, ou Âge de Fer, est un âge d'obscurité spirituelle. On peut voir les trois Sœurs divines de saint Paul dans ce verset : « Et maintenant demeurent en nous ces trois qualités, la foi, l'espérance et la charité, mais la plus grande des trois est la charité. »

    Krishna, dans la Bhagavad-Gîtâ (chapitre XVII), enseigne de même que la parole compatissante mène l'homme jusqu'au sentier le plus élevé. Il dit, en effet : « Un langage bienveillant, ne causant pas d'anxiété, franc et amical, ainsi que l'assiduité dans la lecture des Écritures, sont considérés comme les austérités du langage. »

    Depuis des temps immémoriaux, les Sages ont enseigné que la parole « le don suprême du Penseur Immortel », si elle est employée en harmonie avec la Nature altruiste et désintéressée de l'Homme Divin, devient le véhicule des pouvoirs créateurs, conservateurs et régénérateurs de la divinité.

 

 

[1] Traduction d'un article paru dans la revue Theosophy, Vol. XLIV, p. 72-76.

[2] Les références à la Doctrine Secrète citées dans cet article se rapportent à l'édition anglaise originale de 1888.

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