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ÉSOTÉRIQUE ET EXOTÉRIQUE[1]

    L'âme bâtit le corps. La nature de l'une est occulte, comme celle de l'autre est phénoménale. La vie est une réalité immuable, tandis que la forme n'est que la mâyâ évanescente — non-existante, en fait. De 1851 à 1871, la Sagesse étendit une influence active sur les plans intérieurs de l'être, en vue d'atteindre progressivement le monde extérieur. Alors, H.P. Blavatsky sortit de la Grande Loge pour le service de notre monde et, depuis ce temps — particulièrement après 1877, lorsque son Livre Isis Dévoilée fut publié — certains termes jusque-là peu familiers acquirent de plus en plus d'importance. Parmi ceux-ci se trouvent les mots ésotérique et ésotérisme, exotérique et exotérisme.

    Elle fut la première, depuis les néo-platoniciens d'Alexandrie, à proclamer, sans hésitation et avec force, l'existence d'un corps secret d'Enseignement et d'Instructeurs. Dès le tout début, elle prétendit en avoir une connaissance assez approfondie. Pendant vingt années — de 1871 à 1891 — elle a œuvré pour la Cause soutenue par ces Enseignements et ces Instructeurs. L'une des missions importantes qui lui furent confiées a consisté à attirer l'attention du monde sur l'existence de l'Enseignement et des Instructeurs ; seule une partie du premier — selon les instructions des seconds — fut présentée en fractions judicieusement distribuées dans le temps. Ce processus fut affecté par la plus ou moins grande capacité du public — surtout parmi ceux qui aspiraient à devenir des disciples, ou chélas — à reconnaître la vérité du caractère ésotérique à la fois de la connaissance impartie et de ses Sages Gardiens. Il apparaît clairement à l'intuition de ceux qui étudient les enseignements d'H.P. B. qu'elle a essayé de préparer un corps d'étudiants assez sages pour reconnaître la valeur du silence et apprendre l'art d'assimiler non seulement la philosophie, mais aussi, à travers elle, ses Maîtres versés dans cette Sagesse. La mission de H. P. B. n'a pas consisté uniquement à diffuser la connaissance dans le monde en général, et à servir le siècle qui s'ouvrait avec 1875. Elle avait aussi à préparer une cohorte d'étudiants-serviteurs de la Sagesse Sacrée et Secrète, capables à leur tour de transmettre la même Charge aux générations successives, et à purifier ainsi, par la vie et le travail, le mental de la race jusqu'à ce que ses successeurs viennent, en 1975, dans l'arène publique pour terminer ce qu'elle avait commencé.

    Il fallait que le mental des hommes fût préparé en vue de recevoir l'Enseignement. Elle eut en vue l'existence de degrés successifs d'étudiants : ceux qui en sauraient moins apprenant du groupe qui en saurait un peu plus, jusqu'au niveau où se tiendraient deux ou trois étudiants qui, en contact direct avec les Adeptes parfaits, resteraient aussi en rapport avec le monde, à travers leurs collaborateurs et leurs aides. Ainsi fut projetée la construction d'un véritable Pont-Antahkarana entre le Monde des Maîtres et le monde des mortels. Avec cette intention et dans ce but, elle recommanda que la nature ésotérique de la matière et de l'homme fût vraiment reconnue par ses étudiants, et spécialement par ses élèves intimes. Le public qui lut attentivement ses écrits resta insensible à ses allusions et suggestions dans la mesure même où ses intimes associés et étudiants ne tinrent pas compte de ses injonctions claires et sans équivoque. Des indiscrétions au sujet de la nature ésotérique de la Loge des Maîtres et de sa Sagesse, entre autres choses, menèrent à l'écroulement du Pont dans sa presque totalité. Seule en demeura une très petite portion qui provenait du Monde des Maîtres, et elle restera à jamais intacte. Dans la mesure où des étudiants modernes se purifieront par l'énergie de l'étude et s'animeront du pouvoir du service, une plus grande étendue du Pont sera reconstituée. La dévotion et l'intelligence créatrices sont les conditions requises et les quelques rares constructeurs observent, veillent, et demandent avec force : « Qui est avec nous ? Qui veut nous aider ? »

    Il est essentiel que les étudiants reconnaissent avec intelligence que l'Ésotérisme est un fait en Théosophie. Pythagore l'appela « la gnose des choses qui sont », et en parla en secret à son cercle intérieur, tandis que Confucius refusa d'expliquer publiquement son « Grand Extrême ». Les Rishis de l'Inde, les Mages de la Perse et de Babylone, les Hiérophantes d'Égypte et d'Arabie, les Prophètes d'Israël enseignèrent comme le fit Jésus dans ces mots étranges adressés à ses élus :

« À vous a été donné le mystère du royaume de Dieu, mais pour ceux qui sont du dehors tout se passe en paraboles, afin que regardant, ils regardent et ne voient pas, et qu'entendant, ils entendent et ne comprennent pas, de peur qu'ils ne se convertissent et qu'il ne leur soit fait rémission » [Marc 4, 11.12.].

    Ammonius Saccas obligea ses disciples, sous le sceau du serment, à ne pas divulguer ses doctrines supérieures, excepté à ceux qui avaient été « mis à l'épreuve ». Notre propre H. P. B., suivant les traces de ses Prédécesseurs, donna cet avertissement : « Malheur à celui qui divulgue d'une façon illégitime les paroles murmurées à l'oreille de Manushi par le Premier Initiateur. ». Elle affirma, au moyen de suggestions, voilées mais pourtant évidentes, la nature intime de la Sagesse Ésotérique à pratiquer, tout en proclamant avec force que la Connaissance Primordiale et les Héritiers de l'Ancien des Jours étaient des réalités vivantes, à l'œuvre pour le service de l'humanité. Elle rassembla dans ses écrits les gemmes resplendissantes offertes par bien des mines — le diamant de l'Inde, le saphir de la terre du Bouddha, le rubis de la Perse, l'opale de la Chaldée, l'émeraude de l'Égypte, l'améthyste de la Grèce, la pierre de Lune de la Judée, et elle les sertit toutes dans le platine raffiné de notre époque, qu'elle obtint de ses Maîtres. Elle fit ce collier pour la fille du temps que nous nommons la période du 19ème et du 20ème siècles.

    H.P. B. souligna que les enseignements secrets des Sanctuaires n'étaient pas demeurés sans témoins. En fait, ils se sont répandus sur le monde dans des centaines de volumes pleins de l'étrange jargon des Alchimistes ; ils se déversent comme de puissantes cataractes de science occulte et mystique sous la plume des poètes et des bardes. Où l'Arioste a-t-il puisé, pour son Orlando Furioso, l'idée de cette vallée de la lune où, après la mort, nous pourrons retrouver les idées et les images de tout ce qui existe sur terre ? Comment Dante en vint-il à imaginer les nombreuses descriptions, présentées dans son Enfer, de sa visite et de sa communion avec les âmes des sept sphères ? Les obscurs secrets de la Sagesse furent autorisés à voir la lumière du jour à mesure que des hommes apprirent à les utiliser avec une réelle discrimination, avec une sérénité désintéressée. C'est l'intérêt personnel qui se développe en poussant l'homme à abuser de sa connaissance et de son pouvoir. Ainsi, au cours des quelques derniers siècles, à mesure que s'enfla l'égoïsme humain, la Lumière de la Sagesse diminua et les quelques Élus, dont la nature intérieure avait assisté sans en être affectée à la marche du monde, sont devenus les seuls gardiens de la Connaissance Ésotérique, qu'ils transmettent uniquement à ceux qui sont capables de la recevoir, tandis qu'ils la tiennent hors de la portée des autres.

    H.P. B. se présenta au monde avec son message direct. Ce n'était point images poétiques, récits symboliques, ni versions théâtrales de Vérités Ésotériques. Elle écrivit dans le langage précis, simple et net d'une personne ayant une réelle autorité. Elle demanda solennellement à ceux qui l'entouraient de garder dans un secret inviolable certaines informations et certains enseignements, et d'attendre son signal pour rendre exotérique, en temps opportun, ce qui jusque-là .avait été donné au petit nombre en vue de l'apprendre, et de l'assimiler. On ne tint pas compte de ses sages injonctions : il en résulta la profanation du sacré ; ce qui était saint fut livré aux chiens de la presse, et les perles furent jetées aux pourceaux d'un public plein d'orgueil et d'égoïsme ; presse et public les foulèrent aux pieds, se retournèrent contre H. P. B. et la déchirèrent.

    Avec le retour du Cycle, la responsabilité de ses étudiants véritables et de ses fidèles sincères prend une proportion d'une lourde gravité.

    Dans ce monde de mâyâ, on tient l'Esprit et la Matière pour deux choses différentes, et on fait de même avec la Sagesse Ésotérique et la Connaissance Exotérique. La Nature est une, et il en est ainsi de la Théosophie. Le secret de la Nature se trouve dans les particules de poussière et dans les constellations d'étoiles, et les unes et les autres sont visibles, et pourtant invisibles. Les écrits d'H.P. B. sont à la fois exotériques et ésotériques. Leur côté caché est perçu seulement par ceux dont la nature intérieure s'est épanouie.

    L'une des conditions nécessaires pour l'éveil de la faculté intérieure qui révèle le côté caché du monde phénoménal est le pouvoir de garder de façon inviolable les secrets qui nous ont été confiés par la Nature, ou d'une autre manière. Souvent, dans l'enthousiasme ressenti dans l'aide et le service d'autrui, nous répandons à la vue de tous les semences amassées au cours de notre étude de la Théosophie et de nos méditations sur les réalités de la philosophie. Ceci est dû à un sens du moi, qui est souvent d'un genre très subtil. En vue d'entraîner ses disciples dans l'art de conserver des secrets, plus d'un sage instructeur a imaginé toute sorte de moyens comportant la révélation aux étudiants de faits et de fictions sans dangers pour le public, qu'ils devaient garder pour eux, en apprenant à éviter de les révéler, directement et indirectement, dans les réponses qu'ils faisaient aux questions qu'on leur posait, et dans leurs conversations.

    C'est une sage pratique que de s'imposer à soi-même l'obligation du secret en ce qui concerne certains enseignements métaphysiques et psychiques, ou certaines pratiques spirituelles et mystiques. En agissant ainsi, l'étudiant doit prendre garde de ne point tomber dans le travers d'affecter une attitude mystérieuse, qui ne serait qu'une autre forme d'égotisme. « Ce que tu as à faire, fais-le dans la quiétude, même entouré d'une multitude ; ce que reçoit ta main droite, ou ce que donne ta main gauche, seul le Cœur Secret doit le savoir » — tel est l'antique aphorisme, et les règles du Sentier spirituel sont les mêmes aujourd'hui que jadis.

    Il existe des corps privés de vie —- des cadavres — mais un corps vivant a toujours une âme. Il existe des cadavres de connaissance, mais la Science de Vie a derrière elle l'Âme-Maîtresse. Le mystère du corps vivant, les mystères de la Science de Vie sont ésotériques ; ces mystères se révèlent de façon mystique dans le corps vivant, dans les Enseignements écrits des Âmes-Maîtresses. L'ésotérisme de la Gîtâ est contenu dans ses dix-huit chapitres, et il n'est nul besoin d'en chercher un dix-neuvième. Dans le message écrit d'H.P. B. gît cachée toute sa Sagesse Ésotérique. Ce sont ses étudiants et ses élèves qui peuvent découvrir dans ses enseignements ce qui est ésotérique ; silence et secret observés mènent à une plus vaste et plus noble connaissance du Temple Intérieur. Pour y avoir accès, chaque étudiant doit devenir le Sentier qui est Vie Éternelle. Il lui faut non seulement découvrir le Sentier, mais construire le Sentier. Entre l'étudiant et la Sagesse d'Or des Maîtres qu'il recherche, il existe un gouffre : l'abîme de la séparation. À lui de trouver ce Pont-Antahkarana, où silencieusement, secrètement, fidèlement, certains œuvrent peut-être à construire, construire, construire... Qui sait ?

 

 

[1] Traduction de l'article « Esoteric and Exoteric » publié dans la revue The Theosophical Movement, Vol. 2, p. 89-91, et Vol. 30, p. 271-4.

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Programme et activités du Groupe d'Etude Théosophique en Tarentaise

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