Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
/ / /

 

BHAKTI OU LES LAMPES D’OR DE LA DEVOTION

Article de Krishna Dasa paru dans la Revue Théosophie, vol. VII

 

« le sage au cœur concentré, en repos et libre d'attachement aux désirs est " semblable à la lampe qui, abritée du vent, ne vacille pas " . Lorsque, discipliné par la pratique du Yoga, en repos et percevant le Soi par le soi, il est satisfait ; lorsque, connaissant la béatitude illimitée qui est indépendante des objets des sens, il atteint l'état d'où rien ne peut le détacher de la réalité[1] ; lorsqu'il a acquis ce qu'il considère comme supérieur à tout, et que, s'y trouvant établi, il ne peut en être délogé même par la plus grande souffrance, sache que cette interruption du lien qui l'unit à la douleur est considérée comme Yoga, l'union spirituelle, ou consécration, pour laquelle l'homme doit lutter avec foi et constance. » LA BHAGAVAD-GITA VI. 19-23

BHAKTI ! Combien ce mot à une résonance évocatrice pour le réel Mystique de l’Orient ! De même que le coquillage ourlé, quand on l’approche de l’oreille, semble contenir le bruit majestueux et lointain de l’Océan sans limites de la Vie éternelle, aux profondeurs inconnues : « Les eaux sans rivages d’Akshara » !

Quand certaines étapes du Sentiers de la Sagesse ont été parcourues et que nous avons résolu de pratiquer la Science du Renoncement, alors dans les profondeurs de notre conscience s’élève un Grand Pouvoir : le Pouvoir de la Dévotion – BHAKTI.

C’est le moment solennel où, une à une, les Lampes d’Or de la Dévotion vont s’allumer en nous. Car, la Bhakti c’est le Feu de l’Esprit.

La Bhakti, c’est l’agenouillement de tout notre être inférieur devant la Présence, la Présence Auguste de l’Unité Divine dans le Sanctuaire du Cœur : Shiva, Krishna, Bouddha, Christ, qu’importe le Nom ! C’est le « Mot Perdu » que nous devons retrouver en nous seulement et nulle part ailleurs.

La Bhakti la plus pure, Ekanta-Bhakti, c’est l’aspiration ardente vers le Divin. C’est la Dévotion qui n’est pas la sentimentalité, ni la foi aveugle, mais la Dévotion qui est Sagesse.

La Bhakti est Connaissance, Pouvoir, Force et Compassion, la Loi des Lois. Elle est aussi l’Amour, l’Amour Pur et Divin des Sages, l’Amour qui est la source de la vie et qui est « le germe de la divinité qui existe dans le cœur de l’homme, et qui peut s’épanouir en un soleil répandant la vie, illuminant le mental et projetant ses rayons au centre de l’Univers ; car ce germe est issu de ce centre, et dans ce centre il finira par retourner »[2].

La Bhakti est la joie, la Joie Sattvique, la Joie Harmonieuse, car elle est Béatitude. Le Printemps, dans la nature, est joie, Fraîcheur, Pureté, Jeunesse, et contient la Promesse de l’Epanouissement. La Bhakti qui est Esprit, est aussi Joie, Fraîcheur, Pureté, Toujours Jeune et contient également la Promesse de l’Epanouissement infini – la Promesse de l’Union de l’homme (Manas) avec l’« Homme Céleste » (Atma). Quand le Feu de la Dévotion brûle en nous, tout notre être tend à s’unir avec l’Esprit dont l’essence est l’AMOUR. C’est l’annonce du Retour vers le Centre de l’Etre.

Le Bhakta est celui qui se prépare à cette Union avec le Divin. Une à une, toutes les lampes de Feu doivent être allumées par sa propre main.

Dès le début de sa préparation, le Bhakta apprend à distinguer entre la dévotion sentimentale et la Dévotion qui est Sagesse. La première appartient au domaine de l’émotion.

Elle est semblable au parfum artificiel crée par le chimiste. La seconde, la vraie Bhakti, découle de Buddhi (la Sagesse), le « Véhicule Spirituel d’Atma »[3], l’Esprit. Elle a le parfum pur de la rose ou du santal : le parfum de la Nature impersonnelle et universelle. « Je suis le parfum pur de la terre », dit Shri Krishna. (Gîta, VII.9.). Le Bhakta doit transmuer, par un processus alchimique intérieur, la première dévotion en l’or pur de la Dévotion qui est Sagesse. Et il ne peut le faire qu’en pratiquant, chaque jour, la Science de la Contemplation et du Renoncement.

« En vérité, la connaissance vaut mieux que la pratique constante, la méditation est supérieure à la connaissance, le renoncement au fruit de l'action est supérieur à la méditation ; l'émancipation finale est le résultat immédiat d'un tel renoncement. »(Gita, XII. 12).

Le XIIe Discours de la Bhagavad-Gîtâ est essentiellement le Discours sur la Bhakti, mais nous la retrouvons aussi dans les autres chapitres.

La Contemplation est le grand Rite du Yoga qui est l’Union avec l’Unité Divine, c’est le Pouvoir de la Concentration et de la Méditation sur le Divin en nous, c’est la vraie Prière.

« L'homme qui est heureux en lui-même et illuminé intérieurement est un fidèle consacré ; participant de la nature de l'Esprit Suprême, il y est absorbé. » (Gita, V. 24)

La Bhakti ne peut être développée que par la pratique de la Concentration et de la Méditation, aidée en cela par la Science du Renoncement. Nous, Concentrer, c’est fixer notre attention sur un objet déterminé. Méditer, c’est penser profondément à l’objet fixé. Le Rite du Yoga, c’est la grande Discipline Intérieure que nous devons appliquer dans notre vie journalière. Nous concentrer et méditer à heure fixe, c’est préparer la Concentration et la méditation de la journée entière qui finiront par embrasser toute notre vie.

Comment commencer ?

Chaque matin, après le bain quotidien, concentrons-nous, méditons sur le Suprême en nous. Dieu est là, au fond du cœur. « Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu est en vous ? »(I. Epître aux Cor. IV. 16). Pensons que nous ne sommes pas notre corps, que nous ne sommes pas nos émotions, nos pensées, mais qu’au-delà du corps, de nos émotions et nos pensées, réside en nous la Flamme venue de la Flamme. En nous est le Seigneur Immortel, Christ, Shiva, Krishna, Celui qui « Baptise avec le Feu », le Feu de la Bhakti !

Après cette Concentration et cette Méditation quotidiennes, d’une durée que se fixe le Bhakta, emportons dans notre cœur, dans les activités de la vie, l’Idéal entrevu, la Gloire de l’Esprit. Alors, commence pour le Bhakta, la VIE SACRAMENTELLE, où toutes les heures de la journée deviennent autant de grains d’encens qui tombent sur le charbon ardent du Cœur. Tout ce que nous allons accomplir sera fait en pensant à la Flamme Divine qui brûle éternellement dans le Sanctuaire de la Conscience. Et le Seigneur Krishna, en tant que cette Flamme, va nous indiquer le Rite à exécuter. Ecoutons l’immortelle leçon « pour vivre en qualité d’entité consciente dans l’Eternité » :

« J'accepte en me réjouissant les offrandes de l'âme humble qui, dans son adoration, m'offre d'un cœur pur une feuille, une fleur, un fruit, ou de l'eau claire. Quoi que tu fasses, ô fils de Kuntî, tu manges ou tu sacrifies, quoi que tu donnes, quelle que soit ta mortification, fais m'en offrande. » (Gita, IX. 26.27.)

Telle est la sublime Prière ! Le pain que nous mangeons, l’eau que nous buvons, le travail que nous accomplissons, la pénitence, Tapas, que nous nous infligeons ; tout est un sacrement, une « Offrande pieuse » au Seigneur qui demeure en nous !...C’est la porte d’or de Dhyana qui s’ouvre pour le Bhakta, le Dévot ardent et sage, le Portail de la vraie Contemplation qui s’ouvre sur les champs sans bornes de la Lumière infinie, de ce qui a été, ce qui est, ce qui sera à jamais !...

« La porte Dhyana est comme un vase d’albâtre blanc et transparent, dans lequel brûle une flamme d’or, le feu de Prajna qui rayonne d’Atma »[4].

Puisse notre corps devenir comme « un vase d’albâtre blanc et transparent », dans lequel nous aurons allumé la Lampe du Cœur ! Car pour se livrer à l’Union Mystique :

« On dit que le sage au cœur concentré, en repos et libre d'attachement aux désirs est « semblable à la lampe qui, abritée du vent, ne vacille pas » ». (Gîta VI. 19).

Aussi, le Bhakta qui veut devenir un Yogi, « un Yogi du Cercle du Temps », s’efforce de se mettre à l’abri du vent de la passion, afin que la Flamme s’élève droite et pure.

Pour activer la Flamme et sachant que le Sentier qu’il suit est « un sentier non manifesté » et qu’il est dur de le suivre sans défaillance, le Bhakta place dans son Cœur une Image : Celle du Maître, du Gourou Bien-Aimé, « Celui dont la science est parfaite » ! Pour le Dévot, le GOUROU est le symbole de l’Eternité. « Il doit être regardé comme un père, une mère », nous disent les Lois de Manou. En Lui, la Flamme resplendit, car Il est devenu la Lumière. Aussi, la Dévotion au Maître devient une aspiration constante vers le Pur, le Sacré. Son Image est là devant le Bhakta. Celui-ci sait qu’IL existe, qu’Il est un des Gardiens de la Science Sacrée, qu’Il veille sur le monde et projette sur lui les rayons de Son Amour et de sa Sagesse. Déjà, le Bhakta Le connaît dans son cœur. Son désir est de le servir. Servir comme Il sert, aimer comme il aime ! Il sait encore qu’un jour il se trouvera en Sa Présence, et c’est pourquoi il s’efforce de « vivre dans ce Maître »[5], car il est écrit : « Fixe toute ton attention sur le Maître que tu ne vois pas encore, mais que tu pressens »[6]. Et quand le cœur du Bhakta est lourd de fatigue (la route est parfois longue !) il trouve son soutien et sa force en méditant sur Lui. Oh ! Ces heures de paix inexprimables – où, dans le silence, le Bhakta s’élève vers le Gourou, non pour lui adresser une prière, un secours, cela jamais, mais pour devenir un Centre de Sa Force, de Son Pouvoir, de son Rayonnement – qui peut les connaître ces heures ? Ceux qui font tous leurs efforts pour devenir des vrais Serviteurs fidèles !...

La voie du Bhakta est peut-être une Voie Douloureuse. Il sent, il éprouve plus intensément les assauts de la vie, les épreuves l’assaillent de tous côtés, il verse, sans doute, bien des larmes secrètes, mais il a appris : « Avant que le disciple puisse se tenir debout en la présence du Maître, ses pieds doivent être lavés dans le sang du cœur »[7]. Le sang du cœur est le sacrifice, le renoncement à tout ce qui n’est pas divin. Que la Face du Seigneur soit proche ou lointaine, selon les brumes qui s’élèvent de sa nature encore pécheresse, le Dévot fait tout ce qu’il peut pour rester ferme, sourd à toute tentation. Et sa Bhakti est attisée sans cesse par l’Etude, « le bois parfumé de la Connaissance Spirituelle », et par le Service des Hommes, ses frères.

Etude, Service et Contemplation sont les trois Pouvoirs, les Talismans du vrai Bhakta. Il étudie pour donner, il sert pour apprendre, il contemple pour renoncer. Et tout se résume dans le Service du Maître. Il agit en contemplant et contemple en agissant. Il essaye de devenir une lentille où convergent les rayons de la Flamme. Comme le disait notre Instructeur H.P.B. parlant d’elle-même, en tant que Disciple : « Je suis une fenêtre par laquelle entre et luit la lumière ». Sachant encore que « l’homme qui veut trouver le Maître doit faire de cette recherche le but dominant de sa vie », le Bhakta sert son Gourou, non pour recevoir quelques-uns de Ses dons, mais dans la seule joie de Le Servir ! Il s’immerge dans Son Sourire, non pour la gloire personnelle de le recevoir, mais parce qu’il sait que Son Sourire est la gloire de la Vie impersonnelle et universelle, et qu’il peut devenir lui-même un « avant-poste » de la Conscience du Maître, de Sa Vie !...

Telle est la pure Bhakti qui conduit le Dévot à la transformation totale de son être, aux Noces Spirituelles où s’accomplit l’Union de l’homme avec l’Esprit, « le Père qui est dans le secret ».

La Bhakti est le grand Rite de la Vie. Puisse chaque heure du jour qui tombe dans le sablier du Temps, être offerte au Maître, dans la Cellule du Cœur. Et chaque jour deviendra une Prière, un Rite, une Offrande, un Feu. Car, seul, le Gourou Sacré peut dire avec Shri Krishna :

« Je suis le sacrifice et le rite sacrificiel ; je suis la libation offerte aux ancêtres et je suis les épices ; je suis la formule sacrée et le feu … Je suis le but, le Consolateur, le Seigneur, le Témoin, le lieu de repos, l'asile et l'Ami. » (Gita, IX, 16 et suiv.)

Puissions-nous trouver le Refuge, l’AMI !...Puissent les Lampes d’Or s’allumer en nous !...Et nos yeux s’ouvriront enfin à la Vie, la Vie qui est Dieu, l’Unité Absolue.

 

 

[1]  « Réalité » : nirvâna, et aussi la complète réalisation du Vrai et la perte des illusions concernant les objets et la séparativité.

[2] Revue Théosophie, Vol. VI, p. 6.

[3] The Secret Doctrine, édit. Or. Vol. II, p. 231.

[4] La Voix du Silence.

[5] La Voix du Silence.

[6] Ibid.

[7] La Lumière sur le Sentier.

Partager cette page
Repost0
Published by theosophie-tarentaise.over-blog.com

theosophie-tarentaise

Programme et activités du Groupe d'Etude Théosophique en Tarentaise

Recherche

Pages

Catégories