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Le Mouvement Théosophique
Il y a une très grande différence entre le Mouvement Théosophique et toute Société Théosophique. Le mouvement est moral, éthique, spirituel, universel, invisible sauf dans ses effets, et il est continu. Une société formée pour le travail théosophique est une organisation visible, un effet, une structure pour conserver l'énergie et la mettre à profit ; elle n'est pas et ne peut pas être universelle, ni perpétuelle. Les organismes théosophiques structurés sont créés par les hommes pour une meilleure coopération, mais, n'étant que de simples enveloppes extérieures, ils doivent changer de temps en temps, à mesure que les défauts humains apparaissent, que les temps changent et que le grand mouvement spirituel sous-jacent impose de telles modifications.
Le Mouvement Théosophique étant continu, on le trouve à toutes les époques et dans toutes les nations. Partout où la pensée a lutté pour être libre, partout où des idées spirituelles ont été promulguées, en s’opposant aux formes et au dogmatisme, on peut discerner le grand mouvement. L'œuvre de Jacob Boehme en faisait partie, et de même fut la Société théosophique d'il y a plus de cent ans ; la réforme de Luther doit être considérée comme une partie de celle-ci ; et la grande lutte entre la science et la religion, clairement décrite par Draper, fut tout autant une impulsion du Mouvement Théosophique que ne l'est la Société actuelle du même nom – en effet, cette lutte, et la liberté ainsi conquise pour la science, furent réellement aussi importantes dans le progrès du monde que ne le sont nos différentes organisations. Et parmi les exemples politiques de ce mouvement, on peut compter l'indépendance des colonies américaines, qui aboutit à la formation d'une grande nation, théoriquement fondée sur la Fraternité. On peut donc voir que vénérer une organisation, même si c'est le bien-aimé organisme théosophique, c'est tomber devant la Forme et redevenir l'esclave de ce dogmatisme dont notre portion du Mouvement Théosophique, la S. T., était censée anéantir.
Certains membres ont vénéré la prétendue « Société Théosophique », en pensant qu’elle était tout en un, et en ne percevant pas correctement son caractère de fait et fragmentaire en tant qu’organisation, ni qu’il était probable que cette dévotion à la simple forme conduirait, dès la première tension, à une révocation de la Fraternité. Et c’est ce dernier cas qui s’est effectivement produit chez plusieurs membres. Ils ont même oublié, et oublient encore, que H. P. Blavatsky elle-même a proclamé qu’il valait mieux supprimer la Société plutôt que de détruire la Fraternité, et qu’elle-même a déclaré la portion européenne de celle-ci libre et indépendante. Ces adorateurs pensent qu’il faut que l’ancienne forme perdure pour que la Société ait un caractère international.
Mais la véritable unité, la prédominance et le véritable internationalisme ne consistent pas dans une organisation unique. Ils se trouvent dans la similitude des buts, des aspirations, des objectifs, des enseignements, des principes moraux. La Franc-Maçonnerie – une partie importante du véritable Mouvement Théosophique – est universellement internationale ; et pourtant ses organisations sont nombreuses, autonomes, souveraines, indépendantes. La Grande Loge de l’État de New York, y compris ses différentes Loges, est indépendante de toutes les autres dans n’importe quel État, mais chaque membre est un Franc-Maçon et tous travaillent sur un plan unique. Les Francs-Maçons du monde entier appartiennent au grand Corps Maçonnique International, et pourtant ils ont partout leur gouvernement libre et indépendant.
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Lorsque la Société Théosophique était jeune et petite, il était nécessaire qu’elle n’ait qu’un seul gouvernement pour l’ensemble. Mais maintenant qu’elle s’est étendue et fortifiée, qu’elle s’est répandue parmi des nations aussi différentes les unes des autres, telles que les Américains, les Anglais, les Espagnols, les Suédois et d’autres en Europe, et les Hindous, il est essentiel qu’un changement soit opéré dans sa forme extérieure. Il s'agit de devenir, comme les francs-maçons, indépendants dans leur gouvernement partout où les conditions géographiques ou nationales en indiquent la nécessité. Et il n'y a pas le moindre doute que cela se fera avec le temps, quoi que certaines personnes puissent dire à ce sujet.
Le Groupe américain, étant séparé de par des conditions géographiques et autres, a entrepris le changement de façon à être libre et indépendant dans son gouvernement, mais uni par ses bases, ses aspirations, ses buts et son travail à tous les vrais théosophes.
Nous n'avons pas changé le travail d’H.P.B. ; nous l'avons élargi. Nous affirmons que toute personne admise dans une Société théosophique doit être reçue partout parmi les théosophes, tout comme les francs-maçons sont reçus parmi les francs-maçons. Il est anti-théosophique de dénoncer le changement effectué par le Groupe américain ; ce n'est pas de la théosophie ni favoriser sa propagation que de revendiquer légalement des noms, des symboles et des sceaux théosophiques de façon à empêcher si possible d'autres de les utiliser. Chacun devrait être invité à utiliser notre propriété théosophique aussi librement qu'il le souhaite. Ceux qui désirent poursuivre la guerre d’H.P.B. contre le dogmatisme applaudiront et encourageront le mouvement américain parce que leurs esprits libérés le permettent ; mais ceux qui ne connaissent pas la vraie Théosophie, ni ne voient la différence entre les formes et l’âme des choses, continueront à adorer la Forme et à sacrifier la Fraternité à une coquille.
W.Q. Judge – The Path, Août 1895