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Mars 1961 à mai 1961

 

Mars 1961

 

[Inutilité du désespoir ‑ les pouvoirs supérieurs de la nature égoïque ‑ la connaissance et son pouvoir d'éveil ‑ le sacrifice de H.P.B. en ouvrant la voie vers les Maîtres ‑ découvrir notre appartenance à la chaîne Guruparampara.]

 

 

         Ne soyez pas désespéré parce que vous n'atteignez jamais à vos idéaux ; qui y atteint ? Souvent j'ai imaginé ce que doivent ressentir les Maîtres eux-mêmes en observant les aspirations nourries par tant de gens et l'absence d'efforts en vue de les réaliser. Si nous ne remarquions pas que nous ne nous élevons pas à la hauteur de nos idéaux, ce serait chose dangereuse ; ce serait de l'autosatisfaction. Nous connaissons nos limites et nous savons ce que nous voulons devenir et ce que nous voulons faire. Entre ces choses, il y a un gouffre, et plus clairement nous en prendrons conscience, mieux nous serons capables d'avancer régulièrement dans nos entreprises. Ne vous laissez pas dominer par une attitude morbide quant à ce que vous pouvez considérer comme vos propres faiblesses. Il vaut mieux prendre conscience du facteur important qu'en nous-mêmes, dans notre propre nature égoïque, nous avons des pouvoirs, des facultés et une force morale qui sont hors de toute proportion avec les autres défauts inhérents à notre nature inférieure. Cela ne vaut rien pour nous de trop penser aux défauts et erreurs que nous avons pu faire dans le passé. Mieux vaut prendre note, par l'examen de conscience, de nos limitations et erreurs, et concentrer tout notre temps sur les pouvoirs spirituels de nature morale et métaphysique inhérente à l'ego Manasique. Quand nous pensons à nos faiblesses, nous leur donnons de la force sans le vouloir, alors que, en pensant à ce qui est bon en nous, nous éveillons les ressources intérieures et les faisons descendre à notre niveau,  par le canal du cerveau rendu de plus en plus poreux par l'étude et la réflexion.

         C'est grand dommage que nous autres mortels semblions nous trouver tellement enfermés dans nos épreuves personnelles ‑ mais c'est un fait. Cependant, en tant que théosophes, nous avons plus d'une chance de rectifier l'erreur ; car, lorsque nous constatons comment nous permettons à n'importe quelle petite faute personnelle d'interférer dans notre santé physique, ou même directement dans le travail, il nous est loisible de nous reprendre et faire tous les efforts nécessaires pour réagir contre les mauvais effets. Cela nous maintient dans une vigilance constante pour discerner chaque qualité ou chaque faiblesse qui se manifeste.

         Ne soyez pas pessimiste à votre égard. Nous faisons tous des erreurs de jugement et des bourdes dans la discrimination entre le vrai et le faux, le spirituel et le non-spirituel. Aussi longtemps que nous nous redressons et allons de l'avant, en gagnant la force intérieure par les expériences de la vie journalière, nous n'avons pas lieu de perdre espoir.

         Si nous restons sincères envers nous-mêmes et veillons à ce que nos processus de pensée soient honnêtes, et nos sentiments propres et purs, la paix intérieure et la prospérité font leur œuvre dans notre cerveau et à travers notre vie. Le soi personnel est l'opposant et l'ennemi du Soi-Âme ; le premier détient un pouvoir de copier la méthode d'auto-détermination que suit invariablement le second. Être sur ses gardes quant à ce soi personnel, non seulement dans ses faiblesses mais aussi dans ses vertus, est chose importante.

         Tenez bon et allez de l'avant, accrochez-vous à la Vérité et à la Voie que vous avez déjà connues. Nécessairement, les nuages se lèveront, et n'oubliez jamais que la dureté même de la Loi n'est qu'une apparence ; sous cette dureté se cachent sa miséricorde et sa compassion. Vous n'êtes pas seul. Il y en a d'autres qui luttent avec leur nature inférieure comme vous le faites avec la vôtre. Nous nous trouvons tous en bonne compagnie. Soyez juste et aussi patient avec vous-même. Ne pensez jamais que vous êtes dépourvu de l'aide d'amis réfléchis ; dans la mesure où vous resterez calme, positif et pur, viendront à vous la force et la vitalité permettant de vivre de façon théosophique et de servir de façon altruiste.

         La vraie panacée et prescription réelle dont vous avez besoin sera trouvée dans la 2ème partie du second chapitre de la B. Gîtâ. Vous y trouverez la méthode recommandée pour accomplir l'action ‑ qu'on la considère comme un devoir ou un sacrifice ‑ sans en chercher la récompense ; on y trouve une merveilleuse description de l'homme stable, et il y a plein de conseils pratiques dans tout ce qui est dit. On trouve des choses merveilleuses dans notre philosophie que, selon moi, vous n'aurez pas grande difficulté à découvrir. La difficulté arrive, en fait, en cherchant à faire ce qui doit être fait. Nous tous, nous possédons la connaissance mais ce qui nous manque, c'est la volonté de frapper fort et dur notre propre soi personnel.

         L'éveil supérieur n'accroît pas tant les faiblesses de la nature inférieure qu'il les révèle. Avec l'aide du supérieur, nous voyons ce que nous ne voyions pas ou ne suspections même pas auparavant. Nous savons, en général, que nous avons des faiblesses mais nous ne les connaissons pas, ni même ne leur donnons un nom. C'est la connaissance qui est le véritable éveilleur et, en balayant la poussière de nos illusions, elle fait ressortir avec précision nos possessions inférieures. Sur une spirale supérieure, quand nous commençons à appliquer les aspects plus profonds de la connaissance à nous-mêmes, l'inférieur se déchaîne furieusement, pour ainsi dire. La foi dans les Maîtres est l'ingrédient qui n'est pas seulement nécessaire : c'est la seule chose qui puisse sauver. Le renoncement supérieur, la véritable patience et la domination silencieuse et secrète de la passion prennent naissance par l'effet de notre foi dans les Maîtres, qui ne sont pas seulement nos Instructeurs en connaissance théorique mais qui ouvrent nos yeux d'une manière hautement pratique. H.P.B. a beaucoup souffert pour avoir rendu public le fait secret concernant Leur existence et le Sentier qui conduit à Eux. Pourquoi a-t-elle fait cela ? Elle s'est sacrifiée pour notre bien, pour ceux qui pourraient bénéficier de la connaissance sur les Maîtres et la Voie qui mène à Eux. Une foi soutenue amène à la connaissance occulte, cachée, et l'une et l'autre s'accroissent et s'approfondissent si nous conservons la juste attitude et soutenons celle-ci par un engagement persistant dans la pratique. Comme Brahmâ, nous devons créer la foi par la soi-connaissance et l'examen de conscience ‑ savoir ce qui est vrai en nous et augmenter notre foi en cela. Comme Vishnou, il nous faut maintenir la foi alerte et l'empêcher de mourir. Comme Shiva, nous devons changer intérieurement et rendre notre foi de plus en plus éclairée. De cette façon, nous croissons à l'intérieur du cœur. Puisque d'autres l'ont fait, cela devient moins difficile pour nous. Nous apercevons nos propres liens dans la chaîne Guruparampara.

 

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Avril 1961

[Entretenir le bon et beau côté de la vie ‑ persistance dans l'effort ‑ le complexe de culpabilité ‑ comment développer la confiance en soi ‑ "mémoire-méditation" ‑ première réflexion sur le Régent intérieur ‑ nécessité de la connaissance de la constitution septuple.]

         Nous devons apprendre à voir le bon et beau côté des êtres et des choses. Rien ne peut être parfait en ce monde et nous avons à bâtir notre propre perfection complète à partir d'une diversité de perfections mélangées à de grossières imperfections. Bien sûr, nous devons chercher le bon et le beau non seulement en ceux que nous aimons mais partout. Le chapitre 9 de la Bhagavad-Gîtâ qui porte sur le Râja yoga s'ouvre sur ces mots : "À toi qui écoutes sans esprit de critique..." Voilà qui est impératif pour la vie ésotérique. Qui se soucie de vos traits que vous appelez indésirables ? ‑ et dont vous ne devriez pas vous soucier vous-même. Eh bien ! oubliez vos faiblesses ! Et qui ne se sent pas hypocrite parfois ? Nos idéaux sont élevés, nos réalisations médiocres, relativement parlant. Nous devons poursuivre nos efforts, et nos idéaux eux-mêmes s'élèvent plus haut chaque fois. Tel est l'ordre du progrès. Vous-même, comme tous les autres, avez deux natures, mais vous n'êtes certainement pas le Docteur Jekyll et Mr. Hyde [1] .

         Ayons de la reconnaissance pour la consternation et pour une certaine mesure d'abattement. Ce sont là des signes qu'est proche le Vrai que nous aspirons à atteindre. Nous pouvons bien jeter à bas notre arc et nos flèches ‑ la Philosophie et ses nombreuses applications ‑ mais nous n'allons pas les abandonner, nous ne le devons pas. Nous pouvons bien ‑ et cela arrive souvent ‑ plier comme des roseaux, mais nous ne devons jamais casser.

         Les faiblesses ne laissent aucun vide quand elles s'en vont et nous ne nous sentons pas frustrés par leur départ ! C'est là une ligne de réflexion qu'il faut poursuivre.

         Comment nous laissons-nous aller à mal faire ? Eh bien ! l'histoire n'est-elle pas expliquée à la fin du 3e chapitre de la Gîtâ ? Le fondement de notre nature personnelle (pas toujours mauvaise), c'est le râjas qui colore la volonté même de vivre. Les inclinations de l'âme personnelle constituent un mouvement dans la séparativité. Sattva a le pouvoir d'unir, et c'est pour gagner cette force, ou ce mouvement, que nous nous donnons de la peine. Le rythme est aussi mouvement, mais les agitations désordonnées se sont évanouies ainsi que les caprices entêtés ; les discordes se trouvent synthétisées en accords harmonieux. Nous sommes capables de travailler longtemps et tard ; de cette façon, progressivement, la fatigue doit disparaître. N'est-ce pas là la façon dont travaillent les Maîtres ? Il arrive que les royaumes s'effondrent mais les vrais Rois n'en survivent pas moins avec un sourire, en construisant, construisant.

         Ce que vous dites de la nature inférieure est vrai ; l'animalisme donne naissance à un animal. Le sang circule dans le corps vivant, se coagule dans le cadavre. D'une façon correspondante, dans l'homme animal, la conscience morale n'est pas éveillée et les erreurs et bourdes vont et viennent, mais quand on pratique la discipline de l'examen de conscience à la lumière de la Philosophie du Vrai, nos côtés faibles et fragiles coagulent et se solidifient, et nous devenons capables, pour ainsi dire, de les objectiver. Ceci a rapport au phénomène du Gardien du Seuil. Les erreurs mentales et les péchés du mental exercent une terreur et constituent le véritable ennemi du néophyte. Ce que dit H.P.B. dans les "Transactions", est terrifiant si nous prenons ce point de vue. Les aspects métaphysiques et psychologiques sont tous deux également importants. Appliquez donc cela à ce que vous avez découvert concernant votre propre champ de bataille du mental et voilà pour vous un nouveau pas franchi dans la Vie Intérieure.

         Bien sûr, la nature inférieure est insidieuse ; "machination" est son autre nom. Tout commence avec la mortification de la nature mentale. Le mental est la base de la nature personnelle. L'ascèse mentale a besoin de connaissance et de l'étude, pour que "les douces brises de la sagesse de l'âme" balaient la poussière et la saleté. Les exercices physiques qui portent sur la nourriture, la respiration, etc... sont un piège et une tromperie, si on les considère comme causes ou points de départ ; vus comme effets naturels, ils ont leur valeur.

         Nombreux sont les exercices donnés pour permettre de séparer, ne serait-ce que pour quelques instants, notre mental de Kâma-Tanha [désir/soif de vivre] et pour le tourner vers un plus haut Manas-Tanha ‑ la volonté de vivre des idées supérieures. Nous avons à penser et à traduire notre pensée en langage silencieux. C'est un Être possédant une triple Lumière que le Soi ‑ le Guru intérieur, le Vrai Père, le Frère Aîné. Il crée, soutient et rénove [2] . C'est le Vrai, le Bon, le Beau. C'est toujours une Triade : métaphysiquement Âtma-Buddhi-Manas ‑ trois en Un et Un en trois. [Qu'on le considère comme] réalité individuelle ou neutre (He or It, en anglais)], c'est Celui qui réconforte, Lui l'asile et l'ami. En adoptant ces perspectives, vous pouvez prendre un départ. Ajoutez encore un fait : la Doctrine Secrète enseigne que l'Esprit est un et indivisible et que la Matière-Prakriti est divisible. Le Purusha Unique, dans le 1er véhicule de Prakriti,  est la Monade Éternelle Une, le Logos, le Verbe Ineffable, Îśhvara. De cet Îshvara, la Monade Éternelle, proviennent toutes les monades par le processus de l'émanation (voir le Glossaire Théosophique). Une concentration intense sur le Régent Intérieur n'est pas possible à présent. Nous devons commencer par une réflexion avec douceur, dans une posture relaxée.

         C'est la mission de la Théosophie d'éveiller l'Ego et de l'amener à noter les défauts de sa personnalité. Avez-vous réfléchi au rôle de Narada, le "Faiseur de méfaits" ? Également, veuillez noter que la Royaume des Cieux se prend par la violence. Jamais nous ne devrions même imaginer la possibilité d'abandonner le combat. "Tenez bon farouchement" dit Judge ; et aussi "Hâtez-vous, allez de l'avant". La paix du désert est une fiction. On y trouve une chaleur excessive, des tempêtes de sable etc... et tamas s'y exerce en abondance. Nous, dans les villes, sommes rajasiques mais il arrive de temps à autre que nous soyons attaqués par tamas. Nous aspirons à la paix et au repos de sattva et y accédons ‑ plus indirectement en Sushupti et un peu moins indirectement dans l'effort que nous consacrons à la méditation et au développement du calme et de la tranquillité. L'amour pour l'humanité ne suffit pas ; il nous force à poser la question ‑ pourquoi l'humanité souffre-t-elle ? Ceux qui ne sont pas très préoccupés par cette question n'aiment pas vraiment leurs semblables. La Mémoire-Méditation est nécessaire pour découvrir le lieu sûr pour l'Âme. Sans cela, on ne peut rendre un véritable service. Les Maîtres sont des Serviteurs parce qu'Ils possèdent compassion et sagesse.

         Les causes, ou plutôt la seule cause ayant amené au complexe d'infériorité à se développer en vous ‑ causes dont vous parlez dans votre lettre ‑ n'ont rien de difficile à comprendre. Notre psychologie orientale enseigne la grande doctrine de la confiance en soi et de l'interdépendance spirituelle, et le rejet de tout ce qui fait dépendre le soi animal de ses amis et compagnons particuliers, aussi animaux que lui dans leur nature, qui ont tendance à rabaisser notre estime de nous-mêmes. La Théosophie enseigne qu'il vaut mieux nous connaître dans notre nature intérieure, tels que nous sommes réellement, et non nous considérer comme un faisceau de complexes ‑ ce qui est la façon de comprendre la personnalité humaine que nous propose la psychologie orientale. Il est impératif que vous obteniez une conception philosophique bien claire de ce qu'est l'homme dans son entière constitution et dans sa double nature, avec son aspect supérieur et inférieur, ou, pour employer  des termes techniques, avec "une individualité spirituelle" et une "personnalité inférieure" faite de sa nature animale". La psychologie qu'offre la Théosophie pour comprendre la constitution de l'homme a deux côtés : métaphysique et moral. Il faudra que vous saisissiez cela si vous voulez vous aider vous-même de la bonne façon. Je vous suggérerais de lire attentivement le 4e chapitre de L'Océan de Théosophie et la section de La Clef de la Théosophie qui traite des principes humains ; tirez vos conclusions en ce qui concerne la constitution de l'homme, puis appliquez cette connaissance à votre propre constitution. Si vous n'éclaircissez pas ce qui fonde ce complexe d'infériorité et ses causes, vous découvrirez que, par l'effet du retour des impressions dues à la loi cyclique, ce complexe s'insinuera en vous de temps à autre, et vous rendra incapable de poursuivre l'étude que vous faites de la vie et l'ouvrage de votre vie que vous entreprenez.

 

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Mai 1961

 

[Le triangle : connaissance - dévotion - action ‑ la nature de la véritable étude ‑ la culture du cœur ‑ l'éveil de l'intuition ‑ la place de Judge dans l'approche de la Théosophie.]

 

         Pour œuvrer au bénéfice de l'humanité, la connaissance est de première nécessité. Sans connaissance, pas de pratique ; sans pratique, pas de service ; sans service, pas de connaissance. C'est une figure à trois côtés. Ne voir qu'un côté du triangle, en ignorant les autres, est chose presque universelle et la Philosophie Ésotérique propose la seule voie de traitement durable. Il faut comprendre correctement la constitution de l'homme si l'on veut surmonter ce défaut. Ajoutez à cela l'identité de l'homme avec le Macrocosme. L'homme, le petit cosmos, restera avec sa vision bancale des choses jusqu'à ce que chacun de ses membres se mette à agir comme les membres de l'Adam Kadmon, l'Homme Suprême. Beaucoup de l'application authentique de l'éthique ‑ l'Éthique Divine ‑ se trouve intimement lié à l'étude de l'Homme en tant qu'unité. C'est la raison pour laquelle La Clef et L'Océan consacrent tant de pages à l'étude de la constitution humaine.

         Sans la base d'une étude convenable, la vie ne peut être vécue. Ce manque d'étude est la vraie faiblesse de beaucoup de programmes de service social. La répétition du mantram Râm-nam [salutation à Râma] devient mécanique et dérisoire sans une étude mentale. Le développement de l'amour et de la compassion ne peut se faire. Et que dire du détachement ? Comment peut-on jamais accomplir l'action juste sans Vairâgya [détachement et contrôle des passions] ? Il en est de même parmi nos étudiants. Combien d'entre eux comprennent les aspects plus profonds de Karma ? Combien réfléchissent de cette façon : "ce n'est pas seulement ce que je mérite mais ce que je désire" ? Mais il faut se mettre à cultiver cette attitude.

         L'instruction théosophique reçue des autres, incluant ce qu'apportent les livres du message enregistré, cesse quand l'application de ce qui est acquis est défaillante. Le lien prânique ou vital entre l'étude et l'application n'est pas compris. Les gens mangent mais ne comprennent à peu près rien de la digestion et de l'élimination, encore moins de l'assimilation. Les propriétés des aliments en ce qui concerne les os, la chair, le sang, les nerfs et le cerveau, ne sont pas pleinement connues, même des médecins. Un docteur familier de l'occultisme donnerait-il à un patient souffrant de névrose de la nourriture carnée ? Il en est de même de la nourriture de l'aspect mental et moral. Nos gens lisent et écoutent, mais ils ne digèrent ni éliminent, ni assimilent, car ces trois processus ont à voir avec l'application. C'est pourquoi nous devons insister sur l'application. Il est bon qu'ils apprennent à citer les textes. Comme première étape, c'est nécessaire. Ils ne peuvent être vraiment moraux sans vraie connaissance.

         Je ne pense pas que vous trouverez très difficile de prendre les questions sur la plate-forme de la Loge. Ce qu'il vous faut, c'est de la connaissance théosophique de base : c'est ce que vous êtes en train d'acquérir en ce moment. Les vraies méthodes sont : a) l'étude, b) la prise de notes écrites et c) l'utilisation de la connaissance dans la correspondance, la conversation, sur la plate-forme ou par la voie de nos revues. Il existe une méthode ésotérique, ou occulte, toute contenue dans le mot "Application". Crosbie est un bon exemple de connaissance acquise principalement par l'application. Judge, quant à lui, a déclaré : "Par le canal de la Fraternité, nous recevons la connaissance des autres" et aussi "ce n'est pas un haut savoir qu'il faut mais seulement la dévotion pour l'humanité, la foi dans les Maîtres, dans le Soi Supérieur, une compréhension des vérités fondamentales de la Théosophie et un peu, seulement un peu d'efforts sincères pour présenter ces vérités fondamentales à des gens qui en ont désespérément besoin". Ainsi donc, n'ayez aucune crainte, mais simplement continuez d'étudier un peu, d'appliquer journellement et de faire ce qui vient à vous dans le sens du service théosophique. Quand vous avez à répondre aux questions, préparez-vous par l'étude nécessaire, mais laissez votre corps en repos et ayez un mental calme, frais et concentré. Le reste ‑ votre dévotion aux Saints Êtres Bénis ‑ l'apportera. Ils ne vous manqueront jamais si vous gardez votre cœur-mental recueilli, et votre dévotion impolluée par des vibrations personnelles.

         Étant donné que la Doctrine Secrète est destinée à être "le Manuel du 20e siècle" et que vous allez travailler pour ce siècle et le suivant, nous vous conseillerions de faire des compagnons quotidiens de ses deux volumes. Non seulement le livre apporte information et instruction mais il est écrit à dessein dans un style qui développe la faculté intuitive.

Vous demandez à être instruit en ce qui concerne votre étude théosophique. Pendant que vous faites cette étude de la Doctrine Secrète, qui permet au mental personnel de s'élever au niveau du Manas ou de l'Ego supérieur, vous n'en tirerez pas un plein bénéfice à moins d'ajouter à votre étude La Voix, La Lumière sur le Sentier, la Gîtâ et le Dhammapada. Métaphysique et Éthique sont les deux ailes que nous devons employer pour prendre notre essor. Il y a cependant une connexion entre les deux ailes et c'est ce qui est à découvrir dans les écrits de W.Q.Juge. Ses Lettres et articles sont des aides inestimables pour notre tâche. Ces écrits paraissent simples et autorisent une lecture facile. Mais vous découvrirez qu'ils jettent la lumière sur plus d'un passage d'Isis et de La Doctrine Secrète. La simplification apportée par Judge est destinée à notre Manas inférieur, mais elle a en elle le pouvoir de nous relier à Buddhi-Manas. Beaucoup d'étudiants de la Théosophie passent à côté de cet aspect de ces écrits de Judge. Ainsi donc, veuillez prendre note de ce point. Ensuite, vous découvrirez que, pour votre étude, Crosbie est un réel psychologue et qu'il a été capable de donner des explications aussi lucides parce qu'il a fait un plein usage des écrits de W.Q. Judge qu'il considérait comme son propre Chaînon le reliant au Monde des Maîtres.

         Cela vous aidera beaucoup pour modeler votre vie dans le présent ‑ ce qui comprend votre propre attitude mentale et votre conduite envers les êtres de votre milieu ‑ et vous tirerez force et énergie si vous vous mettez à lire soigneusement chaque matin La Voix du Silence et La Lumière sur le Sentier. Ces deux ouvrages sont spécialement destinés à ceux qui aspirent à la vie supérieure dans ce siècle et ce cycle, et comprendre La Lumière sur le Sentier, Par les Portes d'Or est d'une grande aide. Je ne recommande pas ces livres dans le but du service de la Grande Cause à laquelle vous êtes voué avec une telle pénétration et perception intérieure. Je recommande ces lectures chaque matin afin que vous puissiez vous préparer à rendre un service adéquat à cette Cause. L'énergie du cœur vient de la pratique et de l'application des enseignements dont regorgent ces deux livres. Ils sont plus destinés à la lecture et la réflexion individuelles, l'étude et la méditation individuelles. Ce qui est lu et appliqué apportera de doux fruits dans l'amélioration de votre propre caractère, et particulièrement dans l'approfondissement de votre pénétration dans le cœur des hommes et des choses. Et, bien sûr, pour l'étude intellectuelle, vous pourrez poursuivre avec Isis Dévoilée et la Doctrine Secrète à votre convenance et selon le temps dont vous pouvez disposer. Paix et pouvoir vont toujours ensemble ; aussi devez-vous pratiquer le calme intérieur pendant la période active de votre contact avec les autres, et de travail avec eux et pour eux. Je me réjouis que vous n'ayez pas trop d'engagements.

         Vous dites par ailleurs que vous ne vous sentez pas capable d'appliquer les grandes vérités. L'application vient toujours après l'étude, et on ne peut entreprendre la pratique à moins d'avoir bien maîtrisé la théorie. Une appréciation rapide des grandes idées, à la fois métaphysiques et morales, ne peut venir que d'une faculté supérieure à celle du mental raisonneur. La perception intuitive ne peut arriver que si, par l'étude, nous avons introduit dans notre mental les semences des principes métaphysiques et moraux. L'intuition a parfois été  comparée à la pluie qui tombe du ciel et fertilise le sol. Nous ne pouvons avoir d'intuition que si, dans le sol de notre conscience, des graines mentales ont été semées. La pluie qui tombe sur un désert de sable ou un terrain pierreux ne peut produire aucun résultat sous la forme de pousses ou d'arbres. Et même lorsque le sol est fertile, si des graines n'ont pas été semées, aucune quantité de pluie tombant sur ce sol ne produira la moisson escomptée. La fonction de l'étude et de la méditation est principalement de préparer le sol. Quand notre mental ou notre champ est débarrassé des mauvaises herbes, et bien préparé, les germes de l'étude mentale y sont semés et alors seulement nous pouvons attendre que la pluie fasse lever les graines. Ici, cependant, l'analogie s'arrête car faire tomber la pluie ne dépend pas seulement de la volonté de l'homme. Il y a des processus naturels qui amènent la pluie à tomber.

         Dans le processus psychologique décrit plus haut, il est possible pour le mental humain d'attirer à lui la pluie de l'intuition. Nous rassemblons des éléments de connaissance et les utilisons dans le monde ordinaire à l'aide de la logique et de la raison, avec, bien sûr, l'aide de ce que nous appelons ordinairement le bon sens. Mais la raison n'est pas capable de rassembler les vérités qui sont synthétiques et d'unifier les diverses branches de la connaissance. C'est pourquoi l'Occultisme et la Philosophie Ésotérique recommandent l'emploi d'une autre méthode d'étude qui est l'usage convenable de la loi de correspondances et d'analogie. Vous devez bien connaître l'exemple célèbre de Swedenborg qui utilisa la loi de correspondances. Mais notez que l'usage qu'il en fit s'est trouvé considérablement vicié en raison des fausses graines mentales provenant, chez lui, de la philosophie erronée de la vie qui était la sienne. Swedenborg était un mathématicien et un psychique, un savant et un super-sensitif ; cependant, en l'absence d'une connaissance convenable, il n'a pas réussi, bien qu'il ait saisi la faculté d'invoquer l'intuition par l'emploi des correspondances : l'usage qu'il a fait de l'analogie et des correspondances se rapportait à des vérités partielles, et même à des idées fausses. C'est pourquoi, dans votre étude, il vous faudra penser à la méditation en tenant compte de ces différents aspects.

 

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[1]    [Allusion à un ouvrage d'épouvante bien connu de R.L. Stevenson, mettant en scène un dédoublement       dramatique de personnalité dans le même homme.]

[2]    [À l'image de Brahmâ, Vishnou et Shiva.]

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Programme et activités du Groupe d'Etude Théosophique en Tarentaise

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