La signification de Théosophie
QUESTION — On parle souvent de la Théosophie et de ses doctrines comme d'une nouvelle religion à la mode. Est-ce une religion ?
LE THÉOSOPHE — Non, il n'en est rien. La Théosophie est la Connaissance ou Science Divine.
QUESTION — Quel est le vrai sens du terme ?
LE THÉOSOPHE — « Sagesse Divine », θεοσοφια (Theosophia) ou la Sagesse des dieux, comme θεογονια (theogonia) signifie la généalogie des dieux. En grec, le mot θεο Theos veut dire un dieu, l'un des êtres divins, certainement pas « Dieu » au sens qu'on donne aujourd'hui à ce mot. Par conséquent, ce n'est pas « Sagesse de Dieu » qu'il faut dire, ainsi que le traduisent certains, mais Sagesse Divine, telle que celle que possèdent les dieux. Le terme remonte à bien des milliers d'années.
QUESTION — Quelle est l'origine du nom ?
LE THÉOSOPHE — II nous vient de philosophes d'Alexandrie qui se sont appelés amants de la vérité, ou philalèthes, de φιλ (phil-) « qui aime », et αληθεια (alèthéia) « vérité ». Le mot Théosophie date du troisième siècle de notre ère et fit son apparition avec Ammonios Saccas et ses disciples qui fondèrent le système des théosophes éclectiques (1).
QUESTION — Quel était le but de ce système ?
LE THÉOSOPHE — avant tout d'inculquer certaines grandes vérités morales à ses disciples et à tous ceux qui étaient des « amants de la vérité ». D'où la devise adoptée par la Société Théosophique : « II n'y a pas de religion au-dessus de la vérité » (2). Le but principal des fondateurs de l'École Théosophique Éclectique était l'un des trois buts de la Société Théosophique son successeur moderne : réconcilier toutes les religions, sectes et nations dans un système éthique commun, basé sur des vérités éternelles.
QUESTION — Comment pouvez-vous démontrer que ce n'est pas là un rêve impossible, et que toutes les religions du monde sont effectivement basées sur une seule et même vérité ?
LE THÉOSOPHE — Nous le démontrons par l'analyse et l'étude comparée de ces religions. La « Religion-Sagesse » était Une dans l'antiquité, et l'identité de toutes les philosophies religieuses primitives nous est prouvée par les doctrines identiques enseignées aux Initiés au cours des mystères, institution autrefois universellement répandue. « Tous les anciens cultes révèlent l'existence d'une seule théosophie qui leur était antérieure. La clef qui en ouvre un, doit les ouvrir tous, ou ce n'est pas la vraie clef. » (A. Wilder, op. cit.)
Objectif de la Société Théosophique
QUESTION — Au temps d'Ammonios Saccas, il y avait plusieurs grandes religions anciennes et, ne fût-ce qu'en Égypte et en Palestine, les sectes étaient déjà très nombreuses. Comment a-t-il pu les réconcilier ?
LE THÉOSOPHE — En faisant ce que nous essayons de faire à présent. Les néo-platoniciens formaient un ensemble important, et appartenaient à diverses écoles de philosophie religieuse (3), comme c'est le cas pour nos théosophes. À cette époque, le Juif Aristobule affirmait que l'éthique d'Aristote représentait les enseignements ésotériques de la loi de Moïse ; Philon le Juif essayait de concilier le Pentateuque avec la philosophie pythagoricienne et platonicienne; et Josèphe prouvait que les Esséniens du Carmel n'étaient que les imitateurs et les continuateurs des Thérapeutes (ou guérisseurs) égyptiens. Il en est de même de nos jours. Nous pouvons indiquer la généalogie de chaque religion chrétienne, comme aussi de chaque secte, fût-ce la plus petite. Ces sectes sont les pousses ou rameaux mineurs issus des branches principales ; mais branches et rameaux proviennent tous du même tronc : la RELIGION-SAGESSE. Prouver cela fut le but d'Ammonios qui s'efforça d'amener les gentils et les chrétiens, les juifs et les idolâtres, à mettre de côté leurs disputes et leurs controverses, en se souvenant seulement qu'ils étaient tous en possession de la même vérité sous des parures diverses, et qu'ils étaient tous enfants d'une même mère (4) C'est aussi le but de la Théosophie.
QUESTION — Sur quelles autorités vous appuyez-vous pour avancer ce que vous dites des anciens théosophes d'Alexandrie ?
LE THÉOSOPHE — sur un très grand nombre d'auteurs bien connus ; l'un d'entre eux, Mosheim, déclare :
« Ammonios enseignait que la religion du peuple était étroitement liée à la philosophie et, comme celle-ci, elle s'était trouvée progressivement corrompue et obscurcie par des opinions purement humaines, des superstitions et des mensonges et qu'on devait lui restituer sa pureté originelle en la débarrassant de toutes ces scories et en l'expliquant selon des principes philosophiques ; selon lui, également, tout ce que le Christ avait eu en vue c'était de remettre à l'honneur et restaurer la Sagesse des anciens dans son intégrité primitive, de mettre des limites à l'extension universelle de la superstition, et, selon le cas, corriger ou déraciner les diverses erreurs qui s'étaient introduites dans les différentes religions populaires. »
Ici encore, c'est précisément ce que disent les théosophes modernes. Mais, tandis que le grand Philalèthe était soutenu et aidé dans son œuvre par deux Pères de l'Église, Clément et Athénagore, par les doctes rabbins de la Synagogue, par les philosophes de l'Académie et ceux du Jardin, et tandis que lui-même enseignait une commune doctrine pour tous, nous, qui le suivons dans cette même voie, non seulement nous ne sommes pas reconnus, mais, au contraire, nous sommes injuriés et persécutés. Cela prouve que les hommes étaient plus tolérants il y a quinze cents ans qu'ils ne le sont en notre siècle éclairé.
QUESTION — Ammonios était-il encouragé et soutenu par l'Église pour la raison que, malgré ses hérésies, il enseignait le christianisme, et était lui-même chrétien ?
LE THÉOSOPHE — Pas du tout. Il était né chrétien, mais il n'accepta jamais le christianisme de l'Église. Comme le dit à son propos le même auteur [A. Wilder paraphrasant Mosheim] :
« II n'eut qu'à exposer ses instructions en se conformant à celles des anciennes colonnes d'Hermès, que Platon et Pythagore avaient connues avant lui, et dont ils s'étaient inspirés pour élaborer leur philosophie. Trouvant les mêmes doctrines dans le prologue de l'Évangile selon St. Jean, il supposa très justement que le but de Jésus avait été de restaurer dans son intégrité primitive la grande doctrine de la sagesse. Il considérait que les récits de la Bible et les histoires des dieux devaient être des allégories visant à illustrer la vérité, ou bien de simples fables que l'on devait rejeter. »
Et comme on peut le lire dans The Edinburgh Encyclopaedia :
« II reconnut que Jésus-Christ était un homme excellent et " l'ami de Dieu ", mais il prétendit que son dessein n'était pas d'abolir entièrement le culte des démons (c'est-à-dire des dieux), et qu'il se proposait seulement de purifier l'ancienne religion. »
La Religion-Sagesse ésotérique à travers les âges
QUESTION — Puisque Ammonios n'a jamais rien écrit, comment peut-on être certain que telles étaient ses doctrines ?
LE THÉOSOPHE — Ni le Bouddha, ni Pythagore, niConfucius, ni Orphée, ni Socrate, ni même Jésus n'ont rien laissé par écrit. Néanmoins, la plupart d'entre eux sont des personnages historiques, et leurs doctrines sont toutes parvenues jusqu'à nous. Ce sont les disciples d'Ammonios (parmi lesquels se trouvaient Origène et Hérennius) qui ont écrit des traités et expliqué l'éthique de leur maître. Ces traités sont certainement aussi historiques, sinon plus, que les écrits des Apôtres. De plus, ses élèves, Origène, Plotin et Longin (qui fut conseiller de la fameuse reine Zénobie) ont tous laissé par écrit de volumineux témoignages sur le système des Philalèthes, au moins dans la mesure où leur profession de foi était connue publiquement, car l'École avait, outre ses doctrines exotériques, des doctrines ésotériques.
QUESTION — Comment ces dernières nous sont-elles parvenues puisque vous avancez que ce qui s'appelle en propre la RELIGION-SAGESSE était ésotérique ?
LE THÉOSOPHE — La RELIGION-SAGESSE a toujours été une et, comme elle est le dernier mot de toute connaissance humaine possible, elle a été soigneusement préservée. Elle existait depuis de longs âges avant les théosophes alexandrins, elle s'est perpétuée jusqu'à nos jours et elle survivra à toute autre religion et philosophie.
QUESTION — Où a-t-elle été ainsi préservée et par qui ?
LE THÉOSOPHE — Dans le cercle des Initiés de tous les pays : parmi les profonds chercheurs de la vérité — leurs disciples — et dans les parties du monde où de tels sujets ont toujours été appréciés par-dessus tout et approfondis : en Inde, en Asie Centrale et en Perse.
QUESTION — Pouvez-vous me donner des preuves de son ésotérisme ?
LE THÉOSOPHE — La meilleure preuve que vous puissiez en avoir se trouve dans le fait que, dans l'Antiquité, tout culte religieux — ou plutôt philosophique — comprenait un enseignement ésotérique, ou secret, et un culte exotérique (ou extérieur et public). De plus, c'est un fait bien connu que les mystères des anciens se divisaient, dans toutes les nations, en mystères « Majeurs » (secrets), et en mystères « Mineurs » (publics), comme par exemple, dans les célèbres solennités appelées Éleusinies en Grèce. Depuis les hiérophantes de Samothrace ou d'Égypte, et les brâhmanes initiés de l'Inde antique jusqu'aux rabbins hébreux, tous, par crainte de profanation, tenaient secrètes leurs véritables croyances. Les rabbins juifs donnaient à leur théorie religieuse séculière le nom de Merkavah (ou corps extérieur), c'est-à-dire le « véhicule », ou l'enveloppe, qui contient l'âme cachée, en d'autres termes, la connaissance secrète la plus élevée de ces rabbins. Jamais, dans aucune nation de l'antiquité, les prêtres n'ont dévoilé aux masses les vrais secrets philosophiques : ils ne leur en ont livré que l'enveloppe extérieure. Le bouddhisme du Nord a ses véhicules, « majeur » et « mineur », connus sous le nom de Mahâyâna (l'École ésotérique) et de Hînayâna (l'École exotérique). On ne saurait les blâmer pour ces secrets, car vous n'auriez pas l'idée de donner en pâture à vos moutons de doctes dissertations sur la botanique au lieu de l'herbe qui leur convient. Pythagore appelait sa Gnose « la connaissance des choses qui sont » η γνωσις των οντων ; il la réservait à ses seuls disciples assermentés, qui pouvaient assimiler une telle nourriture mentale et s'en satisfaire ; et il les tenait au silence et au secret par un serment. Les alphabets occultes et les codes chiffrés secrets dérivent des anciennes écritures hiératiques égyptiennes, dont la clef était jadis en la seule possession des hiérogrammatistes, ou prêtres initiés égyptiens. Comme nous le disent ses biographes, Ammonios Saccas liait ses disciples par le serment de ne jamais divulguer ses doctrines supérieures, sauf à ceux qui avaient déjà été instruits dans la connaissance préliminaire et qui s'étaient aussi engagés par serment. Enfin, ne trouve-t-on pas la même distinction entre doctrines secrètes et doctrines publiques dans le christianisme primitif, chez les gnostiques, et même dans les enseignements du Christ ? Jésus ne parlait-il pas à la multitude avec des paraboles à double sens et n'en réservait-il pas l'explication cachée à ses seuls disciples ? II leur disait : « À vous il est donné de connaître le mystère du royaume de Dieu, mais à ceux-là, qui sont dehors, tout arrive en paraboles. » (Marc, 4, 11). « Les Esséniens de Judée et du Carmel faisaient de semblables distinctions en divisant leurs membres en néophytes, frères, et parfaits, ou initiés » (A. Wilder, op. cit.). On pourrait citer des exemples similaires dans tous les pays.
QUESTION — Peut-on atteindre la « Sagesse Secrète » par l'étude seule ? Les encyclopédies définissent la théosophie à peu près comme le fait le Dictionnaire de Webster, « une prétendue communication avec Dieu et des esprits supérieurs, assortie, en conséquence, de l'acquisition d'une connaissance surhumaine, par des moyens physiques et des procédés chimiques ». Est-ce exact ?
LE THÉOSOPHE — Je pense que non. Et il n'existe pas de lexicographe qui puisse expliquer, à lui-même ou aux autres, comment on pourrait obtenir une connaissance surhumaine par des procédés physiques ou chimiques. Si Webster avait dit « par des procédés métaphysiques et alchimiques », sa définition aurait été à peu près correcte ; mais telle qu'elle se présente elle est absurde. Les anciens théosophes affirmaient, comme le font les modernes, que l'infini ne peut être connu par le fini, c'est-à-dire perçu par le Soi fini, mais que l'essence divine peut être communiquée au Soi Spirituel supérieur dans un état d'extase. Cet état ne peut guère être atteint, à la différence de l'hypnose, par des « moyens physiques et chimiques ».
QUESTION — Quelle explication donnez-vous de l'extase ?
LE THÉOSOPHE — Selon la définition de Plotin, la véritable extase est « l'état dans lequel le mental est libéré de sa conscience finie, et communie avec l'infini en s'identifiant à lui ». C'est, dit le professeur Wilder, la plus haute condition que l'homme puisse atteindre, mais elle ne dure pas d'une façon permanente, et seuls peuvent y parvenir un très, très petit nombre d'individus. En effet, cet état est identique à celui que l'on connaît dans l'Inde sous le nom de samâdhi. Ce dernier est pratiqué par les yogis, qui le favorisent physiquement par la plus grande abstinence possible de nourriture et de boisson, et mentalement par un effort incessant de purification et d'élévation de la pensée. La méditation est la prière silencieuse non exprimée, définie par Platon comme « l'aspiration ardente de l'âme vers le divin ; non pour demander un bien particulier (selon la signification communément attribuée à la prière), mais pour le bien lui-même — le Bien Suprême universel dont nous sommes tous un fragment sur terre, et dont l'essence est la source d'où nous sommes tous issu ». C'est pourquoi, ajoute Platon : « reste silencieux en présence des êtres divins, jusqu'à ce qu'ils dissipent les nuages de tes yeux et te rendent capable de voir, à la faveur de la lumière qui émane d'eux-mêmes, non pas ce qui te semble bon à toi, mais ce qui est intrinsèquement bon » (5).
QUESTION — La Théosophie n'est donc pas, comme certains le prétendent un système nouvellement inventé ?
LE THÉOSOPHE — Les ignorants seuls peuvent le dire. Elle est aussi vieille que le monde, sinon par son nom, du moins par ses enseignements et son éthique, comme elle est également le système le plus large et plus catholique de tous.
QUESTION — Comment se fait-il alors que la Théosophie soit restée à ce point inconnue des nations de l'hémisphère occidental ? Pourquoi serait-elle restée un livre scellé pour des races qui, de l'aveu de tout le monde, sont les plus cultivées et les plus avancées ?
LE THÉOSOPHE — Nous croyons qu'il y avait jadis des nations aussi cultivées, et certainement plus « avancées » spirituellement que nous le sommes. Mais il y a plusieurs raisons à cette ignorance délibérée. Saint Paul en fournit une aux Athéniens cultivés, en évoquant la perte, durant de longs siècles, de toute véritable intuition spirituelle et même de tout intérêt pour les choses de l'esprit, à cause d'une préoccupation trop exclusive pour les choses des sens et d'un long esclavage sous le joug de la lettre morte des dogmes et des rites. Mais la raison essentielle tient à ce que la véritable Théosophie a toujours été tenue secrète.
QUESTION — Vous nous avez fourni des preuves de l'existence du secret gardé autour de ces doctrines, mais pourquoi ce secret, en vérité ?
LE THÉOSOPHE — Les causes en étaient les suivantes : Premièrement, la perversité de la nature humaine, en général, et son égoïsme, poussant toujours les hommes ordinaires à la satisfaction de leurs désirs personnels, au détriment de leurs semblables et de leurs proches, il était impossible de jamais confier des secrets divins à de tels individus. Deuxièmement, on ne pouvait pas non plus se fier à eux pour préserver de l'avilissement la connaissance sacrée et divine. C'est cette dernière cause qui fut d'ailleurs à l'origine de la perversion des vérités et des symboles les plus sublimes, comme aussi de la transformation progressive des choses spirituelles en de grossières représentations anthropomorphes et concrètes ; c'est elle, en d'autres termes, qui a conduit à rapetisser l'idée du divin et ouvert la porte à l'idolâtrie. (…)
Notes :
(1) Ils ont aussi été appelés des analogistes. Comme l'explique le prof. Alexander Wilder (membre de la Société Théosophique) dans son « Eclectic Philosophy » [La « Philosophie Éclectique », texte inclus dans New Platonism and Alchemy, Albany, N.Y. Weed, Parsons and Company, 1869 (N.d.T.)], on a désigné ainsi ces philosophes par suite de leur coutume d'interpréter tous les contes et légendes sacrés, aussi bien que les mythes et mystères, d'après une règle ou un principe d'analogie et de correspondance, de sorte que les événements relatés comme s'étant passés dans le monde extérieur étaient considérés comme représentant des opérations et des expériences de l'âme humaine. On les a appelés aussi néo-platoniciens. Bien qu'on situe ordinairement la Théosophie ou le système théosophique éclectique au troisième siècle, il faut en faire remonter l'origine à une époque beaucoup plus reculée s'il faut en croire Diogène Laërce qui attribue le système à un prêtre égyptien Pot-amon qui vécut au commencement de la dynastie des Ptolémées. Le même auteur nous dit que le nom est copte et signifie un être consacré à Amon, Dieu de la Sagesse. Le mot Théosophie est l'équivalent du sanskrit Brahma Vidyâ, connaissance divine.
(2) La Théosophie éclectique comprenait trois aspects : 1° la croyance en une Divinité — ou essence infinie — absolue, inconcevable et suprême, racine de toute la nature, et de tout ce qui est, visible et invisible. 2° La croyance à la nature immortelle et éternelle de l'homme car celle-ci, étant un rayon issu de l'Âme Universelle, était considérée nécessairement comme d'essence identique à sa source. 3° La théurgie, ou « opération divine », ou production d'une oeuvre de dieux, d'après les mots : théos « dieu », et ergon « acte » ou « œuvre ». Le terme est très ancien, mais, appartenant au vocabulaire des mystères, il n'était pas d'usage courant. Selon une croyance mystique — prouvée en pratique par les adeptes et les prêtres initiés — l'homme pouvait, en se rendant aussi pur que les êtres incorporels, c'est-à-dire en retournant à la pureté de sa nature originelle, amener les dieux à lui communiquer des Mystères divins, et même à se les rendre parfois visibles, soit subjectivement, soit objectivement. C'était l'aspect transcendant de ce que l'on appelle maintenant le « spiritisme » ; mais, la foule n'ayant pas compris la théurgie et en ayant abusé, certains en vinrent même à la tenir pour de la nécromancie, et elle fut presque partout interdite. La magie cérémonielle de certains cabalistes modernes n'est qu'un écho travesti de la théurgie de Jamblique. La Théosophie moderne évite et rejette ces deux sortes de magie et de « nécromancie » qu'elle considère comme très dangereuses. La théurgie divine authentique exige une pureté et une sainteté de vie presque surhumaines ; sinon elle dégénère en médiumnité ou en magie noire. Les premiers disciples d'Ammonios Saccas (qui fut appelé théodidaktos « instruit par la divinité », tels Plotin et son successeur Porphyre, rejetèrent d'abord la théurgie, mais ils furent finalement amenés à l'admettre grâce à Jamblique qui écrivit un livre à cet effet (connu sous le titre De Mysteriis) qu'il présenta sous le nom de son propre maître, un fameux prêtre égyptien, Abammon. Ammonios Saccas était né de parents chrétiens, mais comme la spiritualité dogmatique du christianisme l'avait rebuté dès son enfance, il devint néo-platonicien et on a dit de lui, comme de Jacob Boehme, et d'autres grands voyants et mystiques, que la sagesse divine lui avait été révélée en songe et par des visions. D'où son surnom de théodidaktos. Il résolut de réconcilier tous les systèmes religieux et, en démontrant l'identité de leur origine, d'établir une seule croyance universelle basée sur l'éthique. Sa vie fut si irréprochable et si pure, son savoir si profond et si vaste, que plusieurs Pères de l'Église furent secrètement ses disciples. Clément d'Alexandrie parle de lui avec une haute considération. Plotin, le « saint Jean » d'Ammonios, homme de la plus haute probité et de la plus profonde érudition, fut aussi universellement respecté et estimé. À l'âge de trente-neuf ans, il accompagna l'empereur romain Gordien et son armée en Orient, afin d'y être instruit par les sages de la Bactriane et de l'Inde. Il fonda une École de philosophie à Rome. Son disciple Porphyre, Juif hellénisé dont le vrai nom était Malchus (Malek), rassembla toutes les œuvres de son maître ; il fut lui-même un auteur célèbre et donna une interprétation allégorique de certaines parties des œuvres d'Homère. Le système de méditation en usage chez les philalèthes fut l'extase, système qui s'apparente à la pratique indienne du yoga. Tout ce que l'on connaît de cette École Éclectique est dû à Origène, Longin et Plotin, disciples directs d'Ammonios. (Voir A. Wilder, op. cit.)
(3) Ce fut sous Philadelphe que le judaïsme s'établit à Alexandrie, et, tout de suite, les maîtres de l'hellénisme devinrent de dangereux rivaux du Collège des Rabbis de Babylone. Comme le remarque très judicieusement le professeur Alexander Wilder :
« À cette époque, on trouvait exposés en même temps les philosophies de la Grèce et les systèmes bouddhique, védantin et mazdéen? Il n'y avait rien d'étonnant à ce que des hommes réfléchis en soient venus à penser que les querelles verbales dussent cesser, et qu'ils aient admis la possibilité de tirer de ces diverses doctrines un seul système harmonieux (...) Pantène, athénagore et Clément étaient parfaitement instruits de la phlosophie platonicienne et avaient bien compris son unité essentielle avec les systèmes orientaux. »
(4) Voici ce que dit l'historien Mosheim à propos d'Ammonios : « Réalisant que non seulement les philosophes de la Grèce, mais aussi tous ceux des diverses nations barbares s'accordaient parfaitement sur tous les points essentiels, il se fixa pour but de présenter les mille doctrines de ces différentes sectes, de manière à démontrer qu'ayant toutes une seule et même origine elles tendaient toutes à une seule et même fin. » Si l'auteur qui traite d'Ammonios dans The Edinburgh Encyclopaedia sait bien ce dont il parle, c'est précisément les théosophes modernes qu'il décrit, avec leurs convictions et leur œuvre, lorsqu'il fait le commentaire suivant, au sujet du théodidaktos :
« II adopta les doctrines admises en Égypte (les doctrines ésotériques étant celles de l'Inde) concernant, d'une part, l'univers et la Divinité, considérés comme formant un grand tout et, d'autre part, celles concernant l'éternité du monde (...) il établit un système de discipline morale qui laissait le peuple en général libre de vivre selon les lois de son pays et les injonctions de la Nature, mais qui exigeait du sage l'exaltation de la pensée par la contemplation. »
(5) C'est ce que le savant auteur de l'ouvrage plusieurs fois cité, le professeur A. Wilder, décrit sous le nom de « photographie spirituelle » :
« L'âme est la chambre noire dans laquelle sont également fixés les faits et les événements à la fois futurs, passés et présents ; et le mental en prend conscience. Au-delà de notre monde journalier et limité, tout est comme un seul jour, ou un seul état, où le passé et l'avenir sont compris dans le présent (...). La mort est l'ultime extase sur terre. Alors l'âme est libérée de la contrainte du corps et sa partie la plus noble s'unit à la nature supérieure et partage la sagesse et la prescience des êtres supérieurs »
La vraie Théosophie est, pour les mystiques, cet état que décrit Apollonius de Tyane en ces termes :
« Je peux voir le présent et l'avenir comme en un clair miroir. Le sage n'a pas à attendre les vapeurs de la terre ni la corruption de l'air pour prévoir les événements (...). Les théoi, ou dieux, voient l'avenir ; les hommes ordinaires, le présent ; les sages, ce qui est sur le point de se produire ». « La Théosophie des Sages » dont il parle est très bien traduite par l'expression; « Le Royaume de Dieu est au-dedans de nous »
(La Clef de la Théosophie, p. 15-26)
Qu’est-ce que la Théosophie ?
Pour donner une définition complète de la Théosophie, nous devons l'envisager sous tous ses aspects. Il est des êtres pour qui le monde intérieur n'est pas enveloppé d'une obscurité impénétrable. Grâce à cette intuition supérieure acquise par la Theosophia, ou connaissance de Dieu, qui conduit le mental du monde de la forme dans celui de l'esprit sans forme, certains hommes ont pu, de tout temps et dans tous les pays, percevoir les choses du domaine intérieur ou invisible. C'est ce qui explique le « Samadhi » ou le Dyan Yog Samadhi des ascètes hindous ; le « Daimonionphoti » ou l'illumination spirituelle des Néo-Platoniciens ; la « confabulation sidérale des âmes » des Rose-Croix ou des philosophes du Feu ; et même l'extase des mystiques et des mesméristes ou des spirites modernes ; tous ces états sont identiques en nature, quoique variés dans leurs manifestations. La recherche du « soi » divin de l'homme, si souvent considérée à tort comme la communion individuelle avec un Dieu personnel, était le but de tout mystique, et la croyance en sa possibilité semble remonter à la genèse de l'humanité, bien que chaque peuple lui ait donné un nom différent. Ainsi Platon et Plotin appellent « œuvre Noétique », ce qui est défini comme Vidya dans les Yogas et le Shrotriyas. « Par la méditation, la connaissance de soi-même et la discipline intellectuelle, l'âme peut s'élever à la vision de la vérité, de la bonté et de la beauté éternelles ― c'est-à-dire la Vision de Dieu ― ou à l'epopteia », comme disaient les Grecs. « L'union de l'âme individuelle à l'Ame Universelle », disait Porphyre, « n'exige qu'un esprit parfaitement pur. Par la contemplation du soi, la chasteté parfaite, et la pureté du corps, l'homme peut s'en approcher, et recevoir dans cet état la vraie connaissance et l'illumination profonde ». Et le Swami Dayanund Saraswati, qui n'a lu ni Porphyre ni les ouvrages d'autres auteurs grecs, mais qui est un parfait érudit en science védique, dit dans son Véda Bhashya. (opasna prakaru ank, 9) : « Pour atteindre Diksha (la plus haute initiation) et Yog, il faut agir conformément aux règles... L'âme peut, dans le corps humain, accomplir les plus grandes merveilles, si elle acquiert la connaissance de l'Esprit Universel (ou Dieu), et si elle se familiarise avec les propriétés et qualités (occultes) de tout ce qui existe dans l'univers. Un être humain (un Dikshit ou initié) peut ainsi acquérir le, pouvoir de voir et d'entendre à grandes distances ». Enfin, Alfred R. Wallace, membre de la Société Royale d'Angleterre, spirite et cependant sans conteste, un grand naturaliste, avoue avec une courageuse franchise : C'est l'esprit seul qui sent, perçoit et pense, qui acquiert la connaissance, raisonne et aspire... il n'est pas rare de rencontrer des individus constitués de telle sorte que l'esprit peut percevoir indépendamment des organes corporels des sens, ou quitter totalement ou partiellement le corps pour un moment, et y revenir... L'esprit... communique plus aisément avec l'esprit qu'avec la matière ». Nous voyons ainsi pourquoi plus de vingt millions d'individus croient aujourd'hui, sous une forme différente, en ces mêmes pouvoirs spirituels auxquels croyaient les Yogis et les Pythagoriciens, il y a près de 3.000 ans; et cela, bien que des milliers d'années se soient écoulées entre l'époque des Gymnosophes (1) et notre période de haute civilisation, en dépit de la lumière que cette dernière répand ou peut-être précisément grâce à la clarté rayonnante qu'elle jette sur les domaines psychologiques et physiques de la nature. Tandis que le mystique aryen prétend posséder le pouvoir de résoudre tous les problèmes de la vie et de la mort, dès qu'il acquiert la faculté d'agir indépendamment du corps, en Atman ― le « soi » ou « l'âme » ; tandis que les anciens Grecs allaient à la recherche d'Atmu, Celui qui est caché, ou l'Ame-Dieu de l'homme, à l'aide du miroir symbolique des mystères des Thesmophories ; les spirites modernes, de leur côté, croient que les esprits ou âmes des désincarnés, ont la faculté de communiquer d'une façon visible et tangible avec ceux qu'ils ont aimés sur terre. Et cette possibilité, les Yogis aryens, les philosophes grecs et les spirites modernes l'affirment en partant de ce principe que l'âme incarnée et son esprit qui ne s'incarne jamais, le soi réel, ne sont séparés ni de l'Ame Universelle, ni des autres esprits par l'espace, mais uniquement par la différenciation de leurs qualités, car, dans l'étendue sans borne de l'univers, il ne peut y avoir de limitation. Ainsi donc, lorsque cette différence est supprimée, selon les Grecs et les Aryens, par la contemplation abstraite, produisant la libération temporaire de l'Ame emprisonnée et selon les spirites, par la médiumnité, une telle union entre esprits incarnés et esprits désincarnés devient possible. Ce fut ainsi que les Yogis de Patanjali, et les Plotin, Porphyre, et autres Néo-Platoniciens qui suivirent leurs traces, prétendirent s'être unis à Dieu, ou plutôt s'être complètement identifiés avec Lui, plusieurs fois durant leur vie, au cours de leurs moments d'extase. Cette idée, pour erronée qu'elle paraisse lorsqu'on l'applique à l'Esprit Universel, a été soutenue par trop de grands philosophes, et l'est encore de nos jours, pour qu'on la rejette comme entièrement chimérique. Chez les Theodidaktoi, la seule critique possible, le seul point noir de cette philosophie de mysticisme extrême, c'est de vouloir inclure dans les perceptions sensorielles, ce qui n'est qu'une simple illumination extatique. Chez les Yogis, qui prétendaient pouvoir contempler Ishvara « face à face », cette prétention fut réduite à néant par la stricte logique des disciples de Kapila. Quant à la prétention identique formulée par leurs successeurs grecs, par la longue série de mystiques chrétiens, et enfin, par les deux derniers prétendants à la « vision de Dieu », au cours de ces derniers siècles : Jacob Böhme et Swedenborg, cette prétention aurait pu, et aurait dû être étudiée d'une façon philosophique et logique, si quelques grands hommes de science qui sont spirites, s'étaient plus attachés à la philosophie qu'au simple côté phénoménal du spiritisme.
Les Théosophes d'Alexandrie étaient divisés en néophytes, initiés et maîtres ou hiérophantes, et leurs règles étaient copiées sur celles des anciens Mystères d'Orphée, qui, selon Hérodote, les avait rapportées de l'Inde. Ammonius obligeait ses disciples à faire le serment de ne pas dévoiler ses doctrines supérieures, sauf à ceux qui s'en étaient montrés tout à fait dignes, et qui avaient appris à considérer les dieux, les anges et les démons des autres peuples, selon l'hyponia ésotérique, ou « sens caché ». « Les dieux existent, mais ils ne sont pas ce que les hoi polloi, la multitude ignorante suppose », dit Epicure. « Ce n'est pas celui qui nie l'existence des dieux adorés par la multitude qui est athée, mais bien celui qui attache à ces dieux le sens que leur accorde la multitude ». A son tour, Aristote déclare que « ce qu'on nomme les dieux, ne sont que les premiers principes de l'Essence Divine qui pénètre tout l'univers de la nature ».
Plotin, l'élève d'Ammonius ― « l'instruit de Dieu », nous dit que la gnose secrète ou la connaissance de la Théosophie, a trois degrés : l'opinion, la science et l'illumination. « Le moyen d'atteindre la première, ou l'instrument pour l'acquérir, c'est la sensation ou la perception ; pour atteindre la seconde, c'est la dialectique ; pour la troisième, c'est l'intuition. La raison est subordonnée à cette dernière, car l'intuition est la connaissance absolue, fondée sur l'identification du mental avec l'objet connu». La Théosophie est, pourrait-on dire, la science exacte de la psychologie ; par rapport à la médiumnité naturelle et inculte, elle est ce qu'est la connaissance d'un Tyndall comparée aux notions de physique d'un écolier. Elle développe en l'homme une vision directe; ce que Schelling dénomme « une réalisation de l'identité entre le sujet et l'objet dans l'individu » ; de telle sorte que, sous l'influence et grâce à la connaissance d'Hyponia, l'homme nourrit des pensées divines, voit toutes les choses comme elles sont en réalité, et finit par « devenir le réceptacle de l'Ame du Monde », pour employer une des plus belles expressions d'Emerson. « Moi, l'imparfait, j'adore le Parfait, qui est moi-même », dit-il dans son superbe Essai sur la Sur-Ame. En plus de cette psychologie ou étude des états d'âme, la Théosophie cultivait toutes les branches scientifiques et artistiques. Elle connaissait parfaitement ce que nous appelons communément de nos jours, le mesmérisme. Les Théosophes rejetaient la théurgie pratique ou « magie cérémonielle », à laquelle le clergé Catholique Romain a si souvent recours dans ses exorcismes. Jamblique, seul, surpassant les autres Eclectiques, ajouta la doctrine de la Théurgie à la Théosophie. L'homme, ignorant de la véritable signification des symboles divins ésotériques de la nature, est susceptible de confondre les pouvoirs de l'âme et d'attirer à lui les forces sombres et mauvaises qui rôdent autour de l'humanité ― créations sinistres et tenaces des crimes et des vices humains ― au lieu de communier spirituellement et mentalement avec les êtres célestes supérieurs, avec les bons esprits (les dieux des théurgistes de l'Ecole Platonicienne) ; il peut tomber ainsi de la theurgia (magie blanche) dans la Gœtia (magie noire ou sorcellerie). Et cependant, ni la magie blanche, ni la magie noire ne sont ce que la superstition populaire entend par ces termes. La possibilité « d'évoquer les esprits » selon la clef de Salomon, est le comble de la superstition et de l'ignorance. La pureté dans les actes et les pensées peut seule nous mettre en rapport « avec les dieux » et nous conduire au but que nous désirons atteindre. L'alchimie, que beaucoup pensent avoir été une philosophie spirituelle comme aussi une science physique, appartenait aux enseignements de l'école théosophique.
C'est un fait bien connu que ni Zoroastre, ni Bouddha, ni Orphée, ni Pythagore, ni Confucius, ni Socrate, ni Ammonius Saccas, n'ont laissé d'écrits. La raison en est évidente. La Théosophie est une arme à double tranchant, dangereuse pour l'ignorant et l'égoïste. Comme toute philosophie antique, elle a ses fidèles parmi les modernes, mais jusqu'à une époque récente, ses disciples étaient très peu nombreux et appartenaient aux sectes et aux opinions les plus variées. « Entièrement spéculative, ne créant pas d'école, la Théosophie a cependant exercé une influence silencieuse sur la philosophie ; et sans aucun doute, le moment viendra où ces idées, répandues dans le silence, donneront une orientation nouvelle à la pensée humaine », remarque M. Kenneth R.-H. Mackenzie, lui-même un mystique et un Théosophe, dans son important ouvrage The Royal Masonic Cyclopaedia (articles Theosophical Society of New York, et Theosophy, p. 731) (2).
Note :
(1) La réalité du pouvoir-Yog a été affirmée par de nombreux écrivains grecs et romains qui ont appelé gymnosophes les Yogis Indiens ; on peut citer, entre autres : Strabon, Lucain, Plutarque, Cicéron (Tusculanes), Pline (VII, 2), etc...
(2) The Royal Masonic Cyclopaedia of History, Rites, Symbolism, and Biography. Edité par Kenneth R. H. mackenzie IXe,(Cryptonymus) , New-York,J.-W. Bouton, 706, Broadway, 1877.
(Qu’est-ce que la Théosophie (C.T. 7))
La Théosophie propose-t-elle une discipline ?
Est-ce que le végétarisme est nécessaire pour vivre la vie spirituelle ? Quelle est la réponse de la Théosophie ? – « Pas du tout ». D’abord, la Théosophie étant une philosophie et une science universelle, n’impose jamais les règles strictes et précises d’une façon arbitraire à ses étudiants et ses disciples. Si l’évolution de l’âme n’était qu’une question de végétarisme, si c’était aussi simple que cela, il y aurait beaucoup plus d’Adeptes spirituels dans le monde. Et n’oubliez pas que tous les chevaux et toutes les vaches sont des végétariens !
Quoique vous puissiez lire dans les livres soi-disant théosophiques, c'est-à-dire, dans la littérature pseudo-théosophique, vous ne trouverez pas dans les livres vraiment théosophiques l’injonction formelle de devenir végétarien. Mais ne vous trompez pas et n’allez pas croire que le conférencier mange de la viande. Le conférencier était végétarien pour des raisons scientifiques, hygiéniques et morales, bien avant de venir à la Théosophie. Examinez la question et quand vous serez convaincu que le végétarisme est meilleur, alors adoptez cette pratique. Ne commencez pas à l’envers en adoptant des pratiques physiologiques et ensuite ne vous croyez pas supérieurs au commun des mortels. C’est une conception absolument fausse, et comme nous le dit Madame Blavatsky dans La Clef de la Théosophie, les pratiques physiologiques sont bien moins importantes que ce qu’un homme sent. Inquiétons-nous de nos pensées et de nos sentiments d’abord, et quand il y aura un peu de pureté dans notre mental et dans nos émotions, alors seulement devons-nous penser à des règles ascétiques dans notre vie extérieure. Commencez en dedans de vous-mêmes. Corrigez l’homme intérieur et ne croyez pas que seules des coutumes physiques et des pratiques extérieures peuvent donner la spiritualité ou la lumière. L’évolution s’accomplit du dedans au dehors, et à moins que nous ne nous énergisions nous-mêmes et que nous comprenions ce que nous essayons de faire, il vaut mieux laissez TOUTES pratiques et coutumes de côté. Il y a beaucoup de malentendus : la vie éthique et morale est confondue avec la question de régime et d’alimentation. Nous devrions essayer de supprimer cette fausse notion et de libérer les hommes des chaînes de ces conceptions erronées. On peut manger de la viande et cependant être spirituel.
Que pouvons-nous dire sur les boissons alcooliques et le tabac ? La Théosophie dit que toute boisson alcoolique est nuisible et elle donne certaines raisons scientifiques bien définies. Elle dit aussi, étudiez d’abord la question, considérez les propositions que l’on vous présente et alors vous verrez par vous-mêmes pourquoi vous devez abandonner l’alcool si vous voulez avoir de plus haute pensées, si vous voulez sentir de plus nobles aspirations. L’alcool est mauvais pour tous les cerveaux, pour tous les hommes et toutes les femmes. Et le Tabac ? Il n’est pas mauvais si on n’en abuse pas. Ne confondez pas les deux : pas plus que nous devons confondre le café et la cocaïne. Nous devons avoir du discernement sur toutes ces choses. N’obéissez pas passivement même quand c’est un enseignement Théosophique, ou parce qu’un étudiant Théosophe vous donne certaines idées. Essayez de comprendre – voilà la grande recherche.
Et le mariage ? Est-ce vrai que la Théosophie n’encourage pas le mariage ? C’est une conception absolument fausse. La Théosophie conseille avec force, la pureté dans la vie sexuelle ; mais cette pureté n’implique pas qu’il ne faut pas se marier, ni avoir des relations sexuelles dans le mariage. La force sexuelle est une force qui devrait être employée pour son propre but et non pour un autre ; et ce but nous le connaissons tous, c’est la procréation. La Théosophie ne décourage pas le mariage ; au contraire, elle encourage la fondation du foyer. La vie de famille est une étape importante dans la vie spirituelle ; mais la Théosophie condamne toutes les pratiques qui peuvent prendre des libertés et jouer avec la vie sexuelle. Laissez-moi répéter : la force sexuelle n’est que pour la procréation, et pour rien d’autre. Comprenez ceci et vous comprendrez pourquoi la Théosophie est si définitivement, si fortement et si énergiquement contre les pratiques et les méthodes du contrôle des naissances. Ainsi, elle condamne toutes pratiques anormales et le mariage libre. La Théosophie a deux idéals qui se rattachent à cette pureté de vie : le premier, l’idéal du Brahmacharya ou le célibat ; le second, c’est l’idéal de la vie pure dans le mariage. Nous devons insister beaucoup sur ce point parce que sous le nom de Théosophie, certaines pratiques dangereuses et mauvaises ont été encouragées : des choses honteuses et diaboliques. Retenez ceci clairement et ne vous trompez pas. Il n’y a pas d’exceptions. Tout homme ou toute femme qui enseigne des pratiques vicieuses dans la vie sexuelle, qui les pratique ou qui les encourage n’est pas un Théosophes. Parce que la vie du Brahmacharya, de pureté absolue, de célibat, est très, très difficile pour les hommes et les femmes en général, la Théosophie présente l’autre idéal – celui de la vie pure dans le mariage. Et une fois de plus, ne croyez pas cette absurdité, qu’un Théosophe s’il veut progresser, ne doit pas se marier, ou s’il est marié, il doit quitter sa femme et son foyer ! Ce n’est pas Théosophique, et ceux qui affirment le contraire ne sont pas Théosophes. Le fait est que la Théosophie montre que pour les hommes et les femmes du vingtième siècle, le commencement de la vie spirituelle, c’est le foyer.
(…) La Théosophie n’est pas un système de diètes, ni un système de respiration, ni un système de guérison pour corps malades. Qu’est-ce que la Théosophie ? C’est un système de métaphysique et de morale qui essaye de changer le mental des hommes et ainsi les élever à un type de pensées plus noble. Quand de hautes et nobles pensées surgiront de nous-mêmes, nos actions suivront d’elles-mêmes. Des pensées droites et pures produiront invariablement des actions pures et droites. Nous voyons que la vie spirituelle n’est pas la vie des religions orthodoxes, ni la vie retirée du monde dans des monastères ou des couvents. Ce n’est pas non plus une de pratiques physiologiques ni de règles ascétiques. Nous voyons que la vie spirituelle est la vie de la famille, voilà notre point de départ. Nous sommes tous nés dans une famille, on nous a élevés dans une famille, et maintenant la plupart d’entre nous vivons dans une famille. C’est là, où nous nous trouvons que nous pouvons commencer à vivre la vie spirituelle. Nous pouvons commencer à nous éduquer nous-mêmes en accomplissant les devoirs et les obligations du « home » ; c’est là le début de la vie de l’âme.
Beaucoup ne pensent pas à la vie ni à son amélioration. Nous les laisserons de côté pour aujourd’hui. Mais ceux qui sont venus entendre une conférence sur ce sujet, doivent désirer trouver un moyen de changer leur propre vie. Que leur dit la Théosophie ?
On décrit généralement la vie spirituelle comme une vie meilleure, plus utile et plus noble ; mais à moins que nous n’ajoutions quelques choses à cette définition, nous irons vers des sentiers dangereux. La vie spirituelle n’est pas seulement une vie meilleure, c’est la vie plus sage. C’est la vie meilleure basée sur une plus grande connaissance, sur une plus grande sagesse, sur une plus grande conception et compréhension. On pense qu’être bon est suffisant ; mais être bon est une chose, être sage en est une autre. Du point de vue spirituel la compréhension et la connaissance doivent aller de pair avec la bonté, l’altruisme et la pureté. Même si vous essayez de vous améliorer vous ne réussirez pas à devenir bons, altruistes et purs, à moins que la vraie connaissance n’ait réellement illuminé votre mental. La sagesse est nécessaire. Que voulons-nous dire par penser d’une façon supérieure ? Pourquoi notre vie n’est-elle pas noble ? Pourquoi est-elle pleine de bassesse, mesquines, étroite et égoïste ? Parce que nos pensées sont étroites, égoïstes mesquines. Le grand axiome est : ce que nous devenons, nos actions, nos paroles, découlent de notre pensée. Le point de départ est un changement dans notre attitude mentale. La vie spirituelle commence avec la pensée, et l’idéation. Le point de départ est en nous-mêmes. Mais les pensées ont des sujets et des objets et comme nous ne devons pas nous retirer du monde, notre attitude mentale doit être dirigée vers les hommes et les choses. Avec l’attitude intérieure comme point de départ, nous devons alors nous occuper des circonstances extérieures. La vie spirituelle commence avec un changement de pensée, avec une noble idéation basée sur une vraie connaissance et elle commence dans la vie du foyer.
(La vie spirituelle selon la Théosophie, Revue Théosophie, volume XI, R. 5)
De tout temps, il y a eu des individus qui ont plus ou moins clairement compris les doctrines théosophiques et les ont incorporées au tissu même de leur vie. Ces doctrines ne sont l'exclusivité d'aucune religion et ne se limitent à aucune société ni période. Elles sont l'héritage de toutes les âmes humaines. Chacun est conduit à définir sa propre orthodoxie, selon sa nature et ses besoins, et d'après ses diverses expériences. Cela peut expliquer pourquoi ceux qui s'imaginaient que la Théosophie était une nouvelle religion ont cherché en vain son credo et son rituel. Son credo c'est la Loyauté envers la Vérité, et son rituel consiste à honorer chaque vérité en la mettant en pratique.
(La Clef de la Théosophie, p. 31)
Un véritable théosophe devait mettre en pratique l'idéal moral le plus élevé, s'efforcer de réaliser son unité avec l'humanité entière, et travailler sans cesse pour les autres.
(La Clef de la Théosophie, p. 38)
Nombreux sont ceux qui sont des Théosophes sans le savoir eux-mêmes, car l'essence de la Théosophie réside dans l'harmonisation parfaite du divin et de l'humain dans l'homme, dans l'adaptation de ses qualités et de ses aspirations divines et dans leur triomphe sur ses passions terrestres ou animales. La bonté, l'absence de tout mauvais sentiment et de tout égoïsme, la charité, la bonne volonté envers tous les êtres, et la justice parfaite envers les autres comme envers soi-même, sont les caractéristiques capitales de la Théosophie. Celui qui enseigne la Théosophie prêche l'Evangile de la bonne volonté, et l'inverse est vrai également, qui prêche l'Evangile de la bonne volonté, enseigne la Théosophie.
(Cinq Messages, pp. 16-17)
Le devoir du Théosophe est de maîtriser et vaincre le soi inférieur au moyen du Soi Supérieur. Se purifier intérieurement et moralement ; ne craindre rien, ni personne, sauf le jugement de sa propre conscience ; ne jamais rien faire à demi — autrement dit, ce qu'on croit bien, le faire ouvertement et hardiment ; ce qu'on croit mal, s'en abstenir entièrement. C'est le devoir du théosophe d'alléger son fardeau en pensant à ce sage conseil d'Épictète : « Ne te laisse détourner de ton devoir par aucun des jugements oiseux que le monde insensé peut porter sur toi, car, comme tu n'as aucun pouvoir sur ses critiques, elles ne devraient pas te préoccuper. ».
(La Clef de la Théosophie, p. 254)
Tout vrai théosophe est moralement astreint à sacrifier le personnel à l'impersonnel, son bien-être présent au bénéfice futur des autres.
(La Clef de la Théosophie, p. 295)
Lorsque la nature réelle de la Théosophie sera comprise, le préjugé qui malheureusement prévaut contre elle en ce moment disparaîtra. Les Théosophes sont par définition, amis de tous les mouvements du monde, tant intellectuels que simplement pratiques, pour l'amélioration des conditions de l'humanité. Nous sommes amis de tous ceux qui luttent contre l'ivrognerie, la cruauté envers les animaux, l'injustice vis-à-vis des femmes et la corruption dans la société ou le gouvernement, bien que nous ne nous mêlions pas de politique. Nous sommes amis de tous ceux qui exercent la charité pratique, qui cherchent à alléger un peu le fardeau gigantesque de misère qui écrase les pauvres.
(Cinq Messages, pp. 20-21.)
Les Théosophes ont pour mission d'ouvrir le cœur et l'entendement des hommes à la charité, à la justice et à la générosité, attributs qui appartiennent en propre au règne humain et sont naturels à l'homme dès qu'il a développé les qualités d'un être humain. La Théosophie apprend à l'homme animal à devenir un homme humain, quand les êtres auront appris à penser et à sentir comme les véritables êtres humains devraient penser et sentir ils agiront alors avec humanité et tous accompliront spontanément des œuvres de charité, de justice et de générosité.
(Cinq Messages, p. 23.)
La Théosophie pénétrera peu à peu, comme un levain, la grande masse des gens réfléchis et intelligents, de ses idées nobles et généreuses de Religion, de Devoir et de Philanthropie. Elle brisera lentement, mais sûrement, les entraves de fer des crédos et des dogmes, des préjugés de caste et de classe ; elle détruira les antipathies nationales et raciales, ainsi que les barrières qu'elles ont érigées, et ouvrira ainsi la voie à la réalisation pratique de la Fraternité entre tous les hommes. Grâce à son enseignement, et à la philosophie qu'elle aura rendue accessible et intelligible au mental moderne, l'Occident apprendra à comprendre et à estimer l'Orient à sa juste valeur. De plus, le développement des pouvoirs et des facultés psychiques, dont les symptômes précurseurs se révèlent déjà en Amérique, s'accomplira d'une manière saine et normale. L'humanité sera sauvée des terribles dangers, à la fois mentaux et corporels, qui sont inévitables quand ce développement a lieu — comme il risque de le faire en ce moment — dans un climat où se déchaînent l'égoïsme et toutes sortes de passions mauvaises. Le développement mental et psychique de l'homme suivra harmonieusement le cours de son amélioration morale, tandis que les circonstances matérielles où il vivra refléteront la paix et la bienveillance fraternelle qui domineront sa pensée, au lieu de la discorde et des conflits que nous voyons partout autour de nous aujourd'hui.
(La Clef de la Théosophie, p. 318-319)