B.P. WADIA
____________________
Extraits
de Lettres inédites
traduction française des
"Extracts from Unpublished Letters"
publiés dans la revue
The Theosophical Movement (1959 ‑ 1965)
![](https://image.over-blog.com/5ofpTMF-tcfaH1OdPTiWVh0Fcn4=/filters:no_upscale()/image%2F1410483%2F20240904%2Fob_cf285f_image-wadia.png)
B.P. WADIA
____________________
Extraits
de Lettres inédites
traduction française des
"Extracts from Unpublished Letters"
publiés dans la revue
The Theosophical Movement (1959 ‑ 1965)
Note sur les textes réunis et leur présentation
Nous ne disposons d'aucune information sur la personne du (ou des) destinataire(s) de ces lettres, sur la date de leur rédaction ou les circonstances précises qui ont motivé leur envoi (sauf dans quelques cas rares, apparemment assez explicites).
Dans les pages qui suivent, on trouvera, en tête de chaque extrait,
1. la date de sa parution dans la revue The Theosophical Movement.
2. entre crochets, une indication (résumée en quelques mots) des idées essentielles développées dans l'extrait proposé au lecteur.
À noter :
‑ avant que soit envisagée la traduction de cette correspondance, les pages originales tirées de la revue indienne avaient été réunies (dans l'ordre chronologique) en un livret relié, permettant une manipulation commode : la pagination adoptée dans le présent recueil suit étroitement celle de ce livret (multiplié seulement à un nombre réduit d'exemplaires).
PARIS, 4 JANVIER 2003
____________________
Décembre 1959 à juin 1960
Décembre 1959
[Bienfaits de l'attention appliquée aux messages de la vie ‑ au triple univers ‑ au triple souffle ‑ à nos rythmes ‑ au subjectif et à l'objectif.]
"Saisir la connaissance" devrait devenir une habitude. Et ce n'est pas seulement à partir des livres mais aussi des êtres, des choses et des objets, et aussi des événements, que nous pouvons apprendre. Chaque être et chaque chose a son propre message pour nous. La Nature nous parle dans son langage de silence sublime - à travers nombres et formes, couleurs et sons, mots qui forment des événements, historiquement répétés, intuitivement prophétiques. Dans notre propre langage et nos propres actions, nous apprenons les mouvements de notre mode de pensée et de sentir. Pour apprendre ainsi, il nous faut voir intérieurement et servir ce qui est extérieur. Mais c'est l'Intérieur qui voit et l'Intérieur qui sert. Ensuite, dans l'Intérieur se trouve le centre du "Je" individuel, et la Toute-plénitude universelle. Le triple univers - de l'extérieur, de l'intérieur du "Je" et du "Tout", le Très-Haut - c'est cela qui devrait venir à notre conscience alors que nous marchons, parlons, mangeons et agissons. Chaque souffle est triple.
Cela mène à une méditation continuelle : le premier pas qui y conduit c'est de faire chaque chose avec attention. L'attention est le pouvoir - expression de Dhyâna. La concentration commence avec l'attention. L'attention nous conduit à l'exactitude et la ponctualité. Le sentiment "de faire, de faire", selon le mot de Judge, nous rend fébriles et l'attention est le remède pour ralentir l'allure et nous imposer son rythme. Cela nous force à éliminer beaucoup d'actions comme non nécessaires. Ainsi sommes-nous contraints d'examiner nos motifs et alors la pureté de la cause doit entrer en jeu.
Or, à chaque instant nous faisons quelque chose : nous lisons le journal ou étudions la Doctrine Secrète ; nous nous asseyons ou marchons, etc...Ainsi nous devons apprendre à être attentifs à la manière dont nous fonctionnons. Comment marchons-nous - à quelle vitesse, à quel rythme ? Comment parlons-nous - vite ou avec une sage lenteur, d'une façon traînante ou bien rythmée ? Essayez donc de vous concentrer sur la façon dont vous mangez - mangez-vous lentement et de manière posée ou comme un glouton pour filer au travail ? Sentez-vous bien la saveur? Et ainsi de suite... Vous découvrirez bientôt que dans tout cela il y a un processus subjectif et intérieur et un processus objectif, extérieur. D'autres étapes se présentent à mesure que nous avançons.
____________________
Janvier 1960
[Premières conditions pour comprendre et atteindre les Maîtres.]
Vous trouverez qu'il nous est vraiment possible de connaître un grand nombre de faits sur les Maîtres, c'est-à-dire sur Leur nature réelle, Leurs pouvoirs, etc... Beaucoup de personnes, depuis l'époque de H.P.B., jusqu'à maintenant même, ont tenté de Les comprendre à l'aide de leur mental pensant ordinaire, et les meilleures d'entre elles n'ont pas réussi à saisir ce qu'Ils sont. À notre stade, ce sont Eux et Leur travail qu'il faut appréhender. C'est plus une question de sentir à un niveau supérieur que de penser philosophiquement. Plus d'imagination devrait entrer dans notre idéation. Notre étude nous donne la base de notre réflexion. De cette façon, Judge a réussi là où Sinnett a échoué. Ainsi, ne cherchez pas à Les atteindre avec le mental mais, en faisant de l'étude et du service votre base d'approche, atteignez-Les avec votre Cœur. Une énergique recherche sur le sentier de l'investigation, un service avec douceur de l'âme de vos semblables, l'humilité à la fois dans l'étude et le service, feront que la Sagesse jaillira en vous spontanément et vous saurez ce qu'Ils sont. Lisez le 4ème chapitre de la Gîtâ. Je vous le dis. C'est la Dévotion qui accomplit cela et rien d'autre. Je suis d'accord avec vous : le point de départ est en nous-mêmes. Ainsi donc cherchez ce point de départ en vous-même. En fait, vous l'avez trouvé en reconnaissant cette vérité elle-même. Les étapes suivantes sont dans toutes les directions. Avec combien de justesse vous avez trouvé la clef pour la marche en avant, en prenant Les Lettres qui m'ont aidé de Judge ! Vous ne pouvez pas trouver un meilleur guide que ces lettres, écrites le plus souvent à Jasper Niemand qui a réussi à Les atteindre par le cœur.
____________________
Mars 1960
[Il faut se tourner délibérément vers l'intérieur ‑ garder en mémoire le Monde Intérieur des Maîtres ‑ le Cœur et le Lotus à neuf pétales.]
Assurément, les influences extérieures nous affectent plus ou moins directement. Nous devons délibérément faire l'effort de nous tourner vers l'intérieur, et l'étude est le premier pas ; le second consiste à garder en mémoire le Monde Intérieur des Maîtres. Viennent ensuite la réflexion sur ce qui est étudié et la méditation sur les Maîtres. Dans le Cœur se trouve le Lotus ‑ le Cœur spirituel ‑ et, au sein de ce dernier, il y a le Joyau ‑ Manas, Buddhi et Âtma. Manas est triple (je veux dire le Manas Supérieur) et il en est de même pour Buddhi, et pour Âtma. Il s'agit ici d'un Lotus à neuf pétales, pour ainsi dire ; et ce qui en constitue la semence [ou le foyer germinal] c'est le joyau ‑ Mani [en sanskrit], un Diamant. Que le Lotus déploie un pétale après l'autre ‑ sept branches de connaissance, sept Paramita, etc. ‑ pour nous, ils doivent se développer côte à côte. Ce travail intérieur, consistant à gagner la sagesse intérieure de la Compassion ‑ qui est paix et lumière ‑ est votre tâche immédiate ; et cette paix et cette lumière commenceront à rayonner à l'extérieur. Ainsi, la vie intérieure doit se poursuivre. Que sont après tout les tourbillons extérieurs ? Des réalités pour le cerveau et les sensations éprouvées, mais l'Homme Intérieur doit apprendre à s'élever au-dessus. La tranquillité vient de l'intérieur, les tourbillons, de l'extérieur : il nous faut les endurer, grâce à l'adaptabilité que nous développons. Il faut prendre en considération, de façon sérieuse et sincère, les paires d'opposés évoquées dans le 12e chapitre de la Gîtâ. Le monde nous serre de trop près, et tente de nous faire oublier le Ciel. La Théosophie nous enseigne le moyen de monter au Ciel, et nous devons le faire.
______________________
Avril 1960
[Étude et dévotion ‑ esprit de sacrifice ‑ "croître comme croît la fleur".]
Si vous êtes attentif, vous percevrez que tout le temps, à l'intérieur de vous, se produit un changement. La chose essentielle, c'est de maintenir notre dynamisme par une étude dans le bon sens et une réelle dévotion. Le premier illumine votre intelligence ; la seconde apporte paix et pouvoir au cœur. Les deux doivent aller de pair pour être vraiment efficaces. Soyez honnête et juste envers vous-même et cela se réalise par l'esprit de sacrifice de soi ; la manifestation de cela doit être recherchée dans notre effort régulier, continu et uniforme, en vue de vivre ce que nous avons de meilleur et de plus élevé, en procédant de l'intérieur vers l'extérieur. Faire des sacrifices par à-coups irréguliers élève notre personnalité à nos yeux ; nous nous imaginons être quelqu'un, et nous nous disons : "Quel brave type je suis de faire cela ou d'avoir fait cela". Mais, si nous sommes régulièrement et continuellement engagés dans le Travail qui est le Leur [celui des Maîtres], ou dans le Service qui est celui de nos semblables, nous n'avons guère de temps à ruminer sur nous-mêmes, et en comparaison de Leur effort, qu'est-ce que notre maigre tentative ? Et si on pense à l'angoisse intense et la souffrance de millions d'esprits et de cœurs, qu'est-ce que représente, en définitive, tout ce que peut apporter notre insignifiant service ? Vivre, vivre et continuer de vivre régulièrement ce qui est le plus haut dans le cœur même de notre être, c'est d'emblée vivre dans l'Éternel et croître comme croît la fleur. Tous, autant que nous sommes, il nous faut vivre et il nous faut croître ; si seulement nous réalisions que nous "sommes" dans l'Éternel, alors que nous nous illusionnons par des souvenirs passés et des anticipations futures, que nous sommes en train de croître telle la rose, alors que nous attirons follement l'attention du monde sur nos épines et ressemblons à un cactus ! Être naturel, spontané, tenir chaque chose comme "sacrée", voir non seulement le bon en toute chose mais aussi le beau ‑ c'est pratiquer le yoga avec les objets qui nous entourent, avec les gens de notre voisinage. Continuez donc vos efforts et ne vous laissez pas aller à cette lassitude intérieure qui parfois vous submerge ; n'accordez pas d'attention au fait que vous êtes en train d'essayer ‑ essayez seulement. Et quant à la lassitude et l'accablement, eh bien ! vous souvenez-vous de ces beaux vers écrits par Herbert, évoquant ce que Dieu a dit de l'homme lors de sa création ?
"Qu'il conserve pourtant les restes ;
Mais qu'il les garde dans l'inquiétude et le chagrin,
Qu'il soit riche et las afin qu'au moins,
Si la bonté ne l'amenait pas vers moi,
Les vagues de l'accablement et de l'ennui
Le rejettent sur mon sein."
Juin 1960
[Métaphysique et éthique ‑ devenir une entité Antahkaranique ‑ étude, application et promulgation.]
Les aspects métaphysiques et moraux de la Théosophie sont intimement liés. Si vous voulez faire une correspondance, vous pouvez dire qu'ils renvoient au Manas Supérieur et à Buddhi. Buddhi, l'aspect moral, doit être activé. Les étudiants de la Doctrine Secrète vont à l'aspect mental mais Buddhi-Manas demeure latent et à distance de nos personnalités. Nous sommes Kâma-manasiques, ainsi la mentalité du Manas inférieur, jointe aux désirs et passions de la nature humaine, fonctionne de façon prééminente. Quand nous parlons de moralité, nous pensons à celle de la personnalité humaine - l'idée d'être bon, ce qui ne veut pas dire être spirituel. De la même façon, les efforts de notre mental pour saisir, disons les "Trois propositions fondamentales", sont mécaniques, pas vraiment métaphysiques. L'homme septuple apparaît comme un robot, et non pas comme une entité Antahkaranique vibrante de vie. L'étude des Stances du Livre de Dzyan et de La Voix du Silence devrait produire - et elle le fait au moins temporairement - un état Antahkaranique - et à ce moment-là, le monde sensoriel et sensuel s'effondre tandis que celui de l'Âme et de l'Esprit, de l'Idéation et de l'Imagination, est mis en activité. Il se pourrait que nous retournions au monde du lucre en venant du monde du Pouvoir, mais alors nous nous souviendrions et aspirerions à ne pas avoir le monde trop avec nous.
La Sagesse est un aspect de la Compassion. Vous l'obtiendrez un peu plus vite si vous entraînez votre mémoire à se souvenir et à retenir les idées par paires ; c'est-à-dire à discerner dans chaque enseignement à la fois l'aspect métaphysique et l'aspect moral. Vous découvririez que c'est là le point fort des articles de Judge et des Lettres de Crosbie. Ne considérez pas seulement vos capacités mentales mais aussi votre vision du cœur. C'est très important pour vous.
L'étude ne devrait pas rester une chose extérieure. En fait, si cela subsiste ainsi, ce n'est pas une réelle étude. L'application, conduisant à l'assimilation, est vraiment ce qu'on apprend par le vrai enseignement du cœur. La promulgation est le tube à essai dans lequel notre application-assimilation doit être évaluée. La pratique de l'éthique sans une étude de la métaphysique n'est pas viable. Pourquoi H.P.B. a-t-elle écrit sur la Cosmogénèse et l'Anthropogénèse ? Pourquoi les Maîtres ont-Ils pris le temps et la peine de donner des enseignements non seulement sur les 7 principes, mais aussi sur les Rondes, les Races, etc...? La Voix est venue en tout dernier. Comment peut-on rechercher le Régent Intérieur en soi-même sans une étude convenable et très attentive 1) des 7 principes, 2) de leurs relations mutuelles, 3) de leur source macrocosmique et 4) de l'Éthique Divine sous-tendant cet enseignement ? Étude - application - promulgation sont les 3 côtés d'un triangle équilatéral.
L'étude des livres est importante au plus haut point. Nous avons tendance à devenir des spéculateurs sans faire un contrôle convenable en consultant les textes. La pensée et l'assimilation impliquent l'application. Bien sûr, nous devrions prêcher ce que nous sommes capables de pratiquer ; mais n'oubliez pas que la promulgation attire notre attention vers notre manque d'application. Du fait même que nous conseillons et prêchons, nous sommes vite frappés par la nécessité qui s'impose à nous d'appliquer. Également, la promulgation révèle des lacunes dans notre connaissance et il ne faut pas longtemps pour nous amener à conclure qu'à moins de plus d'application, une plus grande connaissance ne peut nous venir.
____________________