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Le sens profond du pèlerinage

L’Orient – Le Sentier, Revue Théosophie, Volume VI, R.12

« Connaître l’univers comme une route, comme de multiples voies pour les âmes voyageuses. » Walt Whitman.

Le symbole du Sentier a été employé depuis des temps immémoriaux pour suggérer la procession incessante de la Vie progressant toujours. Toute expression de la Vie, depuis l’âme d’un atome jusqu’à l’Ame d’un Sage, semble se frayer lentement sa voie sur une route dont le début et la fin sont voilés de ténèbres et de mystère.

Beaucoup de ces âmes sont poussées le long du Sentier de l’Evolution par la force de l’impulsion naturelle, tandis que d’autres âmes trouvent l’énergie en elles-mêmes. Certaines trébuchent à l’aveuglette le long du Sentier de l’Existence, tandis que d’autres montent lentement et délibérément le Sentier de la Vie. Quelques Ames très peu nombreuses, après avoir atteint le sommet de la route fatigante « qui monte en serpentant tout le temps, oui, jusqu’à la cime », restent hésitantes au carrefour où le Sentier de la Vie se divise. Vers la gauche se déroule une large route facile conduisant à la libération de tous les maux de la chair ; à droite monte un sentier pierreux et rugueux qui mène au renoncement de soi par amour pour les autres.

Le Sentier que les âmes non soi-conscientes parcourent, gît bien loin derrière nous ; le Sentier de l’Initiation aux Mystères de l’Etre s’ouvre loin devant nous. Mais les autres routes passent à nos pieds mêmes. Laquelle choisirons-nous ? Poursuivrons-nous notre route hésitante le long du Sentier de l’Existence, sans nous soucier d’où nous sommes venus et où nous allons, ou bien entrerons-nous hardiment sur le Sentier de la Vie, armés de la détermination, de l’humilité et de la force d’âme ?

L’ancien philosophe chinois Kwang Tze disait de ces deux sentiers : « Il y a le Tao (ou Sentier) du Ciel, et il y a le Tao de l’homme. Ces deux Sentiers sont très distants l’un de l’autre et devraient être distingués l’un de l’autre. »

Le Sentier que tant d’êtres parmi nous se contentent de suivre est celui où l’on permet aux sensations et aux sentiments de dominer la vie. Mais ce ne sont pas là les qualités qui nous distinguent en tant qu’hommes, car nous les partageons en commun avec les animaux. La ligne de démarcation se distingue par la volonté, par l’imagination créatrice, par le discernement et le désir de servir d’une façon altruiste et nous devons exercer ces pouvoirs si nous voulons affirmer notre humanité et réaliser notre divinité.

« Vous êtes des dieux ! Tonnait la voix du vieux Roi-Psalmiste. « Je suis vraiment le Suprême Brahman » affirma sur un ton plus calme, une autre voix ancienne. Ces mots de pouvoir qui résonnent à travers les corridors du Temps, et se font écho de siècle en siècle, ont été perçus par tous ceux dont le cœur était accordé à leurs vibrations. Durant l’âge d’or de la Grèce, beaucoup d’hommes écoutaient les voix anciennes et répétaient leurs paroles. Le Nous d’Anaxagore n’était qu’une répétition du Brahman hindou, et du Nout égyptien, et la philosophie de Pythagore était un écho cadencé de la voix de l’antique Aryavarta. Socrate méditant sur la valeur de ces paroles réalisa la divinité de sa propre nature et montra la voie de la réalisation à d’autres hommes. Platon et Plutarque écoutèrent et apprirent la nature de l’Ame. Nous aussi devons écouter si nous voulons sonder les profondeurs de notre nature divine, car comme le dit Manu : « De tous les devoirs, le principal consiste à acquérir la connaissance de l’Ame Suprême ; c’est la première de toutes les sciences, car elle seule confère l’immortalité à l’homme. »

Le Sentier qui conduit à la « connaissance de l’Ame Suprême » a été appelé de divers noms et la voie qui mène au but a été décrite de façons variées. Pour chaque tempérament il semble qu’une route soit préférable à une autre, que ce soit celle de la dévotion, de la connaissance ou du travail par sacrifice. Mais dans l’ancien Shu-King, il est dit que : « Nous arrivons à la compréhension de la sagesse par de nombreux embranchements de routes et de chemins détournée. Je vois que les arbres de la forêt sont d’espèces et de dimensions nombreuses, et ceux qui portent des fruits ne les donnent pas tous sur une seule branche. »

Ce point de vue large et non sectaire se rencontre partout où parle un véritable philosophe. Seule l’âme entravée et limitée réduit le monde aux proportions de sa propre vision. Le sentier du Devoir Filial, esquissé par Confucius, est l’une des multiples routes qui conduit à la sagesse ; le Sentier de la Vertu et de la Pureté, si hautement estimé par Lao-tze, en est une autre. Nous pouvons choisir entre les différents Sentiers décrits par Krishna dans la Bhagavad-Gîtâ, ou nous pouvons accorder le diapason de nos efforts spirituels à l’Octave Bouddhiste de la vision droite, de la volonté droite, du langage droit, de la conduite droite, de la vie droite, de la tentative droite, de la concentration droite et de la méditation droite.

Par affinité de tempérament, nous pouvons nous tourner vers les poètes, les philosophes ou les instructeurs moraux de la race, dans notre recherche de direction spirituelle ; nous pouvons diriger notre regard vers les « floraisons de l’Orient ou les Chambres de l’Occident » pour découvrir le Sentier qui semble être le nôtre. Mais lorsque nos voyages ont pris fin, nous retournons où nous sommes partis, et nous voyons alors que le Sentier existe en nous-mêmes et que nous – et nul autre – sommes le « chemin, la vérité et la vie ».

Dans le Sentier de la Vie, chaque pensée, parole et action est générée par le Soi Pur qui se trouve au-dedans de nous ; c’est pourquoi il est appelé le Sentier de la Pureté. Quand la flamme du Motif Pur est appliquée à chaque action, le soi inférieur instinctif ressent la douleur de la brûlure, et le Sentier de la souffrance commence. Mais le Soi ne peut éprouver aucune peine ; la vision du bûcher sur lequel le Soi inférieur est jeté en sacrifice vivant ne peut apporter que de la joie au Soi Suprême. C’est ainsi que le Sentier de la Vie devient le Sentier de la Béatitude.

 

Echos de l’Orient, W.Q. Judge (extraits)

    L'entraînement imposé au disciple par les instructeurs de l'école à laquelle appartiennent les Adeptes théosophes est très particulier et ne s'accorde pas avec les idées modernes qui prévalent en matière d'enseignement. Dans un certain sens, c'est une illustration spéciale du pèlerinage que l'on fait à un lieu sacré - si commun en Inde - mais ici, la divinité du sanctuaire qui est le but du voyage, c'est l'âme elle-même, car, pour ces Adeptes, l'existence de l'âme est l'un des premiers principes à considérer.

    En Orient, la vie de l'homme est envisagée comme un pèlerinage, non seulement du berceau à la tombe, mais aussi durant l'immense période qui couvre des millions et des millions d'années, depuis le commencement jusqu'à la fin d'un manvantara*, ou période d'évolution : l'homme étant tenu pour un être spirituel, la continuité de son existence n'est jamais interrompue. Les nations et civilisations naissent et croissent, vieillissent et déclinent, pour finalement disparaître ; mais l'être survit, témoin des innombrables changements de milieu. À partir du grand Tout, jaillissant comme une étincelle du feu central**, il récolte des expériences dans tous les âges et sous toutes les conditions de gouvernements, civilisations et coutumes, en poursuivant sans cesse son pèlerinage vers le sanctuaire d'où il est venu. Il est tantôt le maître, tantôt l'esclave ; aujourd'hui, au sommet de la richesse et de la puissance, demain, au bas de l'échelle, plongé peut-être dans une misère abjecte, mais toujours le même être. Pour symboliser cela, toute l'Inde est parsemée de sanctuaires sacrés auxquels on va en pèlerinage ; et c'est le vœu de chacun, dans ce pays soi-disant ignorant, de faire ce genre de voyage, au moins une fois avant de mourir, car nul n'a rempli parfaitement ses devoirs religieux dans la vie s'il n'a pas visité de tels lieux sacrés.

Notes

* [Le mot manvantara est aussi rendu par « période d'un Manu », antara signifiant   « contenu intérieur » .]

** [Voir Mundaka Upanishad, 2, II : « De même que d'un brasier ardent jaillissent par milliers des étincelles qui gardent la nature du feu, de même (...) de l'Immuable (Akshara) viennent à l'existence toutes les multiples créatures, et c'est en lui aussi qu'elles retournent » .]

 

 

   

À cela, l'une des grandes raisons données par ceux qui en comprennent la signification intérieure c'est que ces lieux de pèlerinage sont des centres de force spirituelle d'où rayonnent des influences ennoblissantes que ne peut percevoir le voyageur mangeur de viande et buveur de vin. En fait, il y a bien des gens qui soutiennent que, dans la plupart de ces lieux fameux de pèlerinage, se trouve un Adepte du même ordre que celui auquel appartiendraient les Adeptes théosophes, et qui est toujours prêt à allouer, sur le plan spirituel, une part de vision intérieure et d'aide à l'homme au cœur pur qui peut s'y rendre. Naturellement, il ne se fait pas reconnaître des gens : ce n'est pas du tout nécessaire, et cela pourrait l'obliger à aller s'établir ailleurs. Des superstitions sont nées à partir de ce qui a été enseigné sur les pèlerinages, mais ce n'est pas parce que ces abus ont toutes les chances de se produire dans un âge comme le nôtre qu'on devrait supprimer ces lieux sacrés, car, si les centres spirituels étaient retirés de la carte, les hommes bons qui ne sont pas aveuglés par la superstition ne pourraient plus recevoir l'aide bienfaisante qu'ils peuvent y trouver maintenant.

    Ce sont des Adeptes qui ont fondé ces lieux de pèlerinage afin de garder vivace l'idée de l'âme dans le mental des gens, idée que la Science et l'instruction modernes auraient tôt fait de remplacer par l'agnosticisme, si on les laissait s'imposer sans contrôle.

    Mais le disciple de l'Adepte sait que le lieu de pèlerinage symbolise sa propre nature, et qu'il lui montre comment partir à sa recherche d'une façon scientifique, et comment progresser, par quelles routes, et dans quelle direction*. Il est censé concentrer dans le champ restreint de quelques existences toute l'expérience et la pratique que l'homme ordinaire mettra d'innombrables incarnations à acquérir. Ses premiers pas, tout comme ses derniers, se font en des lieux difficiles, et souvent dangereux ; à la vérité, « la route monte sans cesse, en lacets escarpés » ** ; et en s'y engageant, il laisse derrière lui tout espoir de récompense — chose pourtant si commune dans toutes les entreprises. Rien n'est gagné par faveur, mais tout dépend de son mérite réel. Étant donné que le but à atteindre est la capacité de ne dépendre que de soi-même, avec sérénité et clarté de vision parfaites, le disciple est, dès le début, amené à se tenir seul debout ; et, c'est là, pour la plupart d'entre nous, une chose difficile, engendrant fréquemment une sorte de désespoir. Les hommes aiment la compagnie, et ne peuvent envisager sans inquiétude la possibilité d'être laissés absolument à eux-mêmes. Ainsi, au lieu de se trouver constamment dans l'ambiance d'une loge peuplée de frères apprentis – comme c'est le cas dans les sociétés secrètes ordinaires de ce monde – il est contraint de voir que, tout comme il est entré seul dans le monde, c'est seul qu'il doit apprendre à y vivre, en le quittant plus tard comme il est venu, en la seule compagnie de lui-même. Toutefois, cela n'engendre aucun égoïsme car, comme cet apprentissage passe par une méditation constante sur l'invisible, la connaissance lui vient que la solitude ressentie se limite uniquement au soi inférieur, personnel et terrestre.

 

Notes

* [Voir à ce sujet l'article de T. Subba Row intitulé  « Places of Pilgrimage in India » ( = Lieux de pèlerinage en Inde), dans la revue The Theosophist (vol. VIl, p.l et seq).]

** [Emprunt au poème « Uphill » (ligne l) de Christina Rossetti, plus d'une fois cité dans la littérature théosophique en rapport avec la voie de la discipline occulte. Voir par exemple l'article  « Spiritual Progress » ( = Le Progrès Spirituel), publié par H.P.B. dans le Theosophist, mai 1885, pp.187-8, traduit et publié dans le Cahier Théosophique n°106.]

 

 

Le Gardien du Sentier, Revue Théosophie, Volume XIV, revue 2

Je me sentais déprimé et m’étendis pour me reposer. J’essayais de me calmer et bientôt je fus envahi par un sommeil apaisant. Je dormis et en me réveillant je me souvins du rêve suivant :

Je me trouvais dans le pays de la Quiétude. Aucun être vivant ne semblait s’y trouver. Le calme était le génie qui y régnait. Soudain, je vis une humble bâtisse, une simple demeure respirant la dignité et la majesté. Au jardin, se trouvaient quelques bosquets en fleurs et quelques banyans aux branches étendues, ainsi que des touffes d’herbes aromatiques. Qui pouvait bien vivre là ?

Je vis un vieillard qui balayait et nettoyait le sentier menant à la maison. Je l’observai pendant quelque temps, tandis que, sans bruit, il vaquait à ses occupations. Après quelques temps, il s’asseya et posa un livre en feuilles de palmier sur ses genoux.

C’était un étrange spectacle. Le calme de l’endroit, le vieillard jouissant d’une paix solitaire, puisant de la joie et de l’inspiration de son compagnon silencieux. Quelque chose me poussa vers lui et je lui demandai ce que tout cela signifiait ?

« Qu’as-tu, mon enfant ? », me demanda-t-il en levant ses yeux vers moi. « Souviens-toi, ami, que l’abattement et le désespoir sont des ennemis puissants sur le seuil de la vie. »

« Mon Père », répondis-je, « votre figure sereine et douce inspire confiance et me pousse à vous offrir mon cœur oppressé. Que puis-je dire ? L’insuccès et la déception, voilà mon sort. Mon espoir, mes prières, mes efforts les plus sérieux, sont vains. Je rencontre des obstacles de toutes parts – plus mon désir de rendre service et de me sacrifier est grand et moins nombreuses sont les occasions de le faire.  Ceux que j’aide semblent n’avoir ni appréciation ni reconnaissance. Mes frères et mes compagnons se jettent dans la mêlée, ont du succès et vont leur chemin. Je travaille en vain. Chaque matin, je m’efforce sérieusement de trouver un endroit où mes services pourraient être appréciés et chaque soir je me trouve exactement là où j’étais le matin. Je fais de grands efforts, mais ne puis rien accomplir. Parmi ceux qui sont dans le besoin, aucun ne cherche mon aide. Aucun, parmi les malades, ne cherche ma main réconfortante. Je me sens seul. Je suis abandonné. Hélas ! La volonté de servir existe, mais il n’y a pas de champ d’action. »

L’homme vénérable sourit tristement et son doux regard exprima un reproche :

« Enfant, en vérité », murmura-t-il, « le cœur est bon, mais le point de départ est faux. Je suis très vieux, mais je n’ai jamais vue Mère Nature abandonner l’un des siens et pourtant, elle ne s’écarte jamais de sa route, fût-ce de l’épaisseur d’un cheveu, lorsqu’elle répand ses bienfaits. Assieds-toi, mon enfant ; calme-toi. »

Après un moment de silence il parla – il semblait répéter ce qu’il avait appris :

« Désappointement, découragement, désespoir, voilà le diable à trois têtes, que l’on doit combattre tout seul. Il faut désappointer le désappointement ; abattre le découragement ; chasser le désespoir ; damner le Diable. »

Il se tut de nouveau et après un temps me parla :

« Dis-moi si dans tous tes efforts de service tu as travaillé et souffert seulement pour le bien-être des autres ? N’y avait-il pas une teinte d’ambition et d’égoïsme dans tes aspirations ? »

Il me regarda d’un regard pénétrant, sourit et demanda : « Sais-tu qui demeure là ? Non ? Il appartient à l’Armée de la Voix ; il est de Ceux qui sont des hommes, non des hommes comme nous, mais des « Surhommes ». Quoique je sois ici, je Le connais, et pourtant je ne Le connais point. Je L’ai vu et pourtant je ne L’ai pas vu. Mais mon cœur me dit qu’Il est un de Ceux dont le cœur est pur, purifié de tout désespoir. Un de Ceux dont la Lumière n’est jamais obscurcie par l’abattement, un Etre qui n’est jamais déçu, lorsque les Sacrifices sont refusés. Les désappointés trouvent un abri sous les arbres qui entourent Son sanctuaire ; les abattus perdent leur sentiment de découragement quand ils respirent les parfums de ces herbes croissantes ; le désespéré gagne des forces, quand il regarde l’Etoile de l’Espérance reluire au-dessus de la demeure. Mais tous ne peuvent atteindre l’ombre des arbres ; les parfums sont trop délicats pour l’odorat humain ; l’Etoile de l’Espérance brille seulement pour celui qui a abandonné tout espoir. Gagne de l’expérience, gagne de l’expérience, afin de te montrer digne des trésors qui se trouvent ici. »

Je retins mon souffle et dis :

« Mais, Ami, sûrement vous êtes vous-même cette Etoile du l’Espérance. Pourquoi me tenez-vous à distance ? Laissez-moi entrer. »

« Mon enfant, je suis le portier de ce Sanctuaire Béni de l’Etre Béni – portier de la porte qui n’existe pas et qui cependant est là. Ce n’est pas moi qui t’empêche d’entrer ; c’est ton propre soi qui te retient – embourbé à l’endroit où tu te trouves. L’Etre Glorieux qui demeure là, a besoin de travailleurs ; et heureux, trois fois heureux, est celui dont les efforts l’admettent à la compagnie divine.

« J’ai parcouru le même chemin que toi, j’ai affronté le même démon- le désespoir. Mais voici l’Assurance Divine qui me fut donnée en réponse à ma question découragée : Puis-je espérer, moi aussi, atteindre le but ? » « Sûrement, tu le peux ». « Et comment peut-on trouver le Sentier ? » « Il n’y a qu’une Voie, la Voie du Devoir, c’est elle qui te mènera vers le Sentier. » « Quel devoir spécial ?» « Montre la voie à d’autres, fais que le Sentier reste visible aux yeux des mortels. »

« Ces paroles bénies me soutiennent, me gardent en vie et lentement, mais sûrement, j’ai trouvé le Sentier et mon Devoir actuel, mon enfant, est de garder le Sentier visible pour ceux qui désirent chercher la voie qui, perdue dans le désert du monde, commence ici, et mène chaque nouveau venu au Pays du Seigneur. Peux nombreux sont ceux qui s’approchent, mais je tiens le Sentier visible dans l’espoir que le Soleil couchant puisse introduire dans cette Retraite Divine quelque solitaire pèlerin aux pieds meurtris. J’attends, je surveille, et vois comment tantôt l’un, tantôt l’autre, entre dans la Maison de la Lumière, me laissant à mon poste. Mon temps n’est pas encore venu, mais j’ai la conviction qu’il viendra. Le jour poindra certainement, où moi, celui qui montre la Voie, j’en obtiendrai l’accès, non comme maintenant, mais dans un sens réel. Celui qui se trouve dans le Sanctuaire a besoin de moi pour cette tâche. Il m’empêche de m’en aller dans la jungle, que vous appelez le monde ; il guide ma main qui montre le Sentier aux autres.

« J’introduis chaque voyageur fatigué en lui souhaitant la plus cordiale bienvenue et chaque voyageur, qui rentre dans sa demeure, fait accroître mes forces.

« Seul, l’oubli complet du soi, donne accès au Foyer Sacré de ce Sanctuaire. Ton accablement même prouve que l’idée de la récompense pour le travail, existe en toi. Rejette le voile de l’égoïsme qui obscurcit ta vue. Accomplis tout travail qui s’offre à toi – reconnais sa qualité divine. Aucun effort ne se perd, nul labeur n’est accompli en vain. Mais que tu sois actif ou silencieux, met ton mental et ton cœur à l’unisson avec le grand cœur et le grand mental de l’humanité entière. Sois prêt à montrer la Voie et à laisser passer les autres, tandis que toi tu restes en arrière. Essaye, ami. Sois un serviteur fidèle des Grands Serviteurs et obtiens ainsi la Paix. Voilà ce que je fais. »

Je me réveillai les yeux en larmes. Un calme profond, que depuis longtemps je n’avais plus éprouvé, avait envahi mon cœur. Mais je me souvins. C’était un rêve plus réel, en vérité, que la plupart des événements de la vie et du travail.

 

Réflexion sur La Lumière sur le Sentier, B.P. Wadia, C.T.136 

I — La discipline.

    La Lumière sur le Sentier est exactement ce qu'elle prétend être : un livre qui répand de la lumière sur le Sentier que doivent emprunter tous ceux qui désirent vivre la vie de l'Occultisme, sur « la Voie » dont parlent le Christ et d'autres prophètes. L'avertissement nous est donné que le Sentier n'est pas facile à trouver et que, une fois trouvé, il est encore moins facile d'y marcher. Il monte tout le temps. Le néophyte trébuche et tombe, de cruelles pierres meurtrissent ses pieds fatigués ; l'obscurité descend sur lui et il se sent isolé et délaissé, inconscient qu'il est, à l'heure de son épreuve, de ce que les Grands Êtres de Lumière sont dans l'attente pour l'accueillir comme l'un des Leurs, une fois qu'il s'est rendu digne de se joindre à leur Puissante Fraternité. Lorsqu'il y est parvenu, il a accompli un exploit si merveilleux que

« Toute la Nature, saisie d'une crainte sacrée, tressaille de joie et se sent soumise. Voici que l'étoile argentée transmet en scintillant la nouvelle aux fleurs nocturnes ; le ruisselet chuchote l'histoire aux cailloux ; les vagues sombres de l'océan la mugissent aux récifs tandis que les brises chargées de parfums la chantent aux vallons et les pins majestueux mystérieusement murmurent : Un Maître s'est levé, un MAÎTRE DU JOUR. » (La Voix du Silence, pp.86-7.).

Là est le But, là est le Sentier ; les Saints Êtres attendent ; mais avant que le néophyte puisse entrer sur le Sentier, il y a un travail préliminaire important qu'il doit accomplir lui-même. Aucun montagnard ne tente la conquête d'un pic élevé sans entraînement, ni sans une étude des difficultés qu'il est susceptible de rencontrer durant l'ascension. De même, un néophyte ne peut pas espérer avancer, un tant soit peu, sur le Sentier avant d'avoir pris en main sa propre nature inférieure, de l'avoir soumise et maîtrisée en sorte qu'elle devienne une servante obéissante au lieu d'un maître indiscipliné. Notre nature inférieure peut être comparée à un cheval qu'il faut dresser. Pendant ce travail, il piaffe, saute, rue, et jette le cavalier à terre de nombreuses fois. Le dressage est pénible à la fois pour le cavalier et pour le cheval, mais, quand il est terminé, le cheval est soumis et obéissant, et le cavalier a un coursier qui est son compagnon, son ami et son serviteur.

    Dans la première partie de La Lumière sur le Sentier, des instructions nous sont données sur la manière dont nous devons entreprendre le dressage de ce coursier indiscipliné — notre nature inférieure insoumise. Il y a six choses que nous devons tuer ou détruire. Il nous est dit : « Tue l'ambition » ; « Tue le désir de vivre » ; « Tue le désir du bien-être » ; « Tue tout sentiment de séparativité » ; « Tue le désir de sensation » ; « Tue le désir de croissance ».

Analysons donc ces divers points :

L'ambition qui doit être tuée est l'ambition pour les choses de ce monde, telles que la renommée, la situation sociale, les richesses, etc... De quelle utilité sont-elles pour l'Homme Intérieur ? Sont-elles une aide pour la croissance spirituelle ? Peut-on les emporter au delà de la tombe ?

Et la vie — pourquoi s'accrocher à elle avec une telle ténacité ? Nous avons vécu de nombreuses vies auparavant ; nous en vivrons de nombreuses autres encore, et la seule valeur de chaque vie réside dans la moisson qu'elle récolte pour l'âme.

Le désir de bien-être, ou de ce qu'on appelle maintenant « sécurité », est presque universel. Le Seigneur Bouddha condamna en termes clairs ces ascètes qui torturaient leur corps dans l'espoir de se sauver, mais Il condamna avec une égale sévérité ceux qui menaient une vie de paresse, de gloutonnerie et de sensualité. À quoi peut servir au cavalier un cheval gras, paresseux, suralimenté qui ne quitte pas sa stalle ?

Quant au sentiment de séparativité, la plupart d'entre nous s'y accrochent sans en être conscients. Il n'est pas toujours facile de se sentir un avec le criminel, le malpropre, le cruel, le vicieux. Mais la Théosophie enseigne (et, qui plus est, démontre) que tout dans ce vaste univers est UN. Le mal n'est que le pôle opposé du bien. Krishna lui-même dit : « Parmi les choses trompeuses, je suis le dé... et il n'y a aucune chose, animée ou inanimée, qui soit exempte de moi. » Cependant, nous nous imaginons avec présomption être séparés de ces choses dépourvues de beauté et leur être supérieurs !

Nous devons ensuite tuer le désir de sensation et le désir de croissance. Ce qui est en vérité une tâche herculéenne. Nous avons envie de voir des spectacles beaux (ou laids), d'entendre des sons harmonieux (ou discordants), de goûter ce qui est amer, doux ou savoureux ; en fait, de sentir quelque chose, que ce soit agréable ou pénible. Ce sont ces nombreuses sensations qui nourrissent notre nature inférieure, au point que nous plongeons dans la vie des sens et que nous oublions le Dieu Intérieur, notre Nature Supérieure.

Ce qui ne signifie pas que nous devons être indifférents aux beautés et aux merveilles qui nous entourent. C'est tout à fait le contraire, puisqu'il est dit que l'Adepte apprécie plus profondément que nous la Vie et ses manifestations, mais qu'il n'est pas trompé ni aveuglé par elles.

Enfin, il faut tuer le désir ardent de croissance. La Lumière sur le Sentier dit : « Crois comme croît la fleur, inconsciente, mais ardemment désireuse d'ouvrir son âme à l'air. » Ce qui est très différent du « désir ardent de croissance ». Le « désir ardent de croissance » peut être comparé à celui des cellules cancéreuses. C'étaient à l'origine de sages cellules qui se comportaient normalement dans la communauté disciplinée des cellules du corps, jusqu'au moment où elles développèrent le « désir de croissance ». Alors elles devinrent folles, envahirent les tissus environnants, prirent plus que leur part légitime de la nourriture du corps, et devinrent finalement cette chose redoutable : un cancer.

Ayant terminé ce déblaiement préliminaire, nous avons nettoyé le terrain et nous sommes maintenant prêts pour le pas suivant : « Ne désire que ce qui est en toi... car en toi est la lumière du monde, la seule lumière qui puisse être répandue sur le Sentier ». « Ne désire que ce qui est au delà de toi... car en l'atteignant tu as perdu ton soi ». « Ne désire que ce qui est inaccessible... parce qu'elle — cette lumière — recule à jamais. Tu entreras dans la lumière, mais jamais tu ne toucheras la flamme. » Ces paroles de la Lumière sur le Sentier ont le même sens que celles-ci, tirées de La Voix du Silence : « Avant de devenir le CONNAISSEUR du TOUT SOI, tu dois d'abord être le connaisseur du SOI ».  Ce que cela signifie ne peut pas s'exprimer correctement par des mots, mais c'est sans aucun doute ce que le Christ expérimentait quand il disait qu'il connaissait son Père, et ce que Plotin expérimentait quand il parlait de son union avec le Dieu infini.

On nous dit ensuite de désirer le pouvoir ardemment, la paix avec ferveur et les possessions par-dessus tout. À ce stade, le pouvoir, la paix et les possessions que nous devons désirer ne sont pas le pouvoir militaire, ni celui des bombes atomiques ou à hydrogène, ni la paix résultant de l'indulgence et de l'inertie, ni les possessions des richesses, des terres et de la renommée. Le pouvoir « que le disciple convoitera est celui qui le fera paraître comme rien aux yeux des hommes » — mais c'est un pouvoir qui le rendra capable de se tenir comme un compagnon des Êtres Bénis dans leur travail pour former le « Mur Gardien » dont il est dit : « Construit par les mains de nombreux Maîtres de Compassion, érigé par leurs tortures, cimenté de leur sang, ce mur abrite le genre humain depuis que l'homme est homme et le protège contre des misères et des souffrances ultérieures encore plus grandes. »

La paix que le disciple doit rechercher est cette « paix qui dépasse toute compréhension » et qui ne peut être obtenue que lorsque la nature inférieure a été contrôlée et dominée. Une fois cela réalisé, il n'est plus influencé par ses passions et ses désirs, mais son mental est tranquille et son âme limpide comme un lac de montagne. Les possessions qu'il doit désirer doivent « appartenir uniquement à l'âme pure et, par suite, d'une façon égale, à toutes les âmes pures ». Ici encore, il ne doit y avoir aucun sentiment de séparativité. Sur ce plan matériel, le disciple doit avoir perdu tout sentiment du « mien » et du « tien » ; de même, sur le plan supérieur aussi, il doit être prêt à partager sa Connaissance, ses Vertus et sa Force. Il est dit de façon spécifique qu'elles doivent être partagées avec toutes les âmes pures. Le Christ a donné un avis semblable quand il a dit : « Ne donnez pas ce qui est sacré aux chiens, et ne jetez pas vos perles aux pourceaux ! » Tout Occultiste enseigne qu'il est dangereux de donner la connaissance ou le pouvoir à celui qui n'est pas pur, ni digne de confiance.

La Lumière sur le Sentier est un « traité écrit pour l'usage personnel de ceux qui ignorent la Sagesse orientale et qui désirent être placés sous son influence ». Pour ceux qui ne pensent qu'à ce monde, ceux qui sont accaparés par les plaisirs de cette vie, il peut apporter le choc qui permettra de réaliser que tout ce qu'ils ont apprécié et chéri est mâyâ (illusion) et d'une valeur éphémère. Il n'est jamais facile de rejeter des croyances chères ; mais pour celui qui a déjà commencé à douter de la valeur des choses matérielles et qui cherche quelque chose de plus profond et de plus vrai, la Lumière sur le Sentier est un Phare et un Guide.

II — La voie

    Beaucoup de gens croient que la seule manière d'arriver à l'union avec le Soi Supérieur consiste à abandonner le monde, à se retirer, à mener une vie de contemplation. Il y en a d'autres qui croient avec une égale ferveur qu'on ne peut marcher sur la Voie qu'au moyen de l'action, en accomplissant des sacrifices, des cérémonies religieuses, etc... C'est là un de ces points qui rendaient perplexe Arjuna, et, dans le XIIe chapitre de la Gîtâ, Krishna indique un certain nombre de démarches et de moyens qui mènent tous à ce même but de perfection. La même idée se trouve dans La Lumière sur le Sentier, qui dit que la Voie ne doit pas être cherchée par une seule route, car les routes sont nombreuses et chacune a sa valeur propre. En fait, même « les vices de l'homme deviennent, un à un, des degrés de l'échelle, au fur et à mesure qu'ils sont surmontés ». La nature tout entière de l'Homme — nature physique, mentale, morale et spirituelle — doit être mise à profit. S'il ignore quelque aspect de sa nature, il n'avancera que d'un seul pas.

Si l'aspirant demande : « Comment et d'où partirai-je ? » la réponse est : « Pars de l'endroit où lu es maintenant ». Ce voyage spirituel a sa réplique exacte dans le voyage qu'une personne peut désirer faire sur cette terre. S'il est en Angleterre et qu'il désire aller à Paris, force lui est de partir d'Angleterre. S'il est à Rome ou à Bombay, il part alors d'Italie ou de l'Inde. Dans chaque cas, la route est différente, mais finalement la personne arrivera à Paris, si elle n'a pas abandonné en chemin.

Par suite du karma ramené des incarnations précédentes, chaque individu prend le départ dans un milieu particulier et avec des aptitudes et des défauts spéciaux qui lui sont particuliers. Ces choses constituent la personne et représentent son dû, légitime et équitable. Aussi le premier pas consiste-t-il à rester là où nous sommes, dans le milieu que karma nous a donné et d'utiliser chaque événement, au fur et à mesure qu'il survient, comme un moyen d'acquérir des expériences et de progresser.

Le yoga est l'accomplissement parfait de l'action : et c'est ce parfait accomplissement de l'action qui doit être réalisé sur tous les plans : physique, mental et moral. Les petits travaux quotidiens prennent un sens différent et ne sont plus si ennuyeux ni fastidieux si nous les accomplissons en persévérant avec fermeté dans le Yoga. Il peut s'agir d'un yoga physique : nettoyer parfaitement une pièce, couper du bois, conduire une voiture ; il peut s'agir d'un yoga mental : essayer de contrôler le mental, de sorte qu'il demeure dirigé sur un seul point, centré uniquement sur le sujet en question ; il peut s'agir d'un yoga moral : le contrôle de nos sentiments et de nos émotions, de sorte que ce soit nous qui les contrôlions et non pas eux. Quel que soit le type de yoga que nous pratiquions en ce moment, c'est toujours un pas sur la voie.

Une fois que nous acceptons le fait que nous devons partir de l'endroit même où nous nous trouvons et non pas essayer d'échapper à notre karma, la vie devient infiniment plus simple. Nous ne sommes plus anxieux de savoir si ceci ou cela devrait être fait ; tout ce que nous devons faire est de nous poser la question suivante : « Est-ce que ceci est mon devoir ? ». Si oui, alors faisons-le du mieux possible.

Mais ici encore, nous nous trouvons devant un problème. Nous sommes souvent tiraillés entre des devoirs qui s'opposent entre eux. Dans les premiers chapitres de la Gîtâ, Arjuna était ainsi désorienté, et finalement, dans les derniers chapitres, Krishna ne lui dit pas de faire ceci ou cela, mais il déclare : « Agis comme il te semblera le mieux ». Ce point est important. Chacun doit prendre ses propres décisions, et personne ne peut s'en prendre à un autre, ou rejeter la responsabilité sur lui.

Mais quand nous agissons comme il nous semble le mieux, nous devons accorder une grande attention au motif qui se tient sous cette décision. Nous sommes continuellement pris dans le filet de l'illusion sur notre propre personne. Il est dangereusement facile de nous persuader que nous ne faisons ceci ou cela que parce que c'est l'action juste à faire ; cependant, en regardant de plus près dans notre cœur, nous pouvons trouver qu'il y avait quelque désir personnel derrière cette ligne particulière de conduite.

En résumé : la Voie est ici, maintenant, partout. On peut y marcher en faisant chaque petit devoir d'une manière altruiste et aussi parfaitement que possible, parce qu'il se trouve être notre dharma à ce moment particulier. Et il doit être fait parce qu'il est notre dharma, sans nous occuper des conséquences qui peuvent se produire. Si notre motif est juste, alors karma s'occupera du reste. C'est par ces moyens simples que le corps et le mental se purifieront et s'affineront, que l'intuition se développera et que la Voie brillera comme un sentier de lumière.

 

 

Les vices et l’échelle du progrès, B.P. Wadia, C.T.136

« Les vices de l'homme deviennent, un à un, des degrés de l'échelle, au fur et à mesure qu'ils sont surmontés » dit La Lumière sur le Sentier. Mais avant de pouvoir être surmontés, ils doivent être reconnus et la difficulté tient à ce que nous ne nous connaissons pas nous-mêmes — nous ne connaissons pas notre vrai caractère. Ou plutôt, nous nous dupons en nous croyant meilleurs que ce que nous sommes en réalité. L'observation de soi est une qualité qui a besoin d'être développée.

Cependant, même quand nous nous rendons compte de nos faiblesses, il nous est difficile de nous avouer nos propres fautes, parce que cela blesse notre amour-propre. Nous ne prenons jamais le temps de constater que nous avons en nous-mêmes tel et tel vices, et nous oublions que nous sommes ici à cause de nos défauts, et non pas à cause de nos qualités et « qu'aucune faute n'est meilleure ou pire qu'aucune autre faute ».

Nous nous abusons souvent en croyant que nos défauts ont déjà été vaincus, nous cessons de nous attaquer à nos vices et nous abandonnons le combat avant d'avoir remporté la victoire. Cette attitude est dangereuse et peut nous faire rétrograder. Il n'y a pas d'état stationnaire dans la Nature : nous montons ou nous descendons sur l'échelle de l'évolution, mais nous ne restons pas sur place.

Pour reconnaître et vaincre nos vices, il faut nous entraîner à devenir de véritables Âmes de Kshatriyas, des guerriers, sans peur, fermes et forts, incapables de s'enfuir du champ de bataille et possédant la force qui vient de la conviction inébranlable que la conquête de nous-mêmes est une chose possible. Nous devons apprendre à fortifier et utiliser notre pouvoir de volonté, notre capacité de combattre et de conquérir, la faculté de détruire et de régénérer. Pour réussir dans cette entreprise de la purification de soi-même, Virya « l'énergie indomptable qui fraie sa route vers la suprême VÉRITÉ, hors de la boue des mensonges terrestres », est indispensable. Nous devons posséder cette énergie spirituelle qui est capable de transformer notre nature, de même que l'endurance qui jamais ne lâche prise ; car « la vie du Chéla, quoique pleine de nobles possibilités, est une bataille perpétuelle du début à la fin ». Les Maîtres eux-mêmes ne sont pas dispensés de la nécessité du combat. « Nous devons livrer nos propres batailles », dit l'un d'Eux, et l'adage familier : « on n'est pas fait Adepte, on le devient », est une vérité à prendre à la lettre.

Ainsi, vraiment, c'est jusqu'à la fin que l'homme intérieur impersonnel et le soi inférieur animal sont en conflit constant pour obtenir la suprématie. « Cette guerre durera » déclare la Doctrine Secrète « jusqu'à ce que l'homme intérieur et divin accorde son soi extérieur et terrestre à sa propre nature spirituelle ; tant que ce point n'est pas atteint, les forces ténébreuses et farouches de l'homme passionnel terrestre doivent rester perpétuellement en lutte avec leur maître, l'Homme Divin ».

Ainsi, la tâche de l'aspirant chéla consiste non seulement à développer ses vertus mais aussi à conquérir tous les vices disséminés que karma peut amener à la surface, car les vertus « sont inutiles si elles existent seules. La nature tout entière de l'homme doit être sagement mise à profit par celui qui veut entrer sur la voie ». (La Lumière sur le Sentier). L'éducation de l'âme consiste à développer l'homme tout entier pour l'intégrer en un tout complet. Il est réconfortant de penser que nos faiblesses et nos vices peuvent devenir des moyens de nous élever à mesure que nous les combattons et les surmontons et qu'ils nous rendent ainsi capables d'atteindre un barreau plus élevé de l'échelle.

« Nul homme qui perçoit ses erreurs ne peut être un cas désespéré ». Cependant, les vices ne peuvent être vaincus par un seul effort ; leur conquête se fait graduellement.

« Essayez de réaliser », écrit H.P. B., « que le progrès se fait pas à pas et que chaque pas demande un effort héroïque... Les passions conquises, comme des tigres tués, ne peuvent plus se retourner sur vous et vous déchirer ».

La patience est nécessaire, ainsi que la volonté d'essayer et de ne jamais cesser d'essayer. Nous pouvons réussir ou échouer dans la société ou dans le monde des affaires, mais il n'y a rien qui puisse s'appeler une défaite dans la vie spirituelle, si ce n'est le fait de cesser d'essayer. Chaque échec, quand on le reconnaît comme tel, devient un succès.

    « Souviens-toi, ô toi qui combats pour la libération de l'homme, que chaque échec est un succès et toute tentative sincère aura, en son temps, sa récompense. Les germes sacrés qui, invisiblement, poussent et croissent dans l'âme du disciple, fortifient leurs tiges à chaque nouvelle épreuve ; elles se plient comme des roseaux, mais jamais ne se rompent et jamais ne peuvent être perdues. Mais quand l'heure a sonné, vient leur floraison. » (La Voix du Silence, pp. 84-5).

Et, dans une note, H.P. B. explique que ces versets sont une allusion aux passions et aux péchés humains qui sont abattus durant les épreuves du noviciat, et qui servent de terrain fertilisé où les « germes sacrés » ou les semences des vertus transcendantes pourront un jour germer et croître

Tant que nous sommes conscients de nos échecs, nous sommes saufs. Nous pouvons réparer le tort fait et transformer les forces du mal en pouvoirs bénéfiques. Dès que nous nous rendons compte d'un défaut, nous devrions l'écraser dans l'œuf.

« Car maintenant, sur le seuil, une faute peut se réparer. Mais si tu l'emportes avec toi, elle grandira et donnera des fruits, à moins que tu ne la détruises au prix d'amères souffrances. » (La Lumière sur le Sentier).

Nous devons aussi tenir compte du fait que, au fur et à mesure que nous avançons sur le Sentier, les vices que nous devons affronter et vaincre « subissent une transformation subtile, et réapparaissent sous un aspect différent dans le cœur du disciple. Il est facile de dire : je ne serai pas ambitieux, il n'est pas aussi aisé de dire : quand le Maître lira dans mon cœur, il le trouvera tout à fait pur » (La Lumière sur le Sentier).

Nous recevons aussi l'avertissement que « si le sens de la personnalité, la vanité, l'amour-propre, trouvent refuge sur le plan des principes supérieurs, ils sont beaucoup plus dangereux que ces mêmes défauts lorsqu'ils n'appartiennent qu'à la nature physique inférieure de l'homme ».

De même, les vertus à acquérir ne sont pas des vertus ordinaires, mais des vertus transcendantes.

Chaque vice est l'ombre obscure d'une vertu et avant de pouvoir atteindre le degré supérieur de l'échelle, tous les vices doivent être transmués en vertus. Tâche bien malaisée que cette transmutation ! En fait, c'est le plus difficile de tous les combats. C'est pourquoi le Bouddha a donné cet enseignement : « Meilleur que celui qui dans le combat est mille fois vainqueur d'un millier d'hommes, est celui qui est vainqueur de lui-même. Il est en vérité le plus puissant des guerriers ».

Chacun doit livrer sa propre bataille sans aide. Personne d'autre ne peut le faire à notre place. « La couronne du vainqueur », dit un Maître, « n'est réservée qu'à celui qui se montre digne de la porter ; à celui qui s'attaque à Mara en combat singulier et vainc le démon de la convoitise et des passions terrestres ; et ce n'est pas nous, mais c'est Lui-même, qui en couronnera son front »

Qu'est-ce qui nous aidera à l'emporter sur l'homme animal inférieur, « l'homme de péché » ? Les aspirations altruistes affaiblissent la puissance du soi inférieur plein du sens de lui-même. Et tandis que nous essayons de réaliser nos aspirations spirituelles, avec un constant désir de nous unir à notre Soi Supérieur, nous construisons l'Antakharana* — le pont entre l'homme personnel et l'Ego divin — et ce n'est qu'en tant qu'êtres Antakharaniques que nous serons capables de regarder sans passion notre soi personnel, de le prendre fermement en main et enfin d'apprendre à le placer sous notre contrôle. N'oublions donc pas l'enseignement suivant : « le seul échec qu'un être puisse éprouver du point de vue spirituel réside dans l'abandon de son aspiration ».

 

Note

* ANTAHKARANA (sans.), ou Antaskarana. Ce mot possède des sens divers qui varient avec chaque école de philosophie et chaque secte. C'est ainsi que Sankarâchârya lui donne le sens de "compréhension", d'autres d'"instrument interne, l'Ame formée du principe pensant et de l'égoïsme", tandis que les occultistes l'expliquent comme le sentier ou le pont entre les Manas supérieur et inférieur, l'Ego divin, et l'Ame personnelle de l'homme. Il sert de moyen de communication entre les deux et transmet de l'égo inférieur à l'Ego Supérieur toutes ces impressions et pensées personnelles des hommes qui peuvent, par leur nature, être assimilées et amassées par l'Entité impérissable, et être ainsi rendues immortelles avec elle, cela constituant les seuls éléments de la Personnalité évanescente qui survivent à la mort et au temps. Il va sans dire que seul ce qui est noble, spirituel et divin en l'homme peut témoigner dans l'Éternité qu'il a vécu.

 

 

La Voix du Silence, H.P. Blavatsky (extrait)

« Trois Salles, ô pèlerin éprouvé, conduisent à la fin des labeurs. Trois Salles, ô toi qui t'affrontes à Mâra (personnification de toutes les tentations), te conduiront par trois états jusqu'au quatrième (ce sont les 3 états de conscience, veille, sommeil et sommeil sans rêve, et le 4ème un état de haute conscience spirituelle, appelé Turîya), et de là dans les sept mondes, les mondes de l'Éternel Repos (les sept plans de l'être, les sept loka ou mondes spirituels).

    Si tu veux en connaître les noms, écoute et souviens-toi.

    Le nom de la première Salle est IGNORANCE, Avidyâ.

    C'est la Salle où tu as vu le jour, où tu vis et où tu mourras (Il s'agit du monde phénoménal des sens et de la conscience terrestre.).

    La seconde Salle a pour nom : Salle d'APPRENTISSAGE (La Salle d'Apprentissage probatoire pour le disciple). Là ton Âme trouvera les fleurs de la vie, mais sous chaque fleur un serpent lové (il s’agit de la région astrale, le monde psychique des perceptions extra-sensorielles et des visions trompeuses).

    Le nom de la troisième Salle est SAGESSE ; au-delà s'étendent les eaux sans rivage d'AKSHARA, l'indestructible Source d'Omniscience (C'est la région de pleine Conscience Spirituelle).

    Si tu veux traverser en sûreté la première Salle, ne laisse pas ton mental s'abuser et prendre les feux du désir qui y brûlent pour la lumière solaire de la vie.

    Si tu veux traverser en sûreté la seconde Salle, ne t'arrête pas à respirer le parfum de ses fleurs stupéfiantes. Si tu veux te libérer des chaînes karmiques, ne cherche pas ton Guru dans ces régions mâyâviques.

    Les SAGES ne s'attardent pas dans les champs de plaisir des sens.

    Les SAGES ne prêtent pas attention aux voix charmeuses de l'illusion.

 

   Cherche celui qui doit te donner naissance (Il s'agit de l'Initié qui, par la Connaissance qu'il donne à son disciple, le guide vers sa naissance spirituelle) dans la Salle qui est au-delà, la Salle de Sagesse, où toutes les ombres sont inconnues et où la lumière de la vérité resplendit d'une gloire inaltérable.

    Cela qui est incréé réside en toi, disciple, comme aussi en cette Salle. Si tu veux l'atteindre et fusionner les deux, tu dois te dépouiller de tes sombres vêtements d'illusion. Étouffe la voix de la chair, ne permets à aucune image des sens de s'interposer entre sa lumière et la tienne, afin que les deux puissent se fondre en une. Ayant pris connaissance de ton Ajñâna (ignorance et non-sagesse), fuis la Salle d'Apprentissage. Cette Salle est dangereuse en sa beauté perfide, elle n'est utile que pour ta probation. Prends garde, Lanou (disciple), qu'éblouie d'un rayonnement illusoire ton Âme ne s'y attarde et ne se laisse prendre à sa lumière trompeuse.

    Cette lumière rayonne du joyau du Grand Ensorceleur (Mâra). Elle fascine les sens, aveugle le mental et laisse sur place l'imprudent comme une épave abandonnée.

    La phalène attirée par la flamme éblouissante de la lampe nocturne est condamnée à périr dans l'huile visqueuse. L'Âme imprudente qui ne lutte pas pied à pied avec le démon moqueur de l'illusion reviendra sur terre esclave de Mâra. »

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