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Le phare de l’inconnu[1], H.P. Blavatsky

II est dit dans un vieux livre sur les études occultes :

« La Gupta Vidya (Science Secrète), est une mer attrayante, mais houleuse, et pleine d'écueils. Le navigateur qui s'y risque, s'il n'est sage et riche d'expérience acquise[2], sera englouti, brisé sur les mille récifs sous-marins. De grandes vagues, couleur de saphir, rubis et émeraude, des vagues pleines de beauté et de mystère le recouvriront, prêtes à porter les marins vers d'autres et nombreux phares qui brillent dans toutes les directions. Mais ce sont de faux phares, des feux follets allumés par les fils de Kâlya[3] pour la destruction de ceux qui demeurent aveugles à la lumière de ces feux trompeurs ; plus heureux ceux qui ne détournent jamais leurs regards du seul vrai phare, dont la flamme éternelle brûle solitaire au milieu de l'abîme des eaux de la Science Sacrée. Nombreux sont les pèlerins qui désirent s'y plonger ; bien rares les nageurs vigoureux qui atteignent le Phare. Pour y arriver il faut cesser d'être un nombre, et être devenu tous les nombres. Il faut oublier l'illusion de la séparation, et n'accepter que la vérité de l'individualité collective[4]. Il faut voir par l'ouïe, entendre avec les yeux[5], lire le langage de l'arc-en-ciel, et avoir concentré ses six sens dans le septième[6].

Le « Phare » de la Vérité, c'est la Nature sans le voile de l'illusion des sens. Il ne peut être atteint avant que l'adepte ne soit devenu maître absolu de son moi personnel, capable de contrôler tous ses sens physiques et psychiques, à l'aide de son « septième sens », grâce auquel il est doué, ainsi, de la vraie sagesse des dieux, Theo-Sophia.

Inutile de remarquer que les profanes, — les non-initiés, au dehors du temple, ou pro-fanes, — jugent les « phares », et le « Phare » ci-dessus mentionnés, en sens inverse. Pour eux, c'est le Phare de la vérité Occulte qui représente l'ignis fatuus, le grand feu follet de l'illusion et de la bêtise humaines, et ils considèrent tous les autres comme les écueils bienfaisants qui arrêtent les exaltés à temps, sur la mer de la folie et de la superstition.

« N'est-ce point assez », nous disent nos bienveillants critiques, « que le monde soit arrivé, à force d' « ismes », à celui de théosophisme, qui n'est que fumisterie transcendante, sans que celui-ci nous offre encore de la magie réchauffée du moyen âge, avec ses grands sabbats, et son hystérie chronique ? »

Halte-là, Messieurs ! Savez-vous seulement, pour parler ainsi, ce que c'est que la vraie magie, ou les Sciences occultes ? Vous vous êtes bien laissé gorger en classe de la « Sorcellerie diabolique » de Simon le magicien et de son disciple Ménandre, d'après ce bon Père Irénée, le trop zélé Théodoret et l'auteur inconnu de Philosophumena. Vous vous êtes laissé dire, d'un côté, que cette magie venait du diable ; de l'autre, qu'elle n'était que le résultat de l'imposture et de la fraude. Fort bien. Mais que savez-vous de la vraie nature du système pratiqué par Apollonius de Tyane, Jamblique et autres mages ? Et que pensez-vous de l'identité de la théurgie de Jamblique, avec la « magie » des Simon et des Ménandre ? Son vrai caractère n'est dévoilé qu'à demi par l'auteur du livre de Mysteriis[7]. Néanmoins, ses explications convertirent Porphyre, Plotin et d'autres, qui, d'ennemis qu'ils étaient de la théorie ésotérique, devinrent ses plus fervents adhérents. La raison en est fort simple. La vraie Magie, dans la théurgie de Jamblique, est à son tour identique avec la gnose de Pythagore, la science des choses qui sont ; et avec l'extase divine des Philalèthes, «  les amants de la Vérité ». Or, on ne doit juger de l'arbre que par ses fruits. Quels sont ceux qui ont témoigné du caractère divin et de la réalité de cette extase appelée aux Indes Samâdhi[8] ? C'est une longue série d'hommes, qui, s'ils avaient été chrétiens, eussent été canonisés ; non sur le choix de l'Eglise, qui a ses partialités et ses prédilections, mais sur celui des populations entières et de la vox populi, qui ne se trompe presque jamais dans ses appréciations. C'est d'abord Ammonius Saccas, surnommé le théodidaktos, « enseigné par Dieu » ; le grand maître dont la vie fut si chaste et si pure que Plotin, son élève, perdit à tout jamais l'espoir de voir jamais aucun mortel qui lui fut comparable. C'est ce même Plotin qui fut pour Ammonius ce que Platon fut pour Socrate, c'est-à-dire un élève digne des vertus de son illustre maître. C'est Porphyre encore l'élève de Plotin[9], l'auteur de la bibliographie de Pythagore. Dans la pénombre de cette gnose divine dont l'influence bienfaisante a radié jusqu'à nos jours, se développèrent tous les mystiques célèbres des derniers siècles, tels que Jacob Boëhmen, Emmanuel Swedenborg, et tant d'autres. Mme Guyon est le sosie féminin de Jamblique. Les Quiétistes chrétiens, les Soufis musulmans, et les Rose-Croix de tous les pays, s'abreuvèrent aux eaux de cette source inépuisable, la Théosophie des Néo-Platoniciens des premiers siècles de l'ère chrétienne. La gnose précéda cette ère, car elle fut la continuation directe de la Gupta Vidya, et de la Brahmâ-Vidya (« connaissance secrète », et « connaissance du Brahmâ ») des Indes de l'antiquité, transmise par la voie de l'Egypte ; comme la théurgie des Philalètes est la continuation des mystères Egyptiens. En tout cas, le point de départ de cette magie diabolique, c'est la Divinité suprême ; son terme et but final, l'union de l'étincelle divine qui anime l'homme avec la Flamme-mère, qui est le Tout divin.

Ce but est l'ultima thule des théosophes qui se vouent entièrement au service de l'humanité. En dehors de ceci, ceux qui ne sont pas encore prêts à tout sacrifier, peuvent s'occuper des sciences transcendantes, telles que le Mesmérisme et les phénomènes modernes sous toutes leurs formes. Ils en ont le droit, d'après la clause qui spécifie, comme un des buts de la Société Théosophique : « l'étude des lois inconnues de la nature, et des pouvoirs psychiques latents dans l’homme. »

Les premiers sont peu nombreux, — l'altruisme absolu étant un rara avis même parmi les théosophes modernes. Les autres membres sont libres de s'occuper de ce qui leur plaît. Malgré cela, en dépit de la franchise de leurs allures qui n'ont rien de mystérieux, nous sommes constamment mis en demeure de nous expliquer ; de persuader le public que nous ne tenons pas de sabbat, que nous ne fabriquons pas de manches à balai pour l'usage des théosophes. Ceci devient parfois grotesque. Quand ce n'est pas d'un nouvel « isme » d'une religion tirée des profondeurs d'un cerveau détraqué, ou de fumisterie, que nous sommes accusés, c'est d'exercer les arts de Circé sur les hommes et les bêtes. Les quolibets et les railleries pleuvent sur la Société Théosophique dru comme grêle. Elle reste cependant toujours debout, depuis quatorze ans que cela continue : elle a la vie dure, vraiment !

Après tout, les critiques qui ne jugent que d'après l'apparence, n'ont pas tout à fait tort. Il y a théosophie et théosophie : la vraie théosophie, du théosophe, et celle du membre de la Société de ce nom. Que sait le monde de la vraie théosophie ? Comment peut-il juger entre celle d'un Plotin, et celle des faux frères ? Et de ceux-ci, la Société possède plus que sa part légitime. L'égoïsme, la vanité, et la suffisance de la majorité des hommes sont incroyables. II y en a pour qui leur petite personnalité constitue l'univers entier, hors de laquelle point de salut. Faites remarquer à l'un d'eux que l'alpha et l’oméga de la sagesse ne sont pas limités par la circonférence de son cerveau, que son jugement ne pourrait marcher de pair avec celui du roi Salomon, et aussitôt vous vous rendez coupable à ses yeux d'anti-théosophie. Vous avez commis le blasphème contre l'Esprit, qui ne vous sera point pardonné, ni dans ce siècle, ni dans celui qui est à venir. Ceux-là disent : « la théosophie, c'est moi », comme Louis XIV disait : « l'Etat, c’est moi ». Ils parlent de fraternité et d'altruisme, et n'aiment, en réalité, que ce qui n'aime personne, — eux-mêmes, — en d'autres termes leur petit « moi ». Leur égoïsme leur fait imaginer que seuls ils représentent le temple de la Théosophie, et qu'en se proclamant au monde eux-mêmes, ils proclament la théosophie. Hélas ! les portes et les fenêtres de ce « temple » ne sont qu'autant de canaux par où pénètrent, mais ne sortent presque jamais, les vices et les illusions des médiocrités égoïstes.

Ceux-là sont les termites blancs de la Société Théosophique, qui, en rongent les fondements, et lui sont une menace perpétuelle. On ne respire librement que lorsqu'ils la quittent.

Ce n'est pas eux qui pourraient jamais donner une idée correcte, de la théosophie pratique, encore moins de la théosophie transcendante qui occupe l'esprit d'un petit groupe d'élus. Chacun de nous possède la faculté, le sens intérieur connu sous le nom d'intuition ; mais combien rares sont ceux qui savent le développer ! C'est cependant le seul qui puisse faire voir les hommes et les choses sous leurs vraies couleurs. C'est un instinct de l'âme qui croît en nous, en proportion de l'usage que nous en faisons, et qui nous aide à apercevoir et à comprendre tout fait réel et absolu avec plus de clarté que ne le ferait le simple exercice de nos sens et de notre raisonnement. Ce qu'on appelle le bon sens et la logique ne nous permet de voir que l'apparence des choses, ce qui est évident pour tous. L'Instinct dont je parle étant comme une projection de notre conscience perceptive, projection qui s'opère du subjectif à l'objectif, et non vice versa, éveille en nous les sens spirituels et les force à agir ; ces sens s'assimilent l'essence de l'objet ou de l'action que nous examinons, nous les représentent tels qu'ils sont, et non tels qu'ils paraissent à nos sens physiques ou à notre froide raison. « Nous commençons par l'instinct, nous finissons par l'omni-science », dit le professeur A.Wilder, notre plus vieux collègue. Jamblique a décrit cette faculté, et certains théosophes ont pu apprécier toute la vérité de sa description.

« Il existe, dit-il, une faculté dans l'esprit humain, qui est immensément supérieure à toutes celles qui sont greffées sur nous, ou engendrées par elle, nous pouvons atteindre à l'union avec des intelligences supérieures, nous trouver transportés au-delà des scènes et de la vie de ce monde, et partager l'existence supérieure et les pouvoirs surhumains des habitants célestes. Par cette faculté nous nous trouvons libérés finalement de la domination du Destin (Karma), et devenons, pour ainsi dire, les arbitres de notre sort. Car, lorsque les parties les plus excellentes en nous se trouvent remplies d'énergie, et que notre âme est emportée vers des essences plus élevées que la science, elle peut se séparer de ces conditions qui la retiennent sous le joug de la vie pratique journalière ; elle échange sa vie actuelle pour une autre vie, et renonce aux habitudes conventionnelles qui appartiennent à l'ordre extérieur des choses pour s'abandonner et se confondre avec cet autre ordre qui règne dans l'existence la plus élevée... »

Platon a exprimé cette idée en deux lignes :

« La lumière et l'esprit de la Divinité sont les ailes de l'âme. Elles l'élèvent jusqu'à la communion avec les dieux, au-dessus de cette terre, avec laquelle l'esprit de l'homme est trop prêt à se salir... Devenir comme les dieux, c'est devenir saint, juste et sage. Tel est le but pour lequel l'homme fut créé, tel doit être son but dans l'acquisition de la science ».

Ceci est la vraie théosophie, la théosophie intérieure, celle de l'âme. Mais, poursuivie dans un but égoïste, elle change de nature, et devient de la démonosophie. Voici pourquoi la Sagesse Orientale nous apprend que le Yogi Indou qui s'isole dans une forêt impénétrable, ainsi que l'ermite chrétien qui se retire, comme aux temps jadis, dans le désert, ne sont tous deux que des égoïstes accomplis. L'un, agit dans l'unique but de trouver dans l'essence une et nirvanique refuge contre la réincarnation ; l'autre, dans le but de sauver son âme, — tous les deux ne pensent qu'à eux-mêmes. Leur motif est tout personnel; car, en admettant qu'ils atteignent le but, ne sont-ils pas comme le soldat poltron, qui déserte l'armée au moment de l'action, pour se préserver des balles ? En s'isolant ainsi, ni le Yogi, ni le « saint », n'aident personne autre qu'eux-mêmes ; ils se montrent, par contre, profondément indifférents au sort de l'humanité qu'ils fuient et désertent. Le Mont Athos contient peut-être quelques fanatiques sincères. Cependant, même ceux-là, ont déraillé inconsciemment de l'unique voie qui peut les conduire à la vérité, — la voie du Calvaire, où chacun porte volontairement la croix de l'humanité et pour l'humanité. En réalité, c'est un nid de l'égoïsme le plus grossier. C'est à leurs pareils que s'applique la remarque d'Adams sur les monastères : « Il y a des créatures qui semblent avoir fui le reste de l'humanité pour le seul plaisir de rencontrer le diable en tête-à-tête. »

 

[1] Cet article a paru la première fois, en français, dans la Revue Théosophique de mai 1889 (écrit en français par l'auteur).

[2] Sous la direction d'un gourou ou maître.

[3] Le grand serpent vaincu par Krishna et chassé de la rivière de Yanuma dans la mer, où le serpent Kâlya prit pour femme une espèce de Sirène dont il eut une nombreuse famille.

[4] L'illusion de la personnalité du moi, à part et placée par notre égoïsme au premier plan. En un mot, il faut s'assimiler l'huma­nité entière, vivre par elle, pour elle, et dans elle, en d'autres termes cesser d'être « un » pour devenir « tous » ou le total.

[5] Expression Védique. Les sens, en comptant les deux sens mysti­ques, sont sept dans l'occultisme ; mais un Initié ne sépare pas plus ses sens l'un de l'autre qu'il ne sépare son unité de l'Humanité. Chaque sens contient tous les autres.

[6] Symbologie des couleurs. Le langage du prisme, dont « les sept couleurs mères ont chacune sept fils », c'est-à-dire quarante-neuf teintes ou « fils » entre les sept, lesquelles teintes graduées sont autant de lettres ou caractères alphabétiques. Le langage des couleurs a donc cinquante-six lettres pour l'initié (ne pas confondre avec l'adepte, voir mon article « Signal de Danger »). De ces lettres, chaque septénaire s'absorbe dans sa couleur mère, comme chacune des sept couleurs mères est absorbée finalement dans le rayon blanc, l'Unité divine symbolisée par ces couleurs.

[7] Par Jamblique qui l'écrivit sous le pseudonyme du nom de son maître, le prêtre égyptien Abammon.

 

[8] Samâdhi, un état de contemplation abstraite, définie par des termes sanscrits dont chacun demande une phrase entière pour l'expli­quer. C'est un état mental ou, plutôt spiritue1, qui ne dépend d'aucun objet perceptible et pendant lequel le sujet vit, absorbé dans le domaine de l'esprit pur, dans la Divinité.

[9] Le citoyen de Rome pendant vingt-huit ans, l'homme si honnête que l'on tenait à honneur de le faire tuteur des orphelins des plus riches patriciens. Il mourut sans s'être jamais fait un ennemi pendant ces vingt-huit ans.

Gautama, le Bouddha, ne passa dans la solitude que juste le temps qu'il lui fallut pour arriver à la vérité, qu'il se dévoua ensuite à proclamer, mendiant son pain, et vivant pour l'humanité. Jésus ne se retira au désert que pour quarante jours, et mourut pour cette même humanité. Apollonius de Tyane, Plotin et Jamblique menant une vie de singulière abstinence et presque d'ascétisme, vivaient dans le monde et pour le monde. Les plus grands ascètes et Saints de nos jours ne sont pas ceux qui se retirent dans des localités inabordables ; mais ceux qui, bien qu'évitant l'Europe et les pays civilisés où chacun n'a plus d'oreilles et d'yeux que pour soi, pays partagés en deux camps de Caïns et d'Abels, passent leur vie à voyager en faisant le bien et tâchant d'améliorer l'humanité.

Ceux qui regardent l'âme humaine comme étant l'émanation ne la divinité, comme une parcelle ou rayon de l'âme universelle et ABSOLUE, comprennent mieux que les chrétiens la parabole des talents. Celui qui cache le talent qui lui est donné par son « Seigneur » dans la terre, perdra ce talent, comme le perd l'ascète qui se met en tête de « sauver son âme » dans une solitude égoïste. Le « bon et fidèle serviteur » qui double son capital en moissonnant pour celui qui n'a pas semé, parce qu'il n'en avait pas les moyens, et recueille là où le pauvre n'a pas répandu le grain, agit en véritable altruiste. II recevra sa récompense, justement parce qu'il a travaillé pour un autre, sans aucune idée de rémunération ou de reconnaissance. C'est le théosophe altruiste ; tandis que le premier n'est que l'égoïste et le poltron.

Le phare sur lequel les yeux de tous les théosophes bienpensants sont fixés, est celui qui a été de tout temps le point de mire de l'âme humaine emprisonnée. Ce phare, dont la lumière ne brille sur aucune des eaux terrestres, mais qui a miroité sur la sombre profondeur des eaux primordiales de l'espace infini, a nom pour nous, comme pour les théosophes primitifs, — « Sagesse divine ». C'est le mot final de la doctrine ésotérique ; et dans l'antiquité, quel est le pays ayant eu droit d'être appelé civilisé qui n'ait possédé son double système de SAGESSE, dont une partie était pour les masses, et l'autre pour le petit nombre, l'exotérique et l'ésotérique ? Ce nom de SAGESSE, ou, comme on dit parfois, la « religion de la sagesse », ou théosophie, est vieux comme la pensée humaine. Le titre de sages, — les grands prêtres de ce culte de la vérité, — en fut le premier dérivé. L'épithète se transforma ensuite en celle de philosophie et de philosophes, — les « amants de la science », ou de la sagesse. C'est à Pythagore qu’on doit ce nom, ainsi que celui de gnosis, du système de  «  la connaissance des choses qui sont », ou de l'essence cachée sous l'apparence extérieure. Sous ce nom, si noble et si correct dans sa définition, tous les maîtres de l'antiquité désignaient l'agrégat des connaissances humaines et divines. Les sages et Brachmânes des Indes, les mages de la Chaldée et de la Perse, les hiérophantes d'Egypte et de l'Arabie, les prophètes ou Nabi de la Judée et d'Israël, ainsi que les philosophes grecs et romains, ont toujours classifié cette science à part en deux parties, l'ésotérique, ou la vraie, et l'exotérique, masquée sous le symbolisme. Jusqu'à ce jour, les Rabbins juifs désignent sous le nom de Mercavah, le corps ou le véhicule de leur système religieux, celui qui contient les sciences supérieures, accessibles aux initiés seuls, dont il n'est que l'écorce.

On nous accuse de mystère, et on nous reproche de tenir secrète la théosophie supérieure. Nous confessons que la doctrine que nous nommons gupta vidya (science secrète) n'est que pour le petit nombre. Mais quels sont les maîtres dans l'antiquité qui ne gardaient pas leurs enseignements secrets, de peur de les voir profaner ? Depuis Orphée et Zoroastre, Pythagore et Platon, jusqu'aux Rose-croix et aux Francs-Maçons plus modernes, ce fut une règle constante que le disciple devait gagner la confiance du Maître avant de recevoir de lui le mot suprême et final. Les religions les plus anciennes ont toujours eu leurs grands et leurs petits mystères. Les néophytes et les catéchumènes prêtaient un serment inviolable avant d'être acceptés. Les Essènes de la Judéee et du Carmel en faisaient autant. Les Nabi et les Nazars (les « séparés » de l'Israël) comme les Chelas laïques et les Brahmâcharyas des Indes, différaient de beaucoup entre eux. Les premiers pouvaient et peuvent être mariés et rester dans le monde tout en étudiant les documents sacrés jusqu'à certaines limites ; les seconds, les Nazars, et les Brahmâcharyas, ont toujours été voués aux mystères de l'initiation. Les hautes écoles de l'Esotérisme étaient internationales, quoique exclusives ; à preuve Platon, Hérodote et d'autres, allant se faire initier en Egypte ; tandis que Pythagore, après avoir visité les Brâhmes aux Indes, se rendit à un sanctuaire égyptien, et finalement se fit recevoir, selon Jamblique, au mont Carmel. Jésus, suivit la coutume traditionnelle, et se justifia de sa réticence en répétant le précepte si connu :

Ne donnez point les choses saintes aux chiens,

Ne jetez point vos perles devant les pourceaux,

De peur que ceux-ci ne les foulent sous leurs pieds,

Et que les chiens, se retournant, ne vous déchirent...

 

Certains écrits antiques, connus d'ailleurs des bibliophiles, personnifient la SAGESSE, qu'ils représentent comme émanant d'AIN-SOPH, le Parabrahm des kabbalistes juifs, et en font l'associée et la compagne du dieu manifesté. De là son caractère sacré parmi tous les peuples. La sagesse est inséparable de la divinité. Ainsi nous avons les Védas émanant de la bouche du Brahmâ indou (le logos) Bouddha vient de Boudha, « Sagesse », intelligence divine ; le Nebo babylonien, le Thot de Memphis, l'Hermès des Grecs, étaient tous des dieux de la sagesse ésotérique.

L'Athêna grecque, la Mêtis et la Neitha égyptiennes sont les prototypes de la Sophia-Achamoth, la sagesse féminine des gnostiques. Le Pentateuque samaritain appelle le livre de la Genèse Akamauth, ou « Sagesse », de même que deux fragments de manuscrits fort antiques, « La Sagesse de Salomon », et « La Sagesse de Iasous » (Jésus). Le livre appelé Mashalim ou « Discours et proverbes de Salomon », personnifié la sagesse en l'appelant « l'auxiliaire du (Logos) créateur », en ces termes (Je traduis verbatim) :

I (a) HV (e) H me posséda, dès son commencement[1]

Mais la première émanée dans les éternités.

J'apparus dès l'antiquité, la primordialité. -

Dès le premier jour de la terre ;

Je suis née avant le grand abîme.

Et lorsqu'il n'y avait ni sources ni eaux,

Lorsque le ciel se bâtissait, j'étais là.

Lorsqu'il traça le cercle sur la face de l’abîme,

J'étais là avec lui Amun,

J'étais ses délices, jour après jour.

 

Ceci est exotérique, comme ce qui a rapport aux dieux personnels des nations. L'INFINI ne peut être connu de notre raison, qui ne fait que distinguer et définir ; — mais nous pouvons toujours en concevoir l'idée abstraite, grâce à cette faculté supérieure de la raison, — l'intuition, ou l'instinct spirituel dont je viens de parler. Les grands initiés ayant la rare, faculté de se mettre dans l'état de Samadhi, — que nous ne pouvons traduire qu'imparfaitement par le terme extase, un état où l'on cesse d'être le « moi » conditionné et personnel pour devenir un avec le TOUT, — sont les seuls qui peuvent se vanter d'avoir été en contact avec l'infini  mais pas plus que les autres mortels, ils ne pourraient définir cet état par des paroles...

Ces quelques traits de la vraie théosophie et ses pratiques, sont ébauchés pour un petit nombre de nos lecteurs qui sont doués de l'intuition voulue. Quant aux autres, ou bien ils ne nous comprendraient pas, ou bien ils riraient.

Nos aimables critiques savent-ils toujours ce dont ils se moquent ? Ont-ils la moindre idée du travail qui s'opère dans le monde entier et du changement mental produit par cette théosophie qui les fait sourire ? Le progrès accompli par notre littérature est évident, et grâce à certains théosophes infatigables il devient manifeste aux plus aveugles. Il y en a qui sont persuadés que la théosophie est la philosophie et le code, sinon la religion, de l'avenir. Les rétrogrades, amoureux du dolce farniente du conservatisme, le pressentent : de là toutes ces haines et persécutions, appelant à leur aide la critique. Mais la critique, inaugurée par Aristote, a dévié loin de son programme primitif. Les anciens philosophes, ces ignares sublimes en matière de civilisation moderne, quand ils critiquaient un système ou une œuvre, le faisaient avec impartialité, et dans le seul but d'améliorer et de perfectionner ce qu'ils dépréciaient. Ils étudiaient le sujet d'abord et l'analysaient ensuite. C'était un service rendu, accepté et reconnu comme tel, de part et d'autre. La critique moderne s'en tient-elle toujours à cette règle d'or ? Il est bien évident que non. Ils sont loin, nos juges d'aujourd'hui, même de la critique philosophique de Kant. La critique basée sur l'impopularité et le préjugé a remplacé celle de la « pure raison » ; et l'on finit par déchirer à belles dents tout ce que l'on ne comprend pas, et surtout ce que l'on ne tient pas le moins du monde à comprendre. Au siècle dernier, — l'âge d'or de la plume d'oie, — celle-ci mordait bien parfois, tout en rendant justice. La femme de César pouvait être soupçonnée : elle n'était jamais condamnée avant d'être entendue. Dans notre siècle de prix Montyon et de statues publiques pour celui qui inventera le projectile de guerre le plus meurtrier ; aujourd'hui que la plume d'acier a remplacé son humble prédécesseur, les crocs du tigre du Bengale ou ceux du saurien terrible du Nil feraient des incisions moins cruelles et moins profondes que ne le fait le bec d'acier du critique moderne, presque toujours absolument ignorant de ce qu'il déchire si bien en lambeaux !

C'est une consolation peut-être, que de savoir que la majorité de nos critiques littéraires, transatlantiques ou continentaux, sont des ex-écrivassiers qui ont fait fiasco en littérature, et qui se vengent maintenant de leur médiocrité, sur tout ce qu'ils rencontrent sur leur route. Le petit vin bleu insipide et falsifié devient presque toujours très fort vinaigre. Malheureusement les reporters de la presse en général, — les affamés d'émoluments en espèces, — que nous serions désolés de priver de leurs honoraires, même à nos dépens, — ne sont pas nos seuls ni nos plus dangereux critiques. Les cagots et les matérialistes, — les brebis et les boucs des religions, — nous ayant placés à leur tour sur leur index expurgatorius, nos livres sont exilés de leurs bibliothèques, nos journaux sont boycottés, et nous-mêmes sommes livrés à l’ostracisme le plus absolu. Telle âme pieuse qui accepte à la lettre tous les miracles bibliques, suivant avec émotion les recherches ichthyo-graphiques de Jonas dans le ventre de sa baleine, comme le voyage trans-éthéré d'Elie s'envolant en Salamandre dans son chariot de feu, — traite néanmoins les théosophes de gobe-mouches et de fripons. Tel autre, — âme damnée de Hœckel, — tout en montrant une foi aussi aveugle que le cagot, dans sa croyance en l'évolution de l'homme et du gorille d'un ancêtre commun, — vu l'absence totale de toute trace dans la nature d'un lien quelconque, — se pâme de rire en trouvant son voisin qui croit aux phénomènes occultes et aux manifestations psychiques. Avec tout cela, ni le cagot, ni l'homme de science, pas même l'académicien admis au nombre des «  Immortels », ne saurait nous expliquer le plus petit des problèmes de la vie. Le métaphysicien qui étudie depuis des siècles le phénomène de l'être dans ses premiers principes, et qui sourit de pitié en écoutant les divagations théosophiques, — serait bien embarrassé de nous expliquer la philosophie ou même la raison d'être du rêve. Qui d'eux nous informera pourquoi toutes les opérations mentales — excepté le raisonnement qui se trouve seul comme suspendu et paralysé, — fonctionnent pendant nos rêves avec une force et une activité aussi grandes que pendant nos veilles ? Le disciple d'Herbert Spencer renverrait celui qui lui poserait la question carrément — au biologiste. Celui-ci, pour qui la digestion est l'alpha et l'oméga de tout rêve, ainsi que l'hystérie, ce grand Protée aux mille formes, qui agit dans tout phénomène psychique, ne réussirait pas à nous contenter. L'indigestion et l'hystérie, en effet, sont deux sœurs jumelles, deux déesses, à qui le physiologiste moderne élève un autel pour s'en faire le grand prêtre officiant. Ceci le regarde pourvu qu'il ne se mêle pas des dieux de ses voisins.

Il suit de tout cela que le chrétien qualifiant la théosophie de « science maudite » et de fruit défendu ; l'homme de science ne voyant dans la métaphysique que le « domaine du poète timbré » (Tyndall) : le reporter n'y touchant qu'avec des pincettes empoisonnées ; et le missionnaire l'associant avec l'idolâtrie de « l'Indou anuité », — il s'ensuit, disons-nous, que la pauvre Theo-Sophia est aussi mal partagée qu'elle l'était lorsque les anciens l'appelaient la Vérité, — tout en la reléguant au fond d'un puits. Même les KabaIistes « Chrétiens » qui aiment tant à se mirer dans les eaux sombres de ce puits profond, quoiqu'ils n'y voient que la réflexion de leurs propres visages qu'ils prennent pour celui de la Vérité, — même les Kabalistes nous font la guerre !... Tout cela, cependant, n'est pas une raison pour que la Théosophie n'ait rien à dire pour sa défense, et faveur; pour qu'elle cesse de plaider son droit à être entendue, et que ses serviteurs loyaux et fidèles négligent leur devoir en se confessant battus.

La « Science Maudite », dites-vous, Messieurs les ultramontains ? Vous devriez vous rappeler, cependant, que l’arbre de la science est greffé sur l'arbre de vie ? que le fruit que vous qualifiez de « défendu », et que vous proclamez depuis dix-huit siècles la cause du péché originel qui amena la mort dans le monde, — que ce fruit, dont la fleur s'épanouit sur une souche immortelle, fut nourri par ce même tronc, et qu'il est ainsi le seul qui puisse nous assurer l'immortalité. Vous ignorez enfin, Messieurs les Kabalistes, — ou désirez l'ignorer, — que l'allégorie du paradis terrestre est vieille comme le monde, et que l'arbre, le fruit et le péché, avaient une signification bien plus philosophique et profonde que celle qu'ils ont aujourd'hui, — que les secrets de l'initiation sont perdus...

Le protestantisme et l'ultramontanisme s'opposent à la Théosophie, comme ils se sont opposés à tout ce qui ne venait pas d'eux; comme le calvinisme s'opposa au remplacement de ses deux fétiches, la Bible et le Sabbat juifs, par l'Evangile et le dimanche chrétiens; comme Rome s'opposa à l'enseignement séculaire et à la Franc-Maconnerie. La lettre morte et la Théocratie ont eu leur temps, cependant. Le monde doit marcher et se mouvoir sous peine de stagnation et de mort. L'évolution mentale marche, pari passa, avec l'évolution physique, et toutes deux s'avancent vers la VERITE UNE, — qui est le cœur du système de l'Humanité, comme l'évolution en est le sang. Que la circulation s'arrête un moment, et le cœur s'arrête avec, et c'en est fait de la machine humaine ! Et ce sont les serviteurs du Christ qui voudraient tuer ou, du moins, paralyser la Vérité à coups de la massue qui a nom : — la lettre qui tue ! Mais le terme est là. Ce que Coleridge a dit du despotisme politique, s'applique encore plus au despotisme religieux. L'Église, à moins qu'elle ne retire sa lourde main, qui pèse comme un .cauchemar sur la poitrine oppressée des millions de croyants nolens volens, et dont la pensée reste paralysée dans les tenailles de la superstition, l'Eglise ritualistique est condamnée à céder sa place à la religion et à — périr. Bientôt elle n'aura plus que le choix. Car, une fois que le peuple sera éclairé sur la Vérité qu'elle lui voile avec tant de soin, il arrivera de deux choses l'une : ou bien elle périra par le peuple ; ou autrement, si les masses sont laissées dans l'ignorance et l'esclavage de la lettre morte, — elle périra avec le peuple. Les serviteurs de la Vérité éternelle, dont ils ont fait un écureuil tournant sur sa roue ecclésiastique, se montreront-il assez altruistes pour choisir des deux nécessités la première ? Qui sait !

Je le dis encore : seule la théosophie bien comprise peut sauver le monde du désespoir, en reproduisant la réforme sociale et religieuse une fois déjà accomplie dans l'histoire par Gautama, le Bouddha : une réforme paisible, sans une goutte de sang versé, chacun restant dans la croyance de ses pères s'il le veut. Pour le faire, il n'aurait qu'à en rejeter les plantes parasites de fabrication humaine qui étouffent en ce moment toutes les religions, comme tous les cultes du monde. Qu'il n'en accepte que l'essence — qui est une dans toutes ; c'est-à-dire l’esprit qui vivifie et qui rend immortel l'homme en qui il réside. Que chaque homme, enclin au bien, trouve son idéal, une étoile devant lui pour le guider. Qu'il la suive et ne dévie jamais de son chemin ; et, il est presque certain d'arriver au « phare » de la vie, la VERITE: peu importe qu'il l'ai cherchée et trouvée au fond d'une crèche on d'un puits...

Moquez-vous donc de la science des sciences avant d'en connaître le premier mot. On nous dira que c'est le droit littéraire de Messieurs nos critiques. Je le veux bien. Il est vrai que si on ne parlait toujours que de ce que l'on sait, on ne dirait que ce qui est vrai, et — ce ne serait pas toujours aussi gai. Lorsque je lis les critiques écrites sur la théosophie, les platitudes et les railleries de mauvais goût sur la philosophie la plus grandiose et la plus sublime du monde, dont un aspect seulement se retrouve dans la noble éthique des Philalèthes, — je me demande si les Académies d'aucun pays ont jamais compris la théosophie des philosophes d'Alexandrie mieux qu'elles ne nous comprennent ? Que sait-on, que peut-on savoir de la théosophie universelle, à moins d'avoir étudié avec les maîtres de la sagesse. Et comprenant aussi peu Jamblique, Plotin, et même Proclus, c'est-à-dire la théosophie des IIIème et IVème siècles, on se pique de juger la néo-théosophie du XIXème siècle !

La théosophie, disons-nous, nous vient de l'extrême Orient comme la théosophie de Plotin et de Jamblique et même les mystères de l'antique Egypte. Homère et Hérodote, en effet, ne nous disent-ils pas que les anciens Egyptiens étaient des « Ethiopiens de l'Est », venus de Lanka ou Ceylan d'après la description ? Car il est bien reconnu que ceux que les deux classiques appellent Ethiopiens de l'Est n'étaient qu’une colonie d'Aryas à peau fort brune, les Dravides de l'Inde du Sud qui apportèrent avec eux en Egypte une civilisation toute faite. Ceci se passait dans des âges préhistoriques que le baron Bunsen nomme pré-Ménites (avant Ménès), mais qui ont une histoire à eux dans les vieilles annales de Kalouka-Batta. En dehors, et à part, des enseignements ésotériques, qui ne se livrent pas au public railleur, les recherches historiques du colonel Vans Kennedy, le grand rival sanscritiste aux Indes du Dr Wilson, nous montrent que la Babylonie pré-Assyrienne était le foyer du Brahmanisme, et du sanscrit comme langue sacerdotale. Nous savons aussi, si l'Exode est à croire, que l'Egypte avait, bien avant l'époque de Moïse, ses devins, ses hiérophantes et ses magiciens, c'est-à-dire avant la XIXème dynastie. Pour en finir, Brügsh-Bey voit, dans beaucoup des dieux de l'Egypte, des émigrés d'au-delà de la mer Rouge — et des grandes eaux de l'Océan Indien.

Qu'il en soit ainsi ou autrement, la théosophie descend en directe ligne du grand arbre de la GNOSE universelle, arbre dont les branches luxuriantes, s'étendant comme une voûte sur le globe entier, ombrageaient à une époque, — que la chronologie biblique se plaît à nommer antédiluvienne, — tous les temples et toutes les nations. Cette gnose représente l'agrégat de toutes les sciences, le savoir accumulé de tous les dieux et demi-dieux incarnés jadis sur la terre. Il y a des gens qui veulent voir en ceux-ci les anges déchus ou l'ennemi de l'homme ; ces fils de Dieu qui, voyant que les filles des hommes étaient belles, les prirent pour femmes et leur communiquèrent tous les secrets du ciel et de la terre. A leur aise. Nous croyons aux Avatars et aux dynasties divines, à l'époque où il y avait, en effet, « des géants sur cette terre », mais nous répudions entièrement l’idée des « anges déchus » ou de Satan et de son armée.

(à suivre)

 

[1] JHVH, ou Jahveh (Jehovah) est le Tetragrammaton, par consé­quent le Logos émané et le créateur ; le TOUT, sans commencement ni fin, ou AIN SOPH, ne pouvant ni créer, ni désirer créer, en sa qualité d'ABSOLU.

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