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De même qu'un homme se débarrasse de ses vêtements usés pour en revêtir de neufs, ainsi, l'habitant du corps, ayant quitté ses vieilles enveloppes mortelles, en prend d'autres qui sont neuves. (Bhagavad-Gîtâ II, 22)

 

L’Océan de Théosophie, W.Q. Judge (extraits)

 

Réincarnation

 

En Occident où le but de la vie consiste à atteindre le succès commercial, financier, social ou scientifique, c'est-à-dire le profit personnel, l'influence et le pouvoir, nous ne prêtons que peu d'attention à la vie réelle de l'homme et, contrairement aux Orientaux, nous n'accordons qu'une importance insuffisante à la doctrine de la préexistence et de la réincarnation. Le seul fait de voir l'Eglise nier cette doctrine suffit pour qu'elle soit rejetée par un grand nombre de gens avec qui toute discussion est inutile. (…) En discutant la doctrine, l'Église avance l'objection que si les hommes étaient convaincus de vivre plusieurs vies, la tentation d'accepter le présent et de faire le mal sans restriction serait trop forte. Pour absurde qu'elle paraisse, cette objection est avancée par des Jésuites cultivés qui disent que les hommes préféreront l'occasion présente plutôt que d'en attendre d'autres. Cette objection serait valable s'il n'était question d'aucune rétribution, mais comme la nature a également une Némésis pour chaque homme qui fait le mal, et comme chacun, selon la loi de karma — qui est cette loi de cause et d'effet et de justice parfaite — doit recevoir lui-même dans chaque vie les conséquences exactes des actions et pensées bonnes ou mauvaises qu'il a produites dans d'autres vies, la base d'une conduite morale est assurée. C'est une base sûre dans ce système, car il n'existe aucune possibilité, aucune faveur, aucune législation, aucune croyance qui permette à l'homme d'échapper aux conséquences de ses pensées et de ses actions ; tous ceux qui saisissent le sens de cette doctrine seront guidés par leur conscience et par la puissance entière de la nature à bien agir afin de récolter le bien et parvenir au bonheur.

 

On prétend que l'idée de la renaissance est antipathique et déplaisante car, d'une part, elle est froide, ne permet à aucun sentiment d'intervenir, défend d'abandonner à volonté une vie jugée douloureuse, et, d'autre part, semble ne laisser aucun espoir de revoir les êtres chers qui nous ont précédés dans la mort. Mais les lois de la nature suivent infailliblement leur cours, que cela nous plaise ou non, et le sentiment ou l'émotion ne peut en aucune manière empêcher la conséquence qui doit résulter d'une cause. Si nous mangeons de mauvais aliments, de mauvais résultats doivent s'ensuivre. Le glouton aimerait bien que la nature lui permette de se gorger sans risquer l'indigestion, mais on ne peut faire ainsi abstraction des lois de la nature. Objecter à la réincarnation que nous ne verrons pas au ciel ceux qui nous sont chers, comme le promet la religion dogmatique, suppose un arrêt complet de l'évolution et du développement de ceux qui quittent cette terre avant nous, et sous-entend aussi que le fait de reconnaître quelqu'un dépend de l'apparence physique. Mais, de même que nous progressons dans cette vie, de même nous progresserons après l'avoir quittée, et il serait injuste de contraindre les autres à attendre notre arrivée afin que nous puissions les reconnaître. (…) Et puisque nous savons que le corps est abandonné ici-bas pour se désagréger, il est évident que, dans la vie mentale et spirituelle, le fait de reconnaître quelqu'un ne peut dépendre de l'apparence physique. (…) cette objection à la réincarnation ne peut se soutenir face à la vie pure et éternelle de l'âme. De plus, la Théosophie enseigne que les êtres qui se ressemblent et qui s'aiment se réincarneront ensemble chaque fois que les conditions le permettront. (…) La reconnaissance se fait grâce à la vision intérieure et non d'après l'apparence extérieure et c'est pourquoi cette objection à la réincarnation est sans valeur.

 

(…) Certains prétendent que l'hérédité infirme la réincarnation. Nous l'avançons comme preuve. En lui procurant un corps dans une famille, l'hérédité fournit à l'Ego l'entourage approprié. L'Ego s'incarne dans une famille qui correspond entièrement à toute sa nature, ou bien qui lui donne la possibilité de travailler à son évolution, et aussi à laquelle il est uni en raison d'incarnations passées ou de causes produites ensemble. C'est parce que parents et enfants sont indissolublement unis par des actions passées que nous voyons un enfant pervers naître dans une famille vertueuse. C'est une possibilité de rédemption pour l'enfant et une occasion de châtiment pour les parents. Cela montre que l'hérédité physique est une règle naturelle qui gouverne les corps que nous devons habiter, tout comme la pensée des constructeurs est révélée par les habitations d'une ville. Et de même que nous, aussi bien que nos parents, fûmes jadis les constructeurs d'enveloppes corporelles, les avons influencées, avons participé avec notre responsabilité à des conditions sociales qui retardèrent ou aidèrent, avilirent ou élevèrent le développement du corps physique et du cerveau, de même, nous sommes responsables, dans cette vie, de la civilisation dans laquelle nous apparaissons maintenant. Cependant, en observant les caractères dans des corps humains, nous y voyons de grandes différences inhérentes. Ce fait est dû à l'âme à l'intérieur, qui souffre ou se réjouit à cause de ses pensées et ses actions, dans. la famille, la nation et la race où elle a dû inévitablement s'incarner en raison de ses vies passées.

 

L'hérédité fournit la demeure et impose également ces limitations d'aptitude cérébrale ou corporelle qui souvent sont une punition, parfois aussi une aide, mais ceci n'affecte jamais l'Ego réel. La transmission des traits est d'ordre physique ; ce n'est que la manifestation dans une nation des conséquences des vies antérieures de tous les Egos destinés à en faire partie. Les limitations imposées à l'Ego par toute hérédité familiale sont les strictes conséquences de ses vies antérieures. La transmission héréditaire des traits physiques et des particularités intellectuelles ne réfute pas la réincarnation, puisque nous savons que le mental qui sert de guide et le véritable caractère de chacun ne sont pas l'effet du corps et du cerveau, mais sont particuliers à l'Ego en sa vie essentielle. La transmission des traits et des tendances par l'intermédiaire des parents et du corps est justement le mode choisi par la nature pour fournir à l'Ego qui s'incarne la demeure adéquate à la poursuite de son œuvre.

 

(…) ceux qui s'appuient sur l'objection de l'hérédité, oublient qu'ils accentuent les ressemblances et perdent de vue les divergences. Car, tandis que les recherches dans le domaine de l'hérédité ont permis de constater de nombreuses transmissions de traits, les cas, beaucoup plus nombreux, des divergences héréditaires n'ont pas été consignés. Toutes les mères savent que les enfants d'une même famille diffèrent en caractère autant que les doigts de la main ; tout en ayant les mêmes parents, leurs capacités et leurs caractères sont bien distincts.

 

Que l'hérédité puisse être une règle générale qui fournit une explication complète, l'histoire le réfute absolument, car elle ne démontre pas la transmission constante du savoir, du pouvoir et des aptitudes. Ainsi, dans le cas des anciens Égyptiens, disparus depuis longtemps et dont la lignée a été interrompue, nous voyons que rien n'a été transmis à leurs descendants. Si l'hérédité physique résout la question du caractère, comment expliquer la disparition du grand caractère égyptien ? La même question se pose au sujet des autres nations anciennes maintenant éteintes. Si nous prenons comme exemple individuel le grand musicien Bach, nous voyons le talent musical décroître chez ses descendants, pour enfin disparaître de la famille. Mais la Théosophie enseigne que dans ces deux exemples — comme dans tous les cas analogues — l'authentique talent et les capacités n'ont disparu que de la nation ou de la famille mais ont été conservés par les Egos qui les avaient jadis manifestés, et qui sont maintenant incarnés dans quelque autre nation ou famille de notre époque.

 

La souffrance est le lot de presque tous les hommes, et nombreux sont ceux qui mènent une vie douloureuse du berceau à la tombe ; aussi objecte-t-on que la réincarnation est injuste, puisque nous souffrons pour le mal commis par quelque autre personne dans une autre vie. Cette objection est fondée sur la notion erronée que la personne qui vivait dans l'autre vie était quelqu'un d'autre. C'est, en réalité, la même personne dans toutes les vies. Ce ne sont ni le corps ni les œuvres d'un autre que nous endossons en revenant ici-bas mais nous sommes semblables à un acteur qui, tout en jouant des rôles différents, demeure intérieurement toujours le même, bien que les costumes et les textes récités diffèrent dans chaque nouvelle pièce. Shakespeare avait raison de dire que la vie est une pièce de théâtre, car la grande vie de l'âme est un drame, et chaque vie nouvelle, chaque renaissance, un nouvel acte où nous prenons un autre rôle, revêtons un nouveau costume, bien qu'à travers tout le drame nous soyons exactement la même personne. Ainsi, au lieu d'être injuste, la réincarnation est conforme à la justice parfaite, et cette justice ne pourrait être assurée d'aucune autre manière.

 

Mais, dira-t-on, si nous nous réincarnons comment expliquer l'absence de tout souvenir de la vie précédente ? De plus, puisque nous ne pouvons nous rappeler les actes qui sont la cause de nos souffrances, n'y aurait-il pas là une injustice ? Ceux qui posent cette question oublient toujours le fait qu'ils éprouvent dans la vie des joies et bénéficient d'avantages qu'ils sont heureux d'accepter sans en demander la raison. Car, s'il est injuste d'être puni pour des actions dont nous ne gardons aucun souvenir, il est également injuste d'être récompensé pour des actions oubliées. Le simple fait d'entrer dans la vie n'est pas une raison suffisante pour être récompensé ou puni. Récompense et punition doivent être l'exacte rétribution de la conduite passée. La loi de justice de la nature n'est pas imparfaite, et seule l'imperfection de la justice humaine exige que dans cette vie le coupable se rende compte et se souvienne de l'acte auquel la punition est attachée. Dans la vie antérieure, l'auteur se rendait bien compte de ce qu'il faisait et, en lui faisant supporter les conséquences de ses actions, la nature n'est que juste. Nous savons bien qu'elle fera succéder l'effet à la cause, que nous le désirions ou non, que nous nous rappelions ou non nos actions. (…) la réincarnation, avec sa doctrine jumelle de karma, démontre, quand elle est bien comprise, combien le plan tout entier de la nature est parfaitement juste.

 

La mémoire d'une vie antérieure n'est pas nécessaire pour prouver que nous l'avons vécue et le fait de ne pas nous en souvenir n'est pas une objection valable. Nous oublions la plus grande partie de ce qui s'est passé durant les années et les jours de cette vie, mais personne n'en conclurait pour autant que ces années n'ont pas été vécues. Elles le furent, et nous retenons seulement un nombre restreint de détails dans le cerveau, mais l'effet produit sur le caractère est néanmoins complètement conservé et il est devenu une partie de nous-mêmes. La masse entière des détails d'une vie est conservée dans l'homme intérieur, pour être un jour intégralement rendue à la mémoire consciente, dans quelque autre vie, quand nous aurons atteint un état parfait. Et même maintenant, malgré notre imperfection et notre peu de connaissance, nous voyons les expériences d'hypnotisme montrer que les détails les plus insignifiants sont enregistrés dans ce qui est appelé, pour l'instant, le mental subconscient. La doctrine théosophique enseigne que pas un de ces incidents n'est en réalité oublié, et qu'au terme de la vie, quand l'homme a fermé les yeux et que ceux qui l'entourent le disent mort, chaque pensée et chaque événement de la vie pénètrent dans le mental et le traversent comme un éclair.

 

Cependant, nombreux sont ceux qui se souviennent avoir vécu antérieurement. Les poètes l'ont chanté, les enfants le savent bien, jusqu'à ce que le fait de vivre constamment dans une atmosphère d'incrédulité leur en fasse perdre le souvenir, pour le moment ; tous sont cependant soumis aux limitations imposées à l'Ego dans chaque vie par le nouveau cerveau. C'est pourquoi nous sommes incapables de retenir les images du passé, qu'elles appartiennent à cette vie ou aux vies précédentes. Le cerveau est l'instrument de la mémoire de l'âme : étant nouveau dans chaque vie, et n'ayant qu'une certaine capacité, l'Ego ne peut l'employer dans la nouvelle vie que dans la mesure de cette capacité. Celle-ci sera mise pleinement à profit, ou non, selon le propre désir de l'Ego et sa conduite antérieure, car sa façon de vivre dans le passé aura augmenté ou diminué son pouvoir de surmonter les forces de l'existence matérielle.

 

En vivant selon les impératifs de l'âme on peut finalement rendre le cerveau perméable aux souvenirs de l'âme ; en menant une vie opposée à ces impératifs, cette réminiscence sera de plus en plus obscurcie. Cependant, comme le cerveau n'a pris aucune part à la vie vécue précédemment, il est généralement incapable de se souvenir. Et c'est une loi sage, car nous serions très malheureux si les actions et les scènes de nos vies passées n'étaient pas cachées à notre vue jusqu'au moment où, par la discipline, nous devenons capables d'en supporter la connaissance.

 

Une autre objection à la réincarnation est que, avec cette doctrine, l'accroissement de la population du globe serait inexplicable. Cela suppose une connaissance certaine de cette augmentation et une information constante de ses fluctuations. (…) Cette objection est basée sur des tables imparfaites n'ayant trait qu'aux pays occidentaux. Elle laisse aussi supposer que le nombre des Egos non incarnés, et qui attendent de l'être, est inférieur à celui des Egos qui demeurent dans des corps, ce qui est incorrect. Annie Besant l'a bien exprimé dans son livre Réincarnation en comparant le globe habité à une salle occupée par les habitants d'une ville, une large majorité restant en dehors de la salle. Dans la salle le nombre peut varier, mais la ville offre une source constante de réserves. En ce qui concerne ce globe, il est exact que le nombre d'Egos qui en font partie est déterminé, mais personne n'en connaît la quantité pas plus que la capacité totale de la terre à les sustenter. Les statisticiens actuels se trouvent surtout en Occident, et leurs tables n'embrassent qu'une petite partie de l'histoire humaine. Ils ne peuvent préciser le nombre des êtres qui étaient incarnés sur terre, dans toute période reculée, alors que la surface entière du globe était peuplée et, de ce fait, les hommes d'aujourd'hui ignorent le nombre des Egos désireux de renaître ou prêts à le faire. Les Maîtres de la connaissance théosophique disent que le nombre total est considérable, et que, pour cette raison, la réserve des Egos destinés à occuper les corps qui naîtront, en sus du nombre des décès, est suffisante. Il faut aussi se rappeler que la durée du séjour dans les états post mortem varie, chaque Ego se la créant par lui-même. Tous les Egos ne se réincarnent pas après le même intervalle ; ils émergent des états post mortem à des cadences différentes, et chaque fois que se produit un grand nombre de décès dus à la guerre, la peste ou la famine, un flot d'âmes se précipite aussitôt pour s'incarner soit aux mêmes lieux soit ailleurs dans une autre race.

 

Argument à l’appui de la réincarnation

 

A moins de nier l'immortalité de l'homme et l'existence de l'âme, il n'est aucun argument sérieux contre la doctrine de la préexistence et de la renaissance, sauf celui basé sur l'affirmation de l'Église selon laquelle chaque âme est une création nouvelle. Cette affirmation ne peut être soutenue qu'en vertu d'un dogmatisme aveugle ; en effet, l'existence de l'âme une fois admise, nous devons tôt ou tard, arriver à la théorie de la renaissance, car, même en supposant une création nouvelle pour chaque âme destinée à vivre sur terre, elle doit, après l'avoir quittée, continuer à vivre quelque part et, conformément à l'ordre de la nature tel qu'il est connu, elle prendra d'autres corps sur d'autres sphères ou planètes. La Théosophie applique au soi — le penseur — les mêmes lois que celles que l'on voit partout à l'œuvre dans toute la nature, et qui ne sont toutes que des variantes de la grande loi qui veut que les effets suivent les causes et qu'il n'y ait pas d'effet sans cause. L'immortalité de l'âme — admise par la majorité des hommes — implique la prise d'un corps ici-bas ou ailleurs, et prendre un corps c'est se réincarner. Si nous ne venons sur cette terre que pour quelques années et allons ensuite sur une autre, l'âme doit s'incarner là comme elle l'a fait ici, et si nous arrivons ici de quelque autre monde, nous devons avoir eu là aussi notre vêtement approprié. Selon la philosophie théosophique, les pouvoirs du mental et les lois qui régissent son mouvement, son attachement et son détachement, montrent que c'est ici-bas, où il a agi et travaillé, qu'il doit se réincarner jusqu'au moment où il lui sera possible de vaincre les forces qui l'enchaînent à ce globe. Permettre à l'entité ainsi engagée de passer sur un autre champ d'action avant d'avoir surmonté toutes les causes qui l'attirent ici-bas et sans s'être acquittée de ses responsabilités envers les autres entités du même courant évolutif, serait injuste et contraire aux lois et aux forces occultes et puissantes qui agissent continuellement sur elle. Les premiers Pères de l'Église l'avaient compris : ils enseignaient que l'âme était tombée dans la matière, et qu'elle était contrainte de par la loi de sa nature à remonter péniblement jusqu'à son lieu d'origine. Aussi se servaient-ils de cet ancien hymne grec :

 

Éternelle Intelligence, l'étincelle jaillie de ton sein.

A travers ce frêle vase d'argile.

Par delà les vagues du sombre chaos,

Émet un rayon timide.

Cette âme, embrassant le mental, est semée,

Germe incarné sur terre ;

Par pitié, Seigneur béni, reprends

Ce qui en Toi revendique sa naissance.

Si loin de Toi, ô feu central,

Bannie au triste esclavage de la terre,

Ne laisse pas expirer la tremblante étincelle ;

Absorbe enfin ce qui est Tien !

 

Chaque être humain a un caractère bien déterminé qui diffère de celui de tout autre être humain. Et quand des groupes d'êtres sont réunis en nations, ils révèlent, dans leur ensemble, que la force et les particularités distinctives de la nation ont pour effet de constituer un caractère national bien déterminé et spécifique. Ces différences, tant individuelles que nationales, sont dues au caractère essentiel et non à l'éducation. Même la doctrine de la survie du plus apte devrait le montrer, car l'aptitude ne peut provenir du néant mais doit se manifester finalement comme provenant du véritable caractère intérieur. Et, puisque les individus et les nations qui se trouvent au premier rang dans la lutte contre la nature font preuve d'une immense force de caractère, il nous faut chercher où et quand cette force a été développée. D'après la Théosophie ce fut sur cette terre et pendant la longue période durant laquelle la race humaine a habité cette planète.

 

Bien que l'hérédité ait sa part dans les différences de force de caractère et de force morale, en influençant un peu l'âme et le mental et en fournissant les conditions appropriées pour recevoir récompense et châtiment, elle n'est pas la cause de la nature essentielle de chacun.

 

Toutes les différences, celles que manifestent les bébés depuis leur naissance, les adultes au fur et à mesure que le caractère s'affirme, les nations dans leur histoire, sont dues à la longue expérience acquise au cours de nombreuses vies sur terre et résultent de l'évolution propre de l'âme. L'examen d'une seule et courte vie humaine montre que celle-ci ne fournit pas un terrain suffisant pour le développement de la nature intérieure de l'homme. Il est nécessaire que chaque âme puisse bénéficier de toute l'expérience possible, et une seule vie ne suffit pas pour apporter cela, même dans les conditions les plus favorables. Ce serait folie de la part du Tout-Puissant de nous placer ici-bas pour un temps si court, rien que pour nous rappeler à lui au moment même où nous commençons à comprendre le but de la vie et les possibilités qu'elle nous offre. Le simple désir égoïste d'échapper aux épreuves et à la discipline de la vie n'est pas suffisant pour faire fi des lois de la nature ; l'âme doit donc renaître jusqu'au moment où elle aura cessé de mettre en mouvement la cause de la renaissance, après avoir développé un caractère jusqu'à la limite extrême des possibilités qu'offrent les variétés de la nature humaine, une fois que toutes les expériences auront été traversées, et qu'aura été acquise toute la vérité accessible. Si nous voulons attribuer un caractère de justice à la nature ou à Dieu, la grande disparité des aptitudes parmi les hommes nous oblige à admettre la réincarnation et à faire remonter l'origine de cette disparité aux vies passées de l'Ego. Car les hommes sont gênés, handicapés, leurrés et victimes d'injustice apparente, autant à cause de leurs capacités limitées qu'en raison des circonstances dues à la naissance ou à l'éducation. Nous voyons des gens sans instruction s'élever au-dessus de leurs conditions de famille et d'éducation, et souvent d'autres, nés dans un milieu familial favorable, n'avoir que de faibles capacités ; cependant les difficultés des nations et des familles sont dues beaucoup plus à un manque de dispositions naturelles qu'à toute autre cause. Et si nous considérons uniquement les races sauvages, alors l'injustice apparente est énorme, car beaucoup de sauvages possèdent une capacité cérébrale vraiment bonne et sont cependant des sauvages. Cela provient du fait que l'Ego incarné dans ce corps est encore sauvage et non développé, car nous voyons par contre beaucoup d'hommes civilisés qui ont des facultés cérébrales limitées, mais dont la nature n'est pas celle d'un sauvage, l'Ego incarné ayant eu durant d'autres vies une longue expérience de la civilisation et, étant une âme plus développée, il a le pouvoir d'employer l'instrument cérébral jusqu'à ses extrêmes limites.

 

Tout homme sent et sait qu'il possède une individualité qui lui est propre, une identité personnelle qui comble non seulement les vides dus au sommeil, mais aussi ceux produits parfois par des lésions temporaires du cerveau. Chez les personnes normales cette identité n'est jamais rompue du début à la fin de la vie et seul le caractère permanent et éternel de l'âme peut expliquer ceci.

 

Ainsi, depuis que nous commençons à nous souvenir, et si peu fidèle que soit notre mémoire, nous savons que notre individualité personnelle ne nous a jamais fait défaut. Cela élimine l'argument qui prétend que l'identité dépend de la mémoire, car si elle ne dépendait que d'elle, il nous faudrait tout recommencer chaque jour, étant donné que nous ne pouvons nous rappeler en détail les événements du passé, et que ceux dont les souvenirs sont limités ont cependant conscience de leur identité personnelle. Et puisqu'on voit fréquemment ceux qui ont une mémoire faible insister aussi énergiquement que les autres sur leur identité personnelle, cette impression persistante doit provenir de l'âme ancienne et immortelle.

 

Si l'on considère la vie et son objectif vraisemblable, avec toutes les expériences variées que l'homme peut y acquérir, on est forcé de conclure qu'une seule vie n'est pas suffisante pour réaliser tous les desseins de la nature, sans parler de ce que l'homme lui-même désire accomplir. La variété des expériences est considérable. Il existe un champ immense de pouvoirs latents dans l'homme qui, nous le voyons, peuvent être développés si l'opportunité en est donnée. Une connaissance d'une étendue et d'une diversité infinies s'offre devant nous, surtout de nos jours où la spécialisation dans la recherche est de règle. Nous sommes conscients de nourrir des aspirations élevées qui, faute de temps, ne peuvent être réalisées, tandis que les passions et les désirs, les motifs égoïstes et les ambitions, luttent contre nous et entre eux, nous poursuivant jusqu'au seuil même de la mort. Tous doivent être éprouvés, vaincus, utilisés, subjugués. Une vie ne peut suffire pour faire tout cela. Prétendre que nous ne vivons qu'une seule fois ici-bas, alors que nous sont offertes de telles possibilités, qui ne peuvent être développées dans une vie, c'est faire de l'univers et de la vie une farce monumentale et cruelle faite par un Dieu puissant, qui se trouve ainsi accusé, par ceux qui croient à une création spéciale des âmes à la naissance, de se jouer des faibles humains et d'en triompher, justement parce qu'ils sont si faibles et les créatures du Tout-Puissant. Une vie humaine comporte tout au plus soixante-dix ans (…) une grande partie du peu qui reste est consacrée au sommeil, une autre à l'enfance. Il est donc parfaitement impossible de réaliser, en une seule vie, ne serait-ce qu'une fraction minime des buts évidents de la nature. Nous percevons vaguement maintes vérités qu'une seule vie ne nous donne pas le temps de saisir et ceci s'applique notamment aux époques où les hommes doivent tellement lutter pour arriver à subsister. Nos facultés sont médiocres, limitées, faibles et une vie ne nous donne pas l'occasion de les transformer. Nous percevons d'autres pouvoirs latents en nous, qu'il est impossible de développer en si peu de temps, et commençons donc à voir que le champ de la vérité est beaucoup plus vaste que le cercle étroit dans lequel nous sommes confinés. Il n'est pas raisonnable de supposer que Dieu, ou la nature, nous projette dans un corps simplement pour nous remplir d'amertume à la pensée qu'aucune autre opportunité ne nous sera donnée ici-bas ; nous devons plutôt conclure que c'est une série d'incarnations qui nous a conduits aux conditions présentes, et que ce même processus de retours successifs sur terre doit continuer afin que les opportunités nécessaires nous soient fournies.

 

A lui seul le fait de mourir n'est pas suffisant pour développer des facultés ou éliminer des mauvaises tendances, des mauvais penchants. Si l'on suppose cependant qu'aussitôt arrivés au ciel nous acquérons immédiatement toute connaissance et toute pureté, cet état post mortem se trouve alors réduit à une parfaite monotonie, et notre vie sur terre, avec toute sa discipline, est privée de toute signification. Certaines Eglises parlent d'une école de discipline après la mort, et elles affirment avec impudence que ce sont les Apôtres eux-mêmes, connus pour être des hommes ignorants, qui doivent en être les instructeurs. Selon l'ordre naturel des choses, cela est absurde, dénué de tout fondement et de toute logique. De plus, si une telle discipline ultérieure devait exister, pour quelle raison serions-nous alors projetés dans la vie ? Et pourquoi, après avoir souffert et commis des erreurs, serions-nous retirés du lieu où nous accomplîmes nos actions ? La réincarnation seule peut résoudre ce problème. Nous revenons sur terre parce que c'est sur terre et en compagnie d'autres êtres sur terre que nos actes furent accomplis, parce que c'est le seul lieu approprié où châtiment et récompense puissent être rendus avec justice, parce que la terre est le seul endroit naturel pour continuer la lutte vers la perfection, pour développer les facultés que nous possédons et détruire la méchanceté qui est en nous. La justice envers nous-mêmes et envers les autres l'exige, car on ne peut vivre rien que pour soi, et il serait injuste de permettre à certains d'entre nous de s'évader alors que ceux qui participèrent à nos actions resteraient ici, ou seraient plongés dans un enfer de durée éternelle.

 

La persistance de la sauvagerie, la grandeur et la décadence des nations et des civilisations, la disparition totale des nations, tout cela demande une explication que seule peut donner la réincarnation. La sauvagerie subsiste parce qu'il y a encore des Egos dont l'expérience est si limitée qu'ils sont toujours sauvages ; ils émergeront dans des races supérieures lorsqu'ils seront prêts. Des races s'éteignent parce que les Egos ont eu toute l'expérience que ces sortes de race pouvaient leur offrir. Ainsi les Peaux-Rouges, les Hottentots les indigènes de l'Ile de Pâques et d'autres encore, sont des exemples de races désertées par de grands Egos et au fur et à mesure de leur disparition, d'autres âmes, n'ayant pas encore connu de vie plus élevée dans le passé, s'incarnent dans les corps de ces races et continuent à s'en servir afin d'acquérir toutes les expériences que ces corps leur fourniront. Il ne serait pas possible qu'une race se développe pour disparaître tout à coup et nous constatons que tel n'est pas le cas. La science n'offre pas d'explication mais constate le fait que les nations tombent en décadence. Mais elle ne tient ainsi aucun compte de l'homme intérieur ni des lois mystérieuses, subtiles et occultes qui concourent à former une race. La Théosophie montre que l'énergie accumulée doit se dépenser graduellement, et que la reproduction de corps ayant les caractéristiques de la race doit donc se poursuivre, bien que les Egos ne soient plus contraints d'habiter des corps de ce type lorsque leur développement n'est plus le même que celui de cette race. Il s'ensuit qu'à un moment donné la masse entière des Egos abandonne la race qu'elle avait construite pour un milieu physique plus conforme à la nature de ces Egos. L'économie de la nature ne permet pas que la race physique s'éteigne subitement et c'est ainsi que, selon le véritable ordre de l'évolution, d'autres Egos, ayant moins progressé, viennent utiliser les formes disponibles, et prolongent ainsi la production de nouveaux corps dont cependant le nombre diminue de siècle en siècle. Ces Egos inférieurs n'arrivent pas à utiliser, jusqu'à la limite de leurs possibilités, l'ensemble des énergies léguées par les autres Egos et, ainsi, tandis que le nouveau contingent récolte le plus d'expériences possibles, la race décline et finit, avec le temps, par mourir. Telle est l'explication de ce qui peut être qualifié de sauvagerie décadente, et aucune autre théorie ne donnera une explication satisfaisante de ces faits. Les ethnologues ont cru parfois que les races les plus civilisées exterminaient les autres, mais, en réalité, les femmes commencent à devenir stériles en raison de la grande différence entre les Egos qui séjournent dans les corps de la vieille race et l'énergie de ces mêmes corps ; c'est ainsi que le nombre des décès excède lentement, mais sûrement, celui des naissances.

 

(…) L'apparition de génies et de grands esprits dans des familles dépourvues de ces qualités, de même que la disparition, dans une famille, du génie possédé par un ancêtre, ne peuvent être expliquées que par la loi de la renaissance. Napoléon 1er naquit dans une famille qui n'avait absolument rien de son pouvoir ni de sa force. Rien dans son hérédité ne peut expliquer son caractère. Selon les mémoires du Prince de Talleyrand, il aurait dit lui-même qu'il était Charlemagne. Ce n'est qu'en supposant une longue série de vies lui fournissant la ligne d'évolution adéquate, ou la cause nécessaire au développement de son intelligence, de sa nature et de sa force, que nous pouvons comprendre tant soit peu pourquoi Napoléon, ou tout autre grand génie, a pu exister. Mozart, encore enfant, pouvait composer des partitions d'orchestre. Cela n'était pas dû à l'hérédité car une telle disposition n'est pas naturelle, elle est obtenue par l'effort, est mécanique et tout à fait conventionnelle alors que Mozart était compétent sans que cet art lui eût été jamais enseigné. Pourquoi ? Parce que c'était un musicien réincarné qui, doté par hérédité familiale d'un cerveau de musicien, a pu exprimer sans entrave sa connaissance musicale. Le cas de Blind Tom est encore plus éloquent ; c'était un Noir dont la famille devait forcément ignorer le piano, instrument moderne et qui ne pouvait donc transmettre cette connaissance aux atomes de son corps. Cependant, Blind Tom avait un grand talent musical et connaissait la technique musicale de la gamme actuelle du piano. De tels exemples existent par centaines parmi les nombreux prodiges qui sont apparus au grand étonnement du monde. En Inde, on conte maintes histoires de sages qui sont nés avec une maîtrise complète de la philosophie, ou de toute autre connaissance, et l'on pourrait certainement trouver des cas semblables dans toutes les nations. Cette réminiscence de la connaissance acquise jadis explique aussi l'instinct, car celui-ci n'est rien d'autre que le souvenir divisible en mémoire physique et mentale. On le trouve chez l'enfant et l'animal, et il n'est que le résultat de l'expérience passée. Que nous observions le nouveau-né qui cherche à se protéger en écartant les bras, l'animal dont la puissance instinctive est très forte, ou l'abeille qui construit une cellule d'après les règles de la géométrie, c'est toujours l'effet de la réincarnation qui agit soit sur le mental soit sur la cellule physique, car d'après ce qui fut déjà exposé, pas un atome n'est privé de vie, de conscience et d'intelligence qui lui soient propres.

 

Dans le cas du musicien Bach, nous avons la preuve que l'hérédité ne compte pour rien si l'Ego n'est pas évolué, car son génie ne s'est pas transmis à ses descendants ; il s'est graduellement affaibli pour enfin disparaître entièrement de la famille. La naissance d'idiots, ou d'enfants vicieux chez des parents bons, purs ou très intelligents, s'explique de la même manière. Ce sont des cas où l'hérédité est rendue nulle par un Ego déficient ou entièrement mauvais.

 

Enfin, les sages expliquent que le fait que certaines idées soient communes à la race entière est dû à la réminiscence de ces idées qui furent implantées dans le mental humain tout au début de sa carrière évolutive sur cette planète par les frères et les sages qui avaient appris leurs leçons et atteint leur perfection dans des âges antérieurs, bien avant que ne commençât le développement de ce globe. La science ne nous offre aucune explication pour ces idées inhérentes, elle se contente de dire qu' " elles existent ". En fait, elles furent enseignées à la masse des Egos engagés dans l'évolution de cette terre ; elles furent gravées, marquées en caractères de feu dans leur nature et reviennent toujours à la mémoire ; elles suivent l'Ego à travers le long pèlerinage.

 

On a souvent pensé que l'opposition à la réincarnation était uniquement basée sur un préjugé, à moins qu'elle ne soit due à un dogme qui ne peut être accepté que lorsque le mental est enchaîné et empêché d'exercer ses propres facultés. C'est la plus noble de toutes les doctrines ; elle seule, avec celle de karma, sa compagne, que nous examinerons ensuite, fournit une base pour l'éthique. Selon moi, il n'y a aucun doute que la réincarnation fut considérée comme acquise par le fondateur du christianisme, et que son absence aujourd'hui de cette religion est la raison de la contradiction entre les principes éthiques professés par les nations chrétiennes et leur mode de vie réel, si contraire à la morale enseignée par Jésus.

 

Qu’est-ce qui se réincarne ? R. Crosbie C.T. 181)

 

Pour beaucoup, ce qui se réincarne reste un mystère, car il est difficile de comprendre ce qu’est cet élément permanent qui est censé former la trame des incarnations répétées. Ils savent que le corps naît, meurt et se dissout, mais leur mental s’identifie tellement à leur corps, à ses relations et à son environnement qu’ils sont incapables de s’en dissocier. Ils se conçoivent comme des personnes, comme des corps d’une nature physique, et ils ne peuvent par conséquent pas comprendre où pourrait résider, dans ceux-ci et de vie en vie, ce pouvoir réincarnant.

 

La Théosophie élargit notre vision de ce concept en mettant en évidence que l’homme n’est pas son corps, ce dernier se transformant sans cesse, qu’il n’est pas son mental, celui-ci se modifiant sans cesse, et qu’il y a en l’homme un élément permanent qui constitue son identité tout au long de toute une variété d’incorporations. Nous n’avons pas changé d’identité depuis notre enfance. Notre corps a changé, ainsi que notre environnement, mais cette identité est restée la même, et elle ne changera plus désormais, en dépit de tous les changements qui pourront affecter le corps, le mental ou les circonstances. La seule chose réelle en nous ne subit aucune transformation. Ce qui est réel ne change jamais. Seul le réel peut percevoir le changement. Le changement ne perçoit pas le changement. Seul ce qui est permanent peut percevoir le changement, être sensible à l’impermanent.

 

Cet élément immuable, constant et immortel en nous est présent dans toutes les particules et dans tous les êtres, quels qu’ils soient. Il n’y a qu’une seule Vie dans ce monde dont nous faisons partie, ainsi que tous les autres êtres. Nous procédons tous de la même Source – et non de plusieurs – et nous avançons sur le même chemin, vers le même but. Les anciens disaient que le Soi Divin réside dans tous les êtres, mais qu’il ne brille pas également en tous. Le réel est intérieur et peut être réalisé au sein de tout être humain. Chacun a besoin de cette réalisation afin de pouvoir faire rayonner son Dieu intérieur et l’exprimer, ce que la majorité des gens ne font que partiellement.

 

Si cette Source – l’Esprit Un – est commune à tous les êtres, pourquoi existe-t-il autant de formes, de personnalités, d’individualisations ? Selon la Théosophie encore, tous représentent les divers stades d’un développement. Dans ce grand Océan de la Vie, qui est à la fois Conscience et Esprit, nous évoluons, vivons et trouvons notre existence. Cet océan est décomposable en ses diverses gouttes constituantes, dont la différenciation est effectuée par le grand courant évolutif. Même dans les règnes qui nous sont inférieurs, qui procèdent de cette même Source, la tendance à la séparation en « gouttes » de conscience individualisées augmente sans cesse. Dans le règne animal, les espèces qui nous sont le plus proches avancent vers la soi-conscience ; mais en tant qu’êtres humains, nous en sommes au stade où chacun est une goutte constitutive du grand océan de Conscience. Comme dans l’océan d’eau, chacune de ses gouttes contient tous les éléments du grand ensemble, et chaque goutte d’humanité, chaque être humain, contient dans ses limites tous les éléments du grand univers.

 

Les mêmes pouvoirs existent en chacun de nous, et cependant nous nous trouvons sur des degrés de l’échelle de l’existence où nous pouvons voir de nombreux êtres en dessous, et d’autres, plus évolués, au-dessus de nous. L’humanité actuelle est en train de construire un pont de pensée reliant les règnes inférieurs aux règnes supérieurs. Si on le considère globalement, le but de notre incarnation, de notre descente dans la matière, ne consiste pas uniquement à apprendre à mieux connaître la matière, mais aussi à inciter les règnes moins évolués à progresser vers notre niveau. Pour les règnes inférieurs, nous avons le statut de dieux. De nous dépend leur bonheur ou leur malheur. C’est notre mauvaise conception du but de la vie qui rend la Nature si dure, qui produit tous les malheurs et les désastres qui nous affligent sous forme de cyclones, de tornades, de maladies et d’épidémies de toutes sortes. Ce sont nos propres actions qui les provoquent tous. Comment cela ? Dans nos corps réside la sublimation des règnes minéraux, végétaux et animaux, qui représentent eux-mêmes des vies. Chaque cellule de notre corps expérimente la naissance, la jeunesse, la maturité, la dégénérescence, la mort et la réincarnation. Par nos pensées, désirs ou sentiments, quels qu’ils soient, nous communiquons à toutes ces vies une énergie qui va les aider ou qui au contraire leur nuira. Ces vies sortent de nous dans une bonne ou une mauvaise direction, et retournent dans leurs règnes chargées de bien ou de mal. Ainsi, par un manque de compréhension de notre véritable nature, en ne comprenant pas la Fraternité Universelle, nous nous acquittons mal de nos devoirs sur notre propre plan, et n’aidons qu’imparfaitement l’évolution des règnes inférieurs. Nous ne pouvons comprendre notre responsabilité envers eux qu’en réalisant que chaque être est en train de s’élever ; que tous ceux qui sont plus avancés que l’homme ont été des hommes autrefois ; que tout ce qui est inférieur à l’homme atteindra un jour son niveau, quand nous-mêmes serons plus avancés ; que chaque forme, être ou individualisation ne représente qu’un des nombreux aspects de l’Esprit Unique.

 

En admettant que cet Esprit immuable – cause de tout progrès évolutif, de toute incarnation – réside en chaque être, nous sommes en droit de vouloir localiser ce pouvoir de voir et de connaître qui persiste d’incarnation en incarnation. Comment est donc préservée cette continuité de la connaissance acquise par l’observation et l’expérience ? Comment l’individualité est-elle maintenue en tant que telle ?

 

N’oublions pas que nous étions des êtres soi-conscients dès l’apparition de notre planète ; certains furent même soi-conscients dès le commencement de notre système solaire, tous les êtres n’ayant pas le même niveau de développement. Si notre planète ou notre système solaire a d’abord connu un stade de substance primordiale, de matière nébuleuse, comme l’appelle la science, alors nous devons avoir eu des corps qui présentaient cet aspect de la matière. Dans cet état plus subtil de la matière réside l’ensemble des potentialités de tous les degrés de la substance, et ainsi, c’est dans ce vrai corps de matière primordiale que se sont produites toutes les transformations de cette substance, qui est devenue de plus en plus grossière ; c’est également dans ce corps qu’est vécue toute expérience. Tout ce qui se produit en nous se produit dans notre corps – ce corps dont la nature reste identique pendant tout un Manvantara. Nous avons tous un tel corps de matière subtile, de nature intérieure, qui est le véritable habitacle de l’individu. Ce dernier y vit et y évolue, mais malgré son grand rayonnement et sa subtilité, ce corps n’est pas l’homme ; il ne représente que le revêtement le plus élevé de l’Âme. L’Homme Réel que nous sommes est l’Homme qui fut, est et sera éternellement, celui pour qui l’heure ne sonnera jamais – l’Homme, le penseur, celui qui perçoit, pense et agit sans cesse.

 

La Vie est une. L’Esprit est un. La Conscience est une. Ces trois ne font qu’un, ils forment une trinité, et c’est cette trinité que nous sommes. Tous les changements de substance et de forme sont amenés par l’Esprit et la Conscience, et ils s’expriment par les diverses formes que prend la vie. Nous sommes cet Esprit Unique, chacun se tenant dans le vaste assemblage des êtres de ce grand univers, observant et connaissant par le biais des instruments dont il dispose. Nous sommes cette Trinité – le Père, le Fils et le Saint-Esprit – soit, en langage théosophique, Âtma, Buddhi et Manas. Âtma, est l’Esprit Unique, qui n’appartient à personne en particulier, mais à tous. Buddhi est l’expérience sublimée du passé. Manas est le pouvoir de la pensée, le penseur, l’homme, l’homme immortel. Nul n’est privé d’Esprit, ni d’une expérience passée ; mais le mental est le royaume de la création, des idées ; et l’Esprit lui-même, avec tous ses pouvoirs, agit en fonction des idées qui sont dans le mental.

 

Dans la Voix du Silence, il est dit : « Le mental est comme un miroir. Il ramasse la poussière tout en reflétant ». Pour enlever cette poussière, il faut la sagesse de l’âme. Ce mental qui est le nôtre, ce que nous appelons le mental, n’est qu’un réflecteur qui nous présente, à mesure que nous l’entraînons, des images différentes. L’Esprit agit bien ou mal, suivant les idées que nous percevons. Si le mal existe dans le monde, c’est par le pouvoir de l’Esprit. Si le bien existe dans le monde, c’est également par le pouvoir de l’Esprit. En effet, il n’y a qu’un seul pouvoir. Si on l’engage dans la mauvaise direction, on produit le mal, alors que s’il est bien dirigé, le bien s’ensuit.

 

Nous devrions abandonner l’idée que nous sommes de pauvres, faibles et misérables créatures, incapables de faire quoi que ce soit par nous-mêmes ; en effet, tant que nous nous attacherons à cette idée, nous ne ferons jamais rien. Nous devrions défendre une autre idée, selon laquelle nous sommes l’Esprit, et immortels, et lorsque nous serons parvenus à comprendre ce qu’elle signifie, son pouvoir viendra nous traverser, sans limites et dans toutes les directions, excepté dans celle des instruments que nous avons nous-mêmes rendus imparfaits. Aussi rejetons cette idée que nous sommes ce corps faible, misérable et défectueux, sur lequel nous avons si peu de contrôle. Nous ne pouvons arrêter le battement de notre cœur, nous ne pouvons cesser de respirer sans détruire notre corps ; nous ne pouvons mettre un frein aux incessantes dissociations de matière qui s’y produisent, ni empêcher sa dissolution finale. Certaines personnes parlent de « manifester » contre la mort, mais autant manifester contre la chute des feuilles des arbres aux premières bourrasques de l’hiver. La mort existera toujours, et elle présente un grand avantage. Si nous ne changions pas de corps, comment pourrions-nous progresser ? Sommes-nous tellement satisfaits de nos corps actuels pour ne pas souhaiter en changer ? Certainement pas. Dans cette vie, les seules choses que nous puissions garder en permanence sont notre nature spirituelle et la grande compassion divine qui pourrait se traduire par le mot « amour ».

 

Nous sommes les ego qui s’incarnent et continueront de le faire jusqu’à ce que la grande tâche qu’ils ont entreprise soit achevée. Cette tâche consiste à élever l’ensemble de l’humanité au plus haut niveau de perfection possible sur une planète telle que la nôtre. Nous nous incarnons d’âge en âge pour la défense du juste, la destruction du mal et l’établissement de la justice. C’est pour cela que nous sommes ici, que nous le sachions ou non, et il nous faut réussir à reconnaître l’immortalité de notre propre nature pour pouvoir nous libérer des afflictions dont souffre l’ensemble de l’humanité. Nous devons nous mettre en relation et en harmonie avec le grand projet de la Nature, qui est l’émancipation de l’âme, pour laquelle seul l’univers existe.

 

La Clef de la Théosophie, H.P. Blavatsky (extrait)

 

Nous faisons une distinction entre le fait élémentaire de la conscience de soi-même, le sentiment tout simple du « je suis moi », et la pensée plus complexe : « Je suis Monsieur Dupont » ou « Madame Durand ». Pour nous qui croyons à des renaissances successives du même Ego — ce qu'on appelle la réincarnation — cette distinction constitue le pivot fondamental sur lequel s'articule tout l'ensemble. Vous voyez que « Monsieur Dupont » représente, en réalité, une longue série d'expériences journalières qui se trouvent liées ensemble par le fil de la mémoire, pour former finalement ce que « Monsieur Dupont » appelle « lui-même ». Mais aucune de ces « expériences » ne constitue réellement le « Moi » ou l'Ego, et elles ne donnent pas non plus à « Monsieur Dupont » le sentiment d'être lui-même, car il oublie la plus grande partie de ses expériences journalières, et elles ne lui donnent le sentiment d'Egoïté que tant qu'elles durent. Voilà pourquoi nous, théosophes, établissons une distinction entre cet agrégat d' « expériences », que nous appelons la fausse personnalité (parce qu'elle est limitée et passagère), et cet élément dans l'homme qui lui donne le sentiment du « je suis moi ». C'est ce « je suis moi » que nous appelons la véritable individualité ; et nous disons que cet « Ego », ou individualité, joue, à la manière d'un acteur, bien des rôles sur la scène de la vie. Appelons chaque nouvelle vie du même Ego sur terre, une soirée passée sur la scène d'un théâtre. Un soir l'acteur, ou l' « Ego », paraît dans le rôle de «  Macbeth » , un autre soir dans celui de « Shylock » , le troisième il est « Roméo », le quatrième « Hamlet » , ou le « roi Lear » , et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'il ait parcouru tout le cycle des incarnations. L'Ego commence son pèlerinage de vie sous la forme d'un lutin, d'un « Ariel » ou d'un « Puck » ; il joue le rôle d'un figurant, il est soldat, domestique, ou membre du chœur ; ensuite il monte en grade et joue « des rôles parlés » — des rôles tantôt importants, tantôt insignifiants — jusqu'à ce qu'il se retire enfin de la scène, après avoir joué le rôle de « Prospero », le magicien.

 

 

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